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Inégalité salariale : comment faire pour exiger d'être payée autant que vos collègues masculins ?

Le gouvernement doit annoncer des mesures pour "régler" le problème de l'inégalité salariale "d'ici trois ans". En attendant, franceinfo vous liste les recours possibles si vous estimez être moins payée que vos collègues masculins.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
En 2014, les salariées du privé gagnaient en moyenne 14% de moins de l’heure que leurs collègues masculins en 2014, selon des chiffres de l'Insee. (CAIA IMAGE / SCIENCE PHOTO LIBRARY / NEW / AFP)

"A travail égal, salaire égal." Ce principe est, en théorie, garanti depuis la loi de 1972 sur l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, rappelle le ministère du Travail. Pourtant, les salariées du privé gagnaient en moyenne 14% de moins de l’heure que leurs collègues masculins en 2014, selon des chiffres de l'Insee. Muriel Pénicaud, la minstre du Travail, a assuré, mardi 6 mars, que le gouvernement annoncerait prochainement des mesures pour "régler" le problème de l'inégalité salariale "d'ici trois ans". En attendant, franceinfo vous liste les recours possibles pour être payée autant que vos collègues masculins.

Etape 1 : vérifier qu'il existe un écart de rémunération

Vous avez l'impression de moins bien gagner votre vie que vos collègues masculins, à un poste équivalent ? Encore faut-il vous en assurer. Capital recommande pour cela de regarder la grille de salaires de votre entreprise, qui mentionne "les statuts ou catégories (ouvrier, technicien, cadre), les niveaux et coefficients de salaire", ou la demander à vos représentants du personnel. Si elle n'existe pas, vous pouvez regarder les offres d'emploi dans votre entreprise ou tout simplement en discuter avec vos collègues, ajoute Cadre et dirigeant magazine.

Autre option, plus radicale : demander en référé que votre employeur vous communique tous les documents nécessaires pour comparer votre rémunération à celle de vos collègues (contrat de travail, fiche de paie, avenants, montant des primes versées...). En 2012, la Cour de cassation a en effet estimé que ces éléments étaient nécessaires à tout salarié pour prouver qu'il était victime d'une discrimination, indique l'avocate Stéphanie Jourquin sur son site

"Pour que le conseil des prud'hommes prononce cette injonction, il faut que l'employée fournisse des éléments montrant qu'il y a une présomption d'inégalité de traitement, par exemple une attestation d'un ancien salarié de l'entreprise", précise Christophe Noël, avocat spécialisé en droit du travail, interrogé par franceinfo.

Etape 2 : négocier avec le service RH

Si vous constatez un écart de salaire avec vos collègues masculins, commencez par demander une explication à votre supérieur direct, "sans [vous] victimiser, mais en mettant en avant [votre] contribution à l’entreprise", préconise Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, interrogée par Les Echos.

Vous pouvez également demander des explications au service des ressources humaines, en particulier s'il existe une équipe dédiée aux questions d'égalité et de diversité, note le quotidien. Les représentants du personnel peuvent vous accompagner dans cette démarche. "Si vous demandez un éclaircissement au responsable des ressources humaines, il ne va pas forcément vous proposer une augmentation et reconnaître une discrimination, note Christophe Noël. Il va en revanche vraisembablement vous donner les raisons de cet écart de salaire." Soit l'explication est satisfaisante, soit "elle ne vous convient pas et vous pouvez tenter d'autres recours".

Etape 3 : avertir l'Inspection du travail

Si la négociation avec votre service RH s'est avérée infructueuse, vous pouvez avertir l'Inspection du travail. "[Emmanuel Macron] a ­annoncé, le 25 novembre dernier, que cela faisait partie des priorités de l’Inspection du travail que de veiller à l’application de la loi pour l’égalité ­salariale", a ainsi rappelé la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, à C News Matin

"Les inspecteurs du travail ou, le cas échéant, les autres fonctionnaires de contrôle assimilés sont chargés (...) de constater les infractions aux dispositions relatives à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes", précise le ministère du TravailPour se rapprocher de l'Inspection du travail, il faut prendre contact avec la section de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) dont dépend votre entreprise. 

"Une inégalité de traitement, qu'il s'agisse de rémunération ou d'avancement de carrière, peut être la conséquence d'une discrimination, par exemple sexiste, rappelle Christophe Noël. S'il le juge pertinent, l'inspecteur du travail peut se déplacer pour juger sur place. Il peut même dresser un procès-verbal s'il constate une discrimination." Ce rapport peut s'avérer utile en cas de procédure devant les prud'hommes, voire être directement "transmis au parquet" si l'inspecteur constate un délit.

Etape 4 : saisir les prud'hommes

En dernier recours, une salariée victime d'inégalité de rémunération peut engager une procédure devant les prud'hommes. L'employée doit toutefois "présenter devant la juridiction les faits qui permettent de présumer l’existence" d'une discrimination, précise Christophe Noël sur son site. En clair, c'est à elle de prouver qu'il existe une différence de rémunération.

L'employeur doit alors justifier cette inégalité avec des éléments objectifs. Il a parfaitement le droit "d'individualiser les salaires", même à un poste équivalent, en fonction de la qualité du travail (à condition qu'elle puisse être vérifiée par des éléments objectifs), des compétences professionnelles, de l'âge, de l'expérience ou encore de l'ancienneté, précise la CFDT. "Le conseil des prud'hommes va comparer la situation de la salariée avec un panel d'autres employés qui ont une situation similaire", indique Christophe Noël. 

Si l'employeur est dans l'incapacité de justifier cet écart, "la rémunération la plus élevée remplace automatiquement celle" de la salariée lésée, poursuit l'avocat. L'employée peut également obtenir "un rattrapage de salaire sur les trois dernières années""Il y a une prescription au-delà de ce délai, mais il est étendu à cinq ans si on se trouve, par exemple, dans une situation de harcèlement", ajoute Christophe Noël.

L'entreprise peut, enfin, être condamnée à "verser des dommages et intérêts en réparation [des] préjudices d'ordre financier et moral". "Les inégalités salariales peuvent être dues à une mauvaise gestion sociale de la part de l'employeur, mais elles sont souvent liées à une situation plus grave, insiste Christophe Noël. En cas de discrimination ou de harcèlement, la salariée est en droit de demander la rupture de son contrat aux torts de l'employeur." Dans ce cas, le conseil des prud'hommes indemnise l'employée pour "l'intégralité du préjudice subi".

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