Dépassements d'honoraires des médecins : qu'est-ce qui bloque ?
"Un texte de loi est prêt ", avait averti Marisol
Touraine, la ministre de la Santé. Entendre par là : si le projet
présenté par l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance maladie) à ses
partenaires ne permettait pas un consensus lundi, le gouvernement légifèrera. Même
fermeté côté Elysée, puisque François Hollande avait lui-même évoqué la veille
sa ferme intention de recourir à la loi faute d'accord.
Jeudi dernier, malgré l'épée de Damoclès
gouvernementale et une quinzaine d'heures de négociation, ni les syndicats de
médecins ni l'Assurance maladie n'avaient réussi à s'entendre sur l'accord
envisagé.
**Qu'est-ce qui bloque ?
**
Tous
sont d'accord sur l'essentiel, mais les résistances s'éprouvent à la marge. Le
diable est dans les détails, et parmi eux, notamment, la question du niveau de
dépassements des honoraires au-delà duquel une procédure de sanction pourrait être prononcée
et celle de la participation des mutuelles.
Ainsi, tandis que, côté Assurance maladie, son directeur Frédéric van
Roekeghem défend une augmentation des tarifs du secteur 1 pour délégitimer les
dépassements d'honoraires de secteur 2, le président du Syndicat des médecins
libéraux, crucial pour obtenir la majorité nécessaire, estime de son côté que "La
mission était de négocier sur les dépassements d'honoraires, pas sur la
revalorisation du secteur 1 (médecins interdits de dépasser)". En l'état, le projet prévoit une
prime forfaitaire de 5 euros versée à tous les médecins par l'assurance-maladie
pour chaque acte sur une personne de plus de 80 ans.
La mesure pourrait coûter 160 millions d'euros
à la Cnam, qui se dit prête à mettre 250
millions d'euros pour l'augmentation des honoraires, les mutuelles alignant sur la table les150 millions d'euros
supplémentaires pour financer la hausse des
autres tarifs. Problème : certains syndicats de médecins ne se satisfont
pas de ce qu'ils n'estiment être que des promesses, et appellent les mutuelles à s'engager un peu plus fermement...
Quel niveau fixer pour les dépassements dits "excessifs" ?
Les désaccords persistent aussi sur le niveau des dépassements excessifs :
que faut-il entendre par "excessif" ? Pour l'Assurance
maladie, c'est deux fois et demie le tarif de la Sécurité sociale (c'est-à-dire
environ 70 euros), avec une majoration pour la ville de Paris. Certains, comme certains syndicats de médecins spécialistes, refusent eux carrément l'idée d'un seuil
prédéfini...
Pour les dépassements moins importants, mais plus nombreux en volume, le
projet détaille la mise en place d'un *"contrat d'accès aux soins"
- qui serait réservé aux 30.000 médecins de secteur 2 qui ne dépasseront pas
en moyenne annuelle deux fois le tarif de la Sécu.
Pendant trois ans, le médecin stabiliserait ses honoraires et s'engagerait à
recevoir au moins 30% de ses patients au tarif de la Sécu. Parmi eux, on
retrouvera les bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU) et ceux
de l'Aide complémentaire santé (ACS), soit des revenus inférieurs à 10.711
euros pour une personne seule sans enfants. Pour ces praticiens, l'accord
prévoit que la partie remboursée de leur consultation sera relevée, et
certaines de leurs cotisations prises en charge. Sur le principe, pourquoi pas.
Mais là encore, les syndicats attendent des complémentaire des garanties plus
fermes.
Quelles sanctions ?
Vient ensuite la problématique délicate de la procédure de
sanction, jusqu'ici terrain réservé du conseil de l'Ordre des médecins, seul
compétent pour contrôler les dépassements abusifs. Le projet entend clarifier
la procédure en mettant sous "surveillance" les médecins
indélicats, qui seraient renvoyés devant une commission paritaire composée de
syndicats de médecins et de représentants de l'Assurance maladie, charge à elle
de suspendre le droit du médecin à pratiquer des dépassements. Voire à les
déconventionner.
L'idée est séduisante pour toutes les parties à la signature
de l'accord, sauf que le projet impose, avant que ne soit prise la sanction, que
soient pris en compte des critères comme "la fréquence des actes avec
dépassement ", "le lieu d'exercice " ou le "niveau
d'expertise et de compétence du médecin " .
Avec, en outre, la possibilité d'un appel à l'échelon
national des décisions des commissions régionales. Sans que cela n'exclut, d'ailleurs,
une contestation de la décision devant la justice... Pour les syndicats de médecins,
le dispositif est trop léger, peu
efficace pour pouvoir sanctionner effectivement les médecins indélicats.
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