Reportage "Eux, ils s'en foutent que vous alliez en prison" : face au narcotrafic à Marseille, des policiers sensibilisent des collégiens

Alors que les tueurs et les victimes des réseaux de trafic de stupéfiants sont de plus en plus jeunes, des ateliers de prévention uniques en France sont mis en place depuis un an par la police nationale.
Article rédigé par Mathilde Vinceneux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les tueurs et les victimes des réseaux de trafic de stupéfiants sont de plus en plus jeunes. (Photo d'illustration) (VALLAURI NICOLAS / MAXPPP)

Dans une salle du centre de loisirs de la police nationale à Marseille, une classe de troisième d’un collège des quartiers nord, échange avec deux policiers de terrain. Alors que les tueurs et les victimes des réseaux de trafic de stupéfiants sont de plus en plus jeunes dans la ville, des ateliers de prévention uniques en France sont mis en place depuis un an. 

"Qu'est-ce qu'on rencontre beaucoup à Marseille comme types de drogue ?", demande un des policiers, qui sensibilisent ces collégiens pour éviter qu’ils ne soient recrutés par les trafiquants. "Du shit, de la coke, de la beuh", répondent un peu gênés les élèves en riant. "Vous connaissez les réseaux de drogue, vous les avez déjà vu, je pense..., poursuit l'agent de police. Comment ça se passe alors ?".

Les élèves, qui ont entre 13 et 15 ans, connaissent déjà le fonctionnement d'un point de deal : "Il y a le vendeur dans la tour et les guetteurs", expose un des adolescents. 

Un recrutement sournois 

Les policiers détaillent alors le processus de recrutement des réseaux. "La première étape c'est un grand du quartier qui va vous proposer de vous offrir un sandwich ou des baskets", expliquent-ils. L’une des principales combines des trafiquants est de rendre les collégiens redevables, en leur offrant des cadeaux pour qu’ils finissent par travailler sur le point de deal. Ils deviennent ensuite de la "main-d’œuvre" que les trafiquants peuvent ensuite frapper, voire "torturer et tuer", avertissent les policiers.

"Les grands dans les cités ont l'habitude de faire ça. Alors, pourquoi ils recrutent des jeunes de votre âge à votre avis ?", demandent-ils. "Parce qu'on aura une peine moins lourde !", répond un des adolescents. Et les policiers d'insister : "Eux, ils s'en foutent que vous alliez en prison ou pas. Ils savent qu'il y aura moins de sanctions et que vous allez probablement ressortir et revenir travailler pour eux. Vous allez devenir de la main-d’œuvre !" 

Protéger les adolescents du trafic 

La discussion se déroule sous le regard de la professeure, Souror El Nabrawy : "C'est très bien ces échanges. Les jeunes ne se rendent pas compte à quel point ils sont exposés... On a souvent des élèves convoqués au tribunal pour avoir été choufs", glisse-t-elle, en référence à ces guetteurs - souvent très jeunes - présents sur les points de deal, qui alertent en criant quand les forces de l'ordre arrivent.

"Il y a une main-d’œuvre de jeunes entre 11 et 14 ans à disposition de nombreux trafiquants qui tirent profit de leur vulnérabilité", précise Yannis Bouzar, sous-préfet et directeur de cabinet adjoint du préfet de police des Bouches-du-Rhône. Pour les protéger, "l'approche répressive est indispensable mais il faut aussi de la prévention". Une cinquantaine de collèges sont ciblés par ces ateliers de prévention, des quartiers Nord aux quartiers Sud de Marseille.

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