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Admission post-bac : mais où sont passés les près de 60 000 bacheliers "recalés" par le système ?

Selon le ministère de l'Enseignement supérieur, au terme de la procédure APB, il ne resterait plus que 6 000 bacheliers sans affectation à la rentrée, contre 65 000 il y a un mois. D'après l'enquête de franceinfo, c'est une baisse en trompe-l'oeil.

Article rédigé par Solenne Le Hen - Edité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La plateforme internet d'admission post-bac.  (MAXPPP)

En 2017, l'admission post-bac (APB) a été très compliquée. En cause : une hausse démographique des étudiants que le système universitaire n'avait pas anticipée. Beaucoup de bacheliers ont passé un été d'angoisse. Le gouvernement, lui, affirme que la situation s'est améliorée en s'appuyant sur la baisse du nombre d'élève sans affectation en cette rentrée. Pourtant, c'est une baisse en trompe-l’œil.

Que deviennent les recalés d'APB ? Enquête de Solenne Le Hen

Fin juillet, le ministère de l'Enseignement supérieur affirmait qu'il restait 65 000 bacheliers sans affectation dans une université pour la rentrée. Aujourd'hui, il indique qu'ils sont 6 000 dans ce cas. Cela signifie qu'environ 60 000 personnes sont sorties du système APB en un mois. 

Les filières restantes ne font pas rêver

Une grande partie de ces bacheliers a trouvé une place à l'université grâce à la procédure complémentaire mise en place cet été. Or, ces filières ne sont pas vraiment celles qui font rêver. "C'est plutôt les fins de soldes, lance Clément, qui en a fait l'expérience. Pour ce qui est de l'Île-de-France, la grande majorité des places sont des licences de langues." Mais ces langues sont bien "spécifiques", poursuit Clément, qui cite en exemple le malgache et l'arménien.

Le jeune homme aurait bien suivi un cursus en informatique, mais il lui aurait fallu déménager à des kilomètres de la métropole : "En Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion où à Tahiti, ça il n'y a aucun problème, il y a de la place pour ça", indique-t-il.

Accepter ou perdre une année

Beaucoup de bacheliers prennent donc, par dépit, une formation sur la procédure complémentaire. C'est le cas de Valentin, qui vient tout juste de s'inscrire à la faculté en éco-gestion même s'il aurait préféré un IUT. "Je vais être obligé de faire une licence en trois ans. La fac, ce n'est pas ce qui m'attirait le plus au niveau du travail. Je préférais être cadré dans un IUT plutôt que d'être quasiment en roue libre dans une fac." Valentin n'est pas vraiment motivé mais, pour lui, c'est le dernier recours.

Je préfère me dire que je sais où je vais l'année prochaine plutôt que de n'avoir rien du tout et de perdre une année.

Valentin, étudiant

à franceinfo

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'Enseignement supérieur, ces dernières semaines, entre 30 000 et 40 000 élèves comme Valentin ont opté pour une formation grâce à la procédure complémentaire. Plusieurs d'entre eux, contactés par franceinfo, reconnaissent avoir préféré s'inscrire dans des formations qui ne leur plaisent pas pour mieux se réorienter dans un an et redemander la formation de leurs rêves sur APB. 

Faire une année de césure

Reste tout de même entre 20 000 et 30 000 bacheliers évaporés dans la nature. Une partie d'entre eux s'est tout simplement découragée, notamment en raison du "stress", d'"angoisse" et de "désillusion" engendrés par cette situation, explique encore un bachelier qui raconte avoir "appelé APB une bonne dizaine de fois", en vain. 

Difficile de compter combien sont dans ce cas, mais il existe sûrement un nombre important d'élèves qui, découragés, ont décidé de faire un an de césure en travaillant ou en partant à l'étranger. Certains même ont décidé de retourner au lycée pour... repasser le bac et ainsi tenter à nouveau leur chance sur APB l'an prochain.

Les écoles privées y trouvent leur compte

Il existe un autre type d'"évaporés" du système APB : ceux qui n'ont pas pu se résigner à abandonner l'idée de faire des études supérieures en septembre. Clément a fini par s'inscrire dans une école moyennant 9 000 euros par an. "J'ai trouvé par moi-même, j'ai trouvé une école privée et assez onéreuse, explique-t-il. 

Ça montre que l'État se repose sur des écoles privées pour se débarrasser des personnes qui n'ont rien ou régler une partie des problèmes.

Un bachelier "évaporé" de la plateforme APB

à franceinfo

Pour ces écoles privées, c'est une aubaine. Certaines ont largement employé le mot-dièse #APB2017 sur Twitter pour dénicher des candidats malheureux à l'APB.

Franck Papazian, le président de l'une de ces écoles, le groupe de formation en communication Media School, affirme par exemple avoir reçu de nombreuses candidatures "entre mi-juillet et en ce moment".

On a été très sollicité, beaucoup plus que les années précédentes, par des élèves qui n'ont pas été satisfaits par les propositions APB, [qui étaient] un peu désespérés.

Franck Papazian, président de Media School

à franceinfo

Il reste aujourd'hui, selon le ministère, 6 000 étudiants en attente sur APB. Découragée, une partie d'entre eux risque encore de quitter le système public dans les prochaines semaines pour rejoindre le système privé. Une fuite qui remplira forcément aussi les caisses des écoles privées.

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