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Discrimination lors de contrôle policiers : "Nous enjoignons le parquet à diligenter des enquêtes et des poursuites"

Selon le président de SOS Racisme, le rapport du Défenseur des droits renvoie à "une vision très racialisée" de la société.

Article rédigé par franceinfo
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Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, place de la République à Paris, en 2017. (BERTRAND GUAY / AFP)

"Nous enjoignons le parquet à diligenter des enquêtes et des poursuites par rapport à ce qui est révélé", a réagi dimanche 14 avril sur franceinfo Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, après la remise en question des pratiques de la préfecture de police de Paris en matière de contrôles par le Défenseur des droits Jacques Toubon. Il a constaté des "ordres et consignes discriminatoires" concernant des "contrôles d'identité" et demande une inspection dans l'ensemble des commissariats parisiens.

"J'espère que le ministre de l'intérieur va, cette fois-ci, prendre réellement la mesure du problème", a martelé Dominique Sopo. Il souligne également qu'il y a "très nettement un problème de formation" sur ces questions de discrimination. Selon le président de SOS Racisme, le rapport du Défenseur des droits renvoie à "une vision très racialisée" de la société.

franceinfo : Est-ce que le rapport du Défenseur des droits vous choque et vous surprend ?

Dominique Sopo : Cela me choque, puisque ce sont des pratiques racistes, et non pas des pratiques qui renverraient à une maladresse. Est-ce que cela me surprend ? Absolument pas, puisqu'on sait qu'il y a une vision très racialisée dans de grands pans de la société, y compris dans la police. Nous sommes dans un pays qui est extrêmement peu mature sur ces sujets. À chaque fois que ces types d'éléments sont évoqués, on va évoquer, au mieux la maladresse, au pire, on va éructer contre les personnes qui délivrent ces informations. J'espère que le ministre de l'Intérieur va, cette fois-ci, prendre réellement la mesure du problème, parce qu'il n'est pas normal que des citoyens - parce qu'ils sont considérés comme des 'nègres' ou des 'bougnoules' - puissent être visés par une police républicaine. La justice est saisie, mais nous enjoignons le parquet à diligenter des enquêtes et des poursuites par rapport à ce qui est révélé. C'est le fruit d'une enquête du Défenseur des droits sur le long cours.

Est-ce qu'il y a un aveuglement d'une partie de la hiérarchie judiciaire ?

Je ne pense pas qu'il y ait un aveuglement. Je pense qu'il y a une tolérance, voire une forme d'accord tacite, qu'effectivement, ce sont les populations d'origine magrébine et subsaharienne qui vont poser davantage de problèmes, et que, ce n'est pas très politiquement correct de le dire, 'tant pis, ce n'est pas grave, parce qu'on est là pour être efficace'. Cela renvoie à un système de représentation extrêmement raciste, qui est pensé comme étant légitime par de larges pans de la police nationale et de la hiérarchie. Ces pratiques, dans des métiers extrêmement corporatifs, ne peuvent être révélées que de l'intérieur. Evidemment qu'il y a des policiers qui vont être choqués et qui ne sont pas en accord avec cette vision.

Est-ce qu'il y a un problème de formation ?

Il y a très nettement un problème de formation. Il n'est pas entendable que les policiers ne soient pas massivement formés sur ces questions. Malheureusement, il y a en France une très grande immaturité sur ces sujets qui ne peuvent jamais être discutés dans la moindre sérénité ou dans la moindre rationalité. Il y a encore quelques années, quand vous disiez qu'il y avait du contrôle au faciès dans la police, cela pouvait se terminer par des poursuites et une condamnation, ce qui a été le cas dans le début des années 2000. Aujourd'hui, la Cour de cassation reconnaît qu'il y a des personnes qui peuvent être contrôlées sur la base de leur faciès. Pour autant, cela n'a pas entraîné de changements substantiels en matière de formation, de pratiques, de contrôles, pour faire en sorte que ces pratiques disparaissent. J'espère que cette fois-ci, le problème sera pris à bras le corps. J'espère que nous sommes à un tournant. C'est maintenant au gouvernement d'agir et de donner droit à la demande émise par Jacques Toubon, rapidement, sans se cacher derrière le fait que la justice est saisie.

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