Clip de rap ou trafic de drogue ? Trois questions sur les vidéos virales qui ont déclenché une opération de police massive à Grenoble
Des images tournées dans la cité du Mistral ont provoqué une passe d'armes entre le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et le maire de Grenoble, Eric Piolle.
Une polémique née d'une vidéo virale. On y voit des hommes cagoulés portant des armes de guerre et semblant faire le guet autour d'un square pour enfants. Les images, tournées à Grenoble dans la cité du Mistral, ont circulé, le 24 août, sur plusieurs réseaux sociaux. Depuis, les descentes de police se sont multipliées dans le quartier et le ton est monté entre le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, et le maire de Grenoble Eric Piolle (EELV). Il ne s'agissait finalement que du tournage d'un clip, revendique le rappeur grenoblois Corbak Hood, dans une vidéo publiée lundi 31 août.
Que montrent les vidéos ?
Des hommes cagoulés font le guet dans une aire de jeu pour enfants. Gilet par-balle sur la poitrine et fusils d'assaut en mains, ils entourent des dealers, assis à table, qui semblent tenir un stand de vente de stupéfiants. Les images ont été filmées depuis un étage d'un immeuble voisin et ont d'abord été postées sur Snapchat avant d'être relayées sur d'autres réseaux sociaux. Grenoble, "capital (sic) du stup", vante une autre vidéo. On y voit cinq hommes autour d'une table couverte de paquets de friandises qui pourraient contenir des produits stupéfiants.
Quelles sont les réactions ?
Sur Twitter, c'est le militant d'extrême droite Damien Rieu qui a dégainé une attaque adressée au ministre de l'Intérieur, en partageant les images. "Les narcotrafiquants vendent leur drogue sous la protection d'hommes lourdement armés. Mais Gérald Darmanin préfère s'occuper de mettre des amendes pour les maques", commente-t-il. Son message est ensuite largement partagé.
Des images "inadmissibles", avait aussi réagi sur Twitter le procureur de la République à Grenoble, Eric Vaillant, lundi 24 août. Cela "renforce, si besoin est, la détermination du parquet de Grenoble à lutter contre les trafiquants de stupéfiants", ajoutait-il. Une opération de police est menée 48 heures plus tard dans le quartier. Entamée en début de soirée par une quarantaine de policiers, elle vise à assurer que "l'Etat s'imposera face à l'ensauvagement d'une minorité de la société", écrit le ministre de l'Intérieur sur Twitter. Après une cinquantaine de contrôles, les policiers ne procèdent à aucune interpellation ni saisie.
L'opération n'est pas du goût du maire de Grenoble, qui dénonce "un vaste coup de com'". En retour, Gérald Darmanin reproche au maire écologiste un "manque d'implication de la ville en matière de sécurité". Une telle réaction "n'est pas digne de la République", rétorque alors Eric Piolle.
Un début d'explication vient de jeunes habitants du quartier. Pendant un point presse du préfet de l'Isère, le 26 août, ils l'interpellent, clamant que "c'était un clip de rap, que les armes étaient factices", comme le relaie France 3 Alpes.
#Grenoble "C'était un clip de rap, les armes étaient factices" crient les jeunes de #Mistral au préfet de #isere pic.twitter.com/6C9jNMQPPH
— France 3 Alpes (@f3Alpes) August 26, 2020
Où en est l'enquête ?
Dès la publication des vidéos, le parquet de Grenoble a ouvert une enquête pour "association de malfaiteurs" confiée à la police judiciaire. Une semaine plus tard, Corbak Hood, un rappeur grenoblois, affirme dans une vidéo postée sur YouTube, lundi 31 août, que les images étaient une mise en scène pour promouvoir son titre Chicagre – une contraction entre Chicago et Grenoble. "Les armes sont factices, les produits n'étaient que du CBD, seules les friandises sont vraies. Un grand merci aux médias BFMTV, CNews, Le Dauphiné Libéré pour la promo", affirme à la fin de son clip le jeune rappeur, très fier de son coup.
Interrogé mardi par France 3 Auvergne Rhône Alpes, Corbak Hood a assuré que son clip n'avait "rien à voir" avec le trafic de stupéfiants qui gangrène le quartier du Mistral.
"Ça n'a aucun rapport, moi je suis un rappeur (...) tout ça c'est de la mise en scène", a-t-il dit en expliquant avoir fait ce clip car il "galérait un peu" dans son activité musicale. "Y avait une opportunité de buzzer et je l'ai utilisée, le clip je l'ai fait avant et je l'ai laissé fuiter, comme Stromae pour le clip de Formidable, j'ai laissé fuiter deux-trois images." "J'savais pas que ça allait marcher à ce point-là, faire déplacer le préfet, tout ça", souligne le rappeur.
Malgré ces déclarations, l'enquête est toujours en cours, a indiqué, mardi 1er septembre, le procureur de Grenoble Eric Vaillant. Par ailleurs, le parquet précise à franceinfo que "les policiers vont notamment rechercher et entendre les auteurs du clip sur les faits de provocation à l'usage illicite ou au trafic de stupéfiants et port d'armes prohibé, susceptibles de leur être reprochés".
"Au sujet de la vidéo tournée à Grenoble la semaine dernière, certains prétendent à présent qu'il s'agissait du tournage d'un clip... L'enquête diligentée par le procureur fera la lumière sur ce point. Clip ou pas clip, on n'a pas le droit d'être armé sur la voie publique", a tweeté mardi la préfecture.
Au sujet de la vidéo tournée à #Grenoble la semaine dernière, certains prétendent à présent qu'il s'agissait du tournage d'un clip...
— Préfet de l'Isère (@Prefet38) September 1, 2020
L'enquête diligentée par le Procureur fera la lumière sur ce point.
Clip ou pas Clip, on n'a pas le droit d'être armé sur la voie publique
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