Protoxyde d'azote : la maire de Mulhouse interdit le gaz hilarant aux alentours des écoles pour "raisons de santé publique"
La ville de Mulhouse vient d'interdire l'usage du protoxyde d'azote à proximité des écoles. Cela suffira t-il à enrayer la consommation abusive de ce gaz hilarant qui peut se révéler nocif pour la santé ?
"Y en a partout, une catastrophe... Mon fils croit que c'est les balles des militaires... Je ne sais pas si je dois lui expliquer ce que c'est vraiment...". Ce commentaire publié en décembre 2019 sur la page Facebook de France 3 Alsace montre à quel point les capsules argentées de protoxyde d'azote (le "proto") ont envahi l'espace public.
Utilisées en médecine pour calmer les patients ou en cuisine dans les siphons de crème chantilly, ces cartouches sont détournées de leur usage initial. On les vide dans un ballon de baudruche et une fois inhalé, le gaz devient euphorisant, provoquant une hilarité irrépressible et rapide qui dure entre 20 et 30 secondes. "On en fait 3 ou 4 dans une soirée" confie un jeune homme anonymement.
Le genre de boîte qu'on trouve souvent aux abords des lycées (photo prise à Mulhouse)
Publiée par France 3 Alsace sur Lundi 16 décembre 2019
Dans certaines villes, ce sont des dizaines de capsules vides qui jonchent les rues. A tel point que Michèle Lutz, la maire de Mulhouse, a pris un arrêté interdisant l'utilisation des capsules de protoxyde d'azote dans un rayon de 500 mètres autour des établissements scolaires de 7h45 à 20h00. "Pour moi , c'est important pour des raisons de santé publique et de tranquillité publique."
Des risques majeurs pour la santé
Les effets de ce gaz peuvent se révéler très dangereux. En octobre 2019, France 3 Hauts-de-France relatait le cas de quatre gros consommateurs de protoxyde d'azote (entre 20 et 300 cartouches par jour pendant plusieurs mois précise l'article). Tous présentaient "une sclérose de la moelle épinière, qui est normalement chargée de transmettre les informations au cerveau pour les commandes motrices...Cette commande est perturbée. Les patients perdent de la précision, de la force dans leurs gestes... Ils ne marchent plus droit, ils se fatiguent vite, perdent en partie le toucher, ont des fourmillements, des soucis urinaires..." témoignait un médecin.
Mais pas besoin de consommer beaucoup de proto pour risquer des effets secondaires nocifs : asphyxie par manque d'oxygène, perte de connaissance, brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, perte du réflexe de toux (risque de fausse route), désorientation, vertiges, risque de chute...
De quoi inquiéter et justifier l'arrêté de la maire de Mulhouse qui n'est d'ailleurs pas la seule à avoir pris ce genre de mesure. Dans le Nord, 23 communes sont concernées. Le 25 juin, à Savernes dans le Bas-Rhin, le maire Stéphane Leyenberger a pris lui aussi un arrêté municipal interdisant carrément son usage aux mineurs sur l'espace public, avec sanctions à la clé.
Vers une interdiction ?
Mais cela peut-il suffire à dissuader les jeunes consommateurs (selon le ministère de la santé, la plupart des cas déclarés concernent des hommes âgés de 18 à 34 ans) ? On en doute car le phénomène n'est pas nouveau. En 2015, Le Figaro publiait un article rappelant que la mode du "proto" vient de Grande-Bretagne où ce gaz a provoqué 16 morts en 2016. En Angleterre et au Pays-de-Galles, sa vente est désormais interdite aux moins de 18 ans.
En France, on n'en est pas encore là mais le phénomène est loin d'être sous-estimé. Pour preuve, le site Drogue Info Sevices a créé une page consacrée au protoxyde d'azote et à ses effets délétères.
En décembre 2019, une proposition de loi "tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote", présentée par la sénatrice du Nord Valérie Létard, a été adoptée à l'unanimité. Objectif : interdire la vente du protoxyde d’azote aux mineurs, dans tous commerces physiques ou lieux publics, comme en ligne.
Un produit trop facile d'accès
Car le principal avantage du proto, c'est la facilité avec laquelle on s'en procure. Sur internet, on peut acheter des lots de 600 cartouches pour moins de 200 euros. Dans les bars, pour 3 à 5 euros, on vous remplit un ballon de baudruche. Et dans les commerces, les jeunes peuvent en acheter au rayon des accessoires de cuisine. Certains magasins ont d'ailleus décidé de retirer les cartouches de la vente (au grand dam des amateurs de crème chantilly !). "On a constaté beaucoup de vols. Sur 50 boites de cartouches, on nous en volait 45. C'est quelque chose qui va devenir rare dans le commerce en libre-service" explique Gisèle Riss, la responsable du Super U de Riedisheim (Haut-Rhin)
L'Assemblée nationale doit maintenant se saisir de cette proposition de loi.
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