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Lutte contre les stupéfiants : "Face à ce contentieux de masse, la réponse est de plus en plus systématique", selon l'Observatoire français des drogues

"Ce sont des affaires qui sont de moins en moins classées sans suite", affirme sur franceinfo Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).

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Un dépistage de drogue d'un automobiliste lors d'un contrôle de police à Agen, le 16 mars 2021. (LOIC DEQUIER / MAXPPP)

"Face à ce contentieux de masse, la réponse est de plus en plus systématique", affirme mardi 27 avril sur franceinfo Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), alors que l'Observatoire publie une note sur la lutte contre l'usage de stupéfiants. Selon cette note, la lutte contre l'usage de cannabis, notamment, s'automatise, au détriment des mesures à dimension sanitaire.

franceinfo : En quoi la lutte contre l'usage de stupéfiants s'automatise-t-elle ?

Ivana Obradovic : D'abord, ce bilan s'appuie sur les chiffres officiels des ministères de l'Intérieur et de la Justice. Il montre que c'est un contentieux important en volume : il représente 130 000 interpellations en 2020. Face à ce contentieux de masse, la réponse est de plus en plus systématique. Ce sont des affaires qui sont de moins en moins classées sans suite. La réponse pénale prend des formes de plus en plus variées : ce n'est pas seulement une condamnation judiciaire, c'est beaucoup plus souvent une réponse en amont des tribunaux. Elle prend par exemple la forme d'un rappel à la loi, d'un "stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants", ou désormais d'une amende forfaitaire délictuelle.

Ces mesures prennent-elles le pas sur les injonctions de soins ?

Quand il n'y a pas de poursuite judiciaire, mais plutôt une alternative aux poursuites, on s'aperçoit que les mesures à caractère sanitaire sont de moins en moins importantes dans la réponse : c'est trois fois moins qu'il y a quinze ans, qui prennent la forme d'une injonction thérapeutique ou d'une orientation de soins. C'est une réponse de plus en plus systématique, certains disent standardisée. La diversification des réponses pénales a tendance à légèrement se restreindre dans la période récente. Evidemment, ce sera une évolution à confirmer dans les années qui viennent, mais ce qui est sûr c'est que les mesures à caractère sanitaire ont tendance à reculer, ça c'est une conclusion forte de l'étude. On sait que le statut légal d'un produit n'est pas forcément connecté au niveau d'usage qu'on peut voir dans la population. Il y a des pays qui ont des législations assez sévères, qui ont des niveaux d'usage très hauts ou très bas. Le niveau de pénalisation n'a pas grand chose à voir avec les niveaux de consommation qu'on peut trouver dans la population, qui sont plus à rattacher au prix, à l'accessibilité du produit ou à des facteurs culturels.

La France étant championne d'Europe de la consommation de cannabis, peut-on dire que les amendes ne sont pas dissuasives ?

La France figure parmi les pays avec les plus forts niveaux de consommation, en particulier chez les jeunes, avec 5 millions d'usagers dans l'année, et 900 000 usagers quotidiens, qui sont concentrés dans les tranches d'âges les plus jeunes.

"Cela dit depuis plusieurs années, on voit un vieillissement des usagers de cannabis : le "portrait-robot" de l'usager jeune est de moins en moins vrai d'après les enquêtes en population générale."

Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'OFDT

à franceinfo

Arrête-t-on plus les consommateurs que les trafiquants ?

On ne peut pas tout à fait le dire comme ça, mais en tout cas le contentieux autour de l'usage est beaucoup plus important que celui du trafic, c'est sans commune mesure. Les interpellations pour usage ont augmenté beaucoup plus rapidement que les interpellations pour trafic. Ce qui s'explique évidemment par le fait que c'est plus compliqué et plus long de démanteler une filière de trafic que d'interpeller des usagers sur la voie publique, qui sont souvent assez visibles et facilement repérables. Quand on compare les budgets qui sont consacrés, d'une part à la réduction de l'offre, donc la lutte contre le trafic, et d'autre part à la réduction de la demande, donc la répression de l'usage, on s'aperçoit que la France fait partie des pays dont la part budgétaire est plus majoritairement ciblée sur la lutte contre la demande, par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne ou la Suède. Ce sont des stratégies difficiles à comparer.

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