Lutte contre le trafic de drogue : "Je crois que j'ai brûlé ma vie", raconte Roberto Saviano aux sénateurs français

Sous protection depuis ses révélations sur les pratiques de la mafia et sur le narcotrafic, il y a 20 ans, Roberto Saviano explique aux sénateurs français que c'est au pouvoir politique de prendre des mesures, et défend la légalisation du cannabis.
Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'écrivain et journaliste Roberto Saviano, auditionné par le Sénat le 26 février 2024. (PUBLIC SENAT)

À l'écran, depuis Rome, où il s'adresse aux sénateurs à travers un écran, on ne voit rien du dispositif de sécurité qui entoure Roberto Saviano : des voitures blindées et sept gardes du corps qui l'accompagnent au quotidien. Il ne montre que son visage, avec son crane rasé et sa barbe poivre et sel.

Sa tête est mise à prix depuis presque 20 ans, depuis les révélations chocs de son livre Gomorra sur la mafia napolitaine. L’écrivain et journaliste d'investigation italien Roberto Saviano a pris la parole en visioconférence lundi 26 février, face au Sénat. Il intervenait dans le cadre des travaux de la Commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

D'emblée, Roberto Saviano veut faire comprendre aux sénateurs ce que rapporte le marché de la cocaïne.

"1 000 euros investis aujourd'hui dans des actions en bourse rapportent 1 100 euros au bout d'un an, si les choses se passent plutôt bien. 1 000 euros investis dans le marché de la cocaïne rapportent 182 000 euros au bout d'un an."

Roberto Saviano

face aux sénateurs français

Roberto Saviano estime que la France est particulièrement touchée par le narcotrafic. Et notamment Marseille, qu'il surnomme la jumelle de Naples. Il ajoute qu'aucune formation politique ne s'y attaque
parce que le sujet ne passionne pas l'opinion publique. Or, selon lui, c'est toute l'Europe qui doit s'unir pour mettre en place une politique anti mafia.

Légaliser le cannabis pour l'éloigner des drogues dures

Face aux sénateurs, Roberto Saviano a également defendu la légalisation du cannabis. Les drogues dures représentent 40% des revenus du narcotrafic, selon le journaliste italien. Légaliser le cannabis, ce serait porter un coup à leur économie, comme ça a été le cas aux États-Unis et en Uruguay.

"Avec la légalisation, les organisations criminelles doivent renoncer à de l'argent, mais aussi à des espaces, indique Roberto Saviano. Ce n'est pas toujours le cas mais parfois, ceux qui fument de la marijuana passent ensuite à la cocaïne, puis à l'héroïne. Quand ça se passe comme ça, c'est parce que le même dealer fournit les deux substances. Avec la légalisation, cette situation disparaît."

Une lutte qui coûte cher

En Italie, malgré les efforts politiques et législatifs, la lutte anti mafia manque de moyens. La justice est toujours trop lente, la société civile est en crise, selon Roberto Saviano. Peu de citoyen s'engagent et ce qui le font en paie le prix fort.

"Moi-même, je crois que j'ai brûlé ma vie. Je n'étais pas conscient de ce que je faisais. J'étais romantique. J'ai peut-être été bête. J'avais 26 ans et je me suis retrouvé dans cette situation. Aujourd'hui, j'ai 40 ans et je suis toujours dans la même situation, malheureusement", explique Roberto Saviano. Il le répète à nouveau devant les sénateurs français, c'est au pouvoir politique d'agir.

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