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Boues rouges dans les calanques : la colère des écologistes

Le conseil d'administration du Parc national des calanques, un site naturel proche de Marseille, a prolongé lundi la dérogation accordée à une usine d'alumine. Celle-ci peut désormais continuer à rejeter en mer des résidus liquides issus de la production de bauxite pendant encore 30 ans, si elle respecte certaines conditions. Les réactions se font vives chez les habitants et les écologistes.
Article rédigé par Laura Lequertier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Selon le Parc national des calanques, quelque 20 millions de tonnes de ce  mélange d'eau, de soude et de métaux lourds ont ainsi tapissé les fonds marins  depuis 1966 et la première autorisation préfectorale © Maxppp)

Ce sont près de 20 millions de tonnes d’un mélange d’eau, de soude et de métaux lourds qui ont tapissé les fonds marins aux abords des Calanques, depuis 1966 selon le Parc national des Calanques. Car, voilà 50 ans que l’usine de Gardanne a obtenu l’autorisation d’expédier ses résidus d’alumine à sept kilomètres au large de Cassis, dans le canyon sous-marin de la Cassidaigne, par 330 m de fond. Un droit qui devait prendre fin d’ici 2015, selon un arrêté préfectoral.

Lundi, le conseil d’administration du Parc national des Calanques a accordé trente ans supplémentaires à l’entreprise Alteo pour rejeter ses déchets. Afin de répondre aux obligations environnementales de la France, signataire de la Convention de Barcelone sur la protection de la Méditerranée, elle devra arrêter le rejet des déchets solides d’ici le printemps, mais pourra toujours évacuer l’eau, contenant des métaux dissous. Une décision qui pose problème, selon plusieurs défenseurs de l’environnement.

"Des protocoles fantasques"

"C'est dramatique, personnellement ça me choque beaucoup ", a réagi après le vote Yves Lancelot, membre du conseil d'administration du parc, océanographe et ancien directeur de recherche au CNRS. "Les risques, on ne les connaît pas, c'est bien le problème, pour le moment, il y a des inconnues énormes ", a-t-il poursuivi, regrettant un "chantage à l'emploi ". 

Un premier rapport de l’organisme Créocéan, financé alors par Péchiney, concluait dès 1993 à la toxicité de ces boues rouges pour plusieurs espèces, explique l'universitaire Olivier Dubuquoy, docteur en géographie. Depuis, l’entreprise a lancé son propre comité scientifique de suivi et conteste toute conséquence environnementale.

Pour elle, "l'impact [du rejet des eaux] sera très négligeable, limité à quelques mètres au-delà du tuyau. Il y aura à peine quelques traces de métaux dissous ", explique-t-elle. L'universitaire Olivier Dubuquoy n'en croit pas un  mot. Alteo fait du "science washing, il instrumentalise la science ", explique-t-il. "Les travaux de son comité scientifique, qui a le même président depuis sa création en 1994, s'appuient sur des protocoles fantasques “.

"Cela me scandalise, mais si vous voulez comprendre le système, regardez la composition du conseil d'administration: il n'y a pas beaucoup d'experts... " regrette Yves Lancelot.

"Destruction et contamination d'habitats"

Plusieurs scientifiques et écologistes craignent notamment les conséquences de ces métaux lourds sur la biodiversité de ce superbe site naturel des Calanques, et sur la santé humaine. "Le canyon de la Cassidaine est un hotspot de la biodiversité de Méditerranée occidentale et il est clair que, dans la partie où ont été déversés ces matériaux, il y a eu destruction et contamination d'habitats et d'espèces patrimoniales, comme certains coraux profonds ", explique le directeur général du Parc national, François Bland.

Quant aux Verts, ils ne conçevaient pas début septembre un avis favorable sans notamment une "expertise scientifique indépendante" et "un suivi et un contrôle annuel des engagements de l'entreprise". Mais le parti reste divisé sur certains points. "Interdire aujourd'hui tout rejet solide et liquide dans la méditerranée, c'est entraîner la fermeture immédiate de l'usine car aucune technologie de substitution n'est disponible ", plaide le député écologiste François-Michel Lambert de la circonscription de de Gardanne. L’usine emploie actuellement 400 salariés et compte 300 sous-traitants.

"L'eau, c'est la vie"

Des habitants, regroupés au sein du "Comité santé littoral sud", avaient appelé à une "mobilisation " lundi devant le centre de congrès de Cassis, près de Marseille et au coeur des calanques, pour demander le rejet de la demande de dérogation d'Alteo. Une trentaine de membres de collectifs de défense de l'environnement s'y est rassemblée. Parmi les manifestants, l'ex-navigatrice Florence Arthaud, installée à Marseille. "Je suis choquée par le rejet des boues rouges en plein milieu des calanques, et par l'attitude des politique s", a-t-elle confié: "l'eau, c'est la vie ."

"On va maintenant s'intéresser à faire passer le dossier aussi bien auprès de Ségolène Royal que dans les instances européennes" explique Olivier Dubuquoy, sur France Info

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