Reportage "On se sent abandonnés par l'Etat" : à Nîmes, la détresse des enseignants et des parents d'une école confrontée aux fusillades et aux trafics

Plus de la moitié des professeurs de l’école Georges-Bruguier sont en arrêt maladie depuis lundi. Une action forte pour protester contre l’insécurité liée au trafic de drogue qui règne autour de leur établissement.
Article rédigé par Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
En plus des patrouilles de police, pour sécuriser l'école il n'y a plus qu'un seul point d'entrée et de sortie des élèves à l'école Georges Bruguier, à Nîmes (Gard), le vendredi 1er mars 2024. (FARIDA NOUAR / FRANCE INFO / RADIOFRANCE)

À l’heure de la sortie des classes, les enfants retrouvent leurs parents devant la grille, sous la surveillance de policiers municipaux. Une voiture de police patrouille aussi autour de l’école Georges-Bruguier, à Nîmes. Un dispositif insuffisant pour Mickaël, papa de deux petites filles scolarisées dans l'établissement. "On se sent même abandonnés au niveau de l'Etat, dit-il. En fait, on a l'impression que parce qu'on habite dans des quartiers, il n'y a rien qui est fait pour que la situation s'arrange. Mais là, c'est clair et net que l'année prochaine, elles ne seront plus ici". Les enfants aussi sont angoissés, comme Rokia qui se sent en danger quand elle vient en classe. "Oui, j'ai très peur. J'entends des tirs, j'entends les akha, les cris pour prévenir la police pour cacher la 'petite farine' [la drogue]."

Le quartier du Chemin-Bas d’Avignon, à Nîmes, dans lequel se niche l’établissement, est un point de deal, gangrené par le trafic de stupéfiants, rythmé par des fusillades entre trafiquants. Mais son école, Cécile y tient. "Ça me manque de ne pas enseigner", confie-t-elle. Elle est en arrêt-maladie comme une dizaine d’autres enseignants depuis lundi pour protester contre l’insécurité qui règne autour de l’école. Car le 8 février dernier a été de trop. Ce jour-là, Corinne, sa collègue, rentre d’une sortie scolaire, une randonnée, les enfants descendent du car. "J'entends deux gros bruits, j'embarque les cinquante élèves de CP. On est montés dans les classes, on s'est confinés. Ces deux gros boums, c'était des tirs."

Selon le rectorat, 11 enseignants sur 19 n'ont pas repris leur activité depuis lundi. Des arrêts-maladies d'une semaine pour une partie d'entre eux, pour d'autres cet arrêt court jusqu'au 8 mars. Le rectorat indique qu'ils sont, à ce jour, tous remplacés et qu'une cellule d'écoute au sein de l'établissement pour les élèves et les enseignants qui le désirent a été mise en place.

La présence de patrouilles ne suffit pas

"Ce qu'on veut, c'est pouvoir travailler sereinement", exprime une autre enseignante. Pour l’instant, le dispositif mis en place, à savoir la présence de la police municipale aux heures d’entrée et de sortie des élèves et les patrouilles, ne suffisent pas à rassurer les enseignants arrêtés. Ils n’y voient que du court terme.

Cette peur de retourner à l’école, Jérôme Bonet, le préfet du Gard ne la nie pas. "Les enseignants sont dans une émotion qui est légitime. Il y a une crainte, évidemment, je la comprends", dit-il. Mais il veut montrer qu’il agit. "Depuis le début du mois, on a interpellé plus de 29 personnes. Il faut cibler les organisations criminelles, puis ça va se poursuivre". Des organisations criminelles qui se renouvellent en permanence, avec des trafiquants qui font appel à des jeunes venus de Marseille, de la région parisienne, lyonnaise ou montpelliéraine. Une main-d’œuvre renouvelable et volatile qui exerce une pression constante sur le quartier et la police, précise la direction interdepartementale de la police nationale du Gard.

A Nîmes, la détresse d'une école confrontée aux fusillades et aux trafics - le reportage de Farida Nouar

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