Formation "dès l'après-bac" pour les enseignants : ce que propose Emmanuel Macron "diminuera encore l'attractivité du métier", estime le Snes-FSU
Emmanuel Macron propose "quelque chose qui va encore diminuer l'attractivité de nos métiers", estime samedi 2 septembre sur franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, le syndicat le plus représentatif du second degré. Lors d'un déplacement dans un lycée professionnel d'Orange (Vaucluse) vendredi, le chef de l'État a fait part de sa volonté d'avoir "une formation dès l'après-bac" pour les enseignants, afin de permettre aux jeunes d'être formés plus tôt à ce métier. Mais selon Sophie Vénétitay, "ce moyen de baisser le niveau de recrutement va conduire à moins payer" les enseignants.
Emmanuel Macron souhaite "une formation dès l'après-bac" pour les enseignants. Le chef de l'État veut permettre aux jeunes d'être formés plus tôt. Vous vous y êtes opposés. Pourquoi ?
Sophie Vénétitay : Nous y sommes opposés parce qu’on sent vraiment que le président de la République recycle un passé un peu mythifié en évoquant par exemple les Écoles normales qui étaient une façon de former les enseignants au XIXᵉ siècle. Il est complètement bloqué dans le XIXᵉ siècle en oubliant les réalités aujourd'hui. Et finalement on s'aperçoit que cette façon de former, de recruter les professeurs, c'est surtout un moyen de finalement baisser le niveau de recrutement et ça va conduire à moins nous payer. Emmanuel Macron a réussi ce tour de force de proposer quelque chose qui va encore diminuer l'attractivité de nos métiers alors qu'on a du mal à recruter.
Est-ce que vous ne faites pas un procès d'intention ? Emmanuel Macron n'a pas encore parlé du salaire ? Est-ce que la question qui se pose dans un premier temps, n'est pas celle de la formation des enseignants et éventuellement d'aller peut-être chercher très tôt, trop tôt certains, certains étudiants ?
On n’est pas dupe de la manœuvre qui consiste à diminuer le niveau de recrutement pour ce qui va nécessairement avoir un impact sur les rémunérations. Si vous diminuez le niveau de qualification de fait, vous diminuez le niveau de rémunération. Puis, aller chercher très tôt des étudiants, voire même des néo-bacheliers, c'est quand même ouvrir la porte à de nombreux risques. D'abord, est-ce que ces néo-bacheliers ne vont pas changer d'avis et ne vont pas avoir envie de changer un peu de cursus ? On perdra là aussi des candidats.
Et puis surtout, Emmanuel Macron fait en sorte qu'on balaye complètement d'un revers de la main tout ce qu'on apprend quand on se forme pendant cinq ans pour passer les concours. La petite phrase d'Emmanuel Macron me rappelle une sortie de Xavier Darcos, ancien ministre de l’Éducation. Il y a quelques années, il demandait : 'est-ce qu’on a besoin d'un master pour changer les couches ?' C'était une proposition très provocatrice. Et là, on a vraiment l'impression qu'il méconnaît complètement ce qu'on fait en se formant pendant cinq ans.
Est-ce que vous seriez par exemple favorable à la réinstauration des IUFM [Instituts universitaires de formation des maîtres] supprimés à l'époque par Nicolas Sarkozy ?
Ce qu'il faut regarder avec beaucoup d'attention, c'est quel niveau de recrutement on veut pour nos professeurs et pourquoi on veut un tel niveau de recrutement ? L'air de rien, le fait d'arriver en étant formé, en étant recruté à bac +5, c'est aussi source de crédibilité auprès des élèves, voire même source d'autorité, pour reprendre un mot qu'Emmanuel Macron aime beaucoup auprès des élèves.
Au-delà du fond parlons de la forme. Quel regard vous portez sur cette forme de reprise en main des questions d'éducation par Emmanuel Macron ?
C'est très agaçant de découvrir un certain nombre de choses dans la presse. Il y a quinze jours, on a échangé avec Gabriel Attal sur les dossiers de la rentrée et notamment sur cette question des concours. On lui a dit qu'on souhaitait faire le bilan des dernières réformes avant d'ouvrir le dossier. Il était d'accord avec cette idée qu'il fallait prendre un peu de temps pour se poser. Et là, hier, on découvre que le président de la République est aussi finalement, le super ministre de l'Éducation nationale qui nous dit que les choses sont décidées.
"Il y a deux solutions : soit Gabriel Attal n’a pas la main et finalement, l'Éducation nationale se pilote du côté de l'Élysée, soit il est de mèche avec le président de la République pour finalement aller très vite au mépris des organisations syndicales."
Sophie Vénétitayà franceinfo
Il nous a quand même dit qu'il était attaché au dialogue social. Mais là, pour l'instant, on a surtout un super président. Il y a peut-être une forme d'alignement entre la rue de Grenelle et l'Élysée. Mais si c'est pour annoncer des choses très frontales, très brutales, qui n'ont pas été discutées avec les organisations syndicales, ça va surtout mettre sous tension tout le système éducatif. Je rappelle que le dernier, qui a beaucoup usé de cette méthode en ne nous écoutant pas, en passant par les médias pour faire des annonces, c'était Jean-Michel Blanquer. Ça s'est quand même très mal terminé dans la relation avec les enseignants. Et c'est peut-être aussi un message que Gabriel Attal doit entendre.
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