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Vive le malaise français ! (disent les Anglo-Saxons)

Experts en "french bashing", ils nous reconnaissent, à l'occasion, un certain nombre de qualités : une liste étonnante mais bonne pour le moral.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des répliques de la tour Eiffel, en vitrine dans une boutique parisienne, le 6 juillet 2013.  (THOMAS SAMSON / AFP)

Les Anglo-Saxons adorent détester les Français. Les unes de magazines illustrent régulièrement ce phénomène d'attraction / répulsion qui se traduit par la pratique du "french bashing", une critique tous azimuts de ce qui fait la France. Pourtant, ces derniers temps, des journalistes ont été surpris en flagrant délit de flatterie à l'égard du "mode de vie français", comme The Atlantic (lien en anglais), mardi 30 juillet. Allant jusqu'à voir dans la bougonnerie franchouillarde le signe d'un réalisme sain. 

Francetv info n'a pas boudé son plaisir. Voici, en vrac, les étranges atouts que les Anglo-Saxons nous envient. Et ce n'est pas forcément ceux que l'on croit. 

1Notre mentalité : une tendance dépressive mais saine 

Le "malaise français" fait-il jeu égal avec la baguette, l'accordéon et La vie en rose, parmi les clichés made in France ? Il faut croire que oui. "Les Français vivent de leur malaise un peu comme les Britanniques vivent de leur famille royale", relevait le 12 juillet un édito du New York Times, traduit par Courrier international. Pour le journaliste, notre tendance à faire une tête de six pieds de long "est un tour de passe-passe commercial, où l'affectation joue un rôle, un objet de fascination pour les étrangers plutôt qu'une condition inquiétante". Il y décèle plus "une forme robuste de réalisme qu'un signe de malaise". Face à l'optimisme à toute épreuve des Anglo-Saxons, la France répond par "l'amertume de la sagesse", estime-t-il.

Relevant que l'Hexagone connaît néanmoins quelques vraies raisons de déprimer (à commencer par un taux de chômage dont, à l'heure où sont écrites ces lignes, la courbe se dirige toujours vers le haut), il salue l'égalité d'humeur du peuple français : le Français tire la tronche, oui, mais tout le temps. Même quand ça va. L'économiste Claudia Senik, professeure à l'université Paris-Sorbonne et à l'Ecole d'économie de Paris, l'a confirmé, interrogée par Yahoo! Finance : "Quand on trace la courbe du bonheur moyen des Français au cours du temps depuis les années 70 et qu'on compare avec les autres pays, on voit que la courbe des Français est vraiment en bas. Ce malheur des Français est là depuis qu'on peut observer ces données."

"Aucun autre peuple ne sait aussi clairement hausser les épaules, analyse pour sa part l'édito du New York Times. Aucun autre [peuple] n'intériorise aussi pleinement l'idée qu'en fin de compte, nous sommes tous morts." Ce qui fait partie de notre charme, pour certains. 

2 Notre culture : une certaine maîtrise du glauque 

A force de broyer du noir, les Français seraient devenus experts dans l'art de décrire les angoisses et les tréfonds de l'âme humaine. Comme l'a relevé mardi le britannique The Guardian sur son site internet, la France s'est imposée comme chef de file dans le domaine des fictions dites "noires", thriller et polar en tête, au même titre que les Scandinaves. La série Les Revenants, diffusée en Grande-Bretagne sur la chaîne Channel 4, a rassemblé plus d'un million de téléspectateurs (pourtant bien servis en séries télé de qualité home made)  :"Les Français ont inventé le terme 'noir'. A présent, les Français se le réapproprient", s'enthousiasme le quotidien, qui cite notamment la fiction policière Engrenages.  

Outre-Manche, le réalisme lugubre des écrivains français séduit également. Ainsi, le 15 juillet, la Crime Writers' Association (CWA), qui promeut les auteurs de polars, a récompensé L'Armée furieuse, de la romancière Fred Vargas, ainsi qu'Alex, par son compatriote Pierre Lemaitre, rappelle The Guardian. Des auteurs qui "viennent confirmer que les Français sont à la mode chez les éditeurs britanniques". 

3 Notre mode de vie : nous souffrons (ce qui nous rend beaux)

Le temps où les correspondants américains à Paris s'enthousiasmaient pour les apéros pâté-vin rouge dans les troquets à nappes vichy de la butte Montmartre (comment ça ? vous ne faites pas ça tous les soirs ?) n'est pas tout à fait révolu. Dans cet article de The Atlantic, publié mardi (lien en anglais), la journaliste reconnaît en effet boire une demi-bouteille de vin par soir.

En revanche, elle liste une série d'étranges caractéristiques censées nous distinguer positivement des Américains : nous prenons constamment les escaliers ("prendre l'ascenseur semble être un pêché") ; nous ne mettons pas l'air climatisé ("les fenêtres dans le métro sont ouvertes", s'étonne-t-elle, avant de décrire l'atmosphère pesante d'un été parisien) ; et nous marchons constamment. Résultat : "[les Français] ressemblent à ce dont je me rappelle des Américains en 1983. Je pense que cela est dû à ce qui m'interpelle dans leur culture : le mouvement constant, le régime, l'inconfort naturel". 

Dans cet étonnant édito, le Français apparaît raisonnable. "Il n'y a pas de gens gros à Paris, note-t-elle (ah bon ?), ni de gens incroyablement athlétiques (...). Les Français ne sont pas attirés, comme nous [les Américains] le sommes, vers les extrêmes". Cette tempérance n'a rien à voir avec une éventuelle supériorité frenchy. Au contraire. Le Français est raisonnable parce qu'il n'a pas le choix. Cette souffrance, "cette odeur constante de transpiration" nous pousse à profiter pleinement des petits plaisirs, analyse l'article. Et de vivre l'arrivée dans une pièce fraîche en plein juillet comme la découverte d'une oasis en plein Sahara. Mais surtout, il faut continuer à se plaindre. Apparemment, cela fait partie de notre charme. 

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