Angoisses, blessures, isolement... Comment repérer un enfant victime de harcèlement scolaire ?
C'est une question qui préoccupe de plus en plus les parents d'élèves : comment savoir si son enfant est victime de harcèlement scolaire ? Un élève sur dix en moyenne serait concerné, selon les estimations du gouvernement, qui a dévoilé fin septembre un plan interministériel de lutte contre le harcèlement, promettant une "mobilisation générale" contre ce "phénomène massif", avec notamment un numéro unique d'appel, le 3018.
"Il faut être très attentif et très disponible à tous les signaux que les enfants peuvent émettre", souligne Daniel Bailly, pédopsychiatre à Annecy. Cet ancien professeur des universités à la faculté de Marseille a analysé les symptômes qui peuvent permettre d'identifier de potentielles victimes de harcèlement scolaire. "Ce n'est pas n'importe quel enfant qui va être harcelé, précise le pédopsychiatre. Les prédateurs sont particulièrement forts pour repérer leurs proies et savoir quel enfant va répondre à leurs provocations. Généralement, ce sont des enfants qui ont des troubles anxieux, extrêmement timides et réservés. Ce sont des enfants qui ne font pas parler d'eux, voire même des enfants modèles."
Avant de partir à l'école, la boule au ventre
"Il est très, très important que les parents soient sensibilisés et ne pas dire, comme on entend parfois 'ce n'est pas grave, il passe une mauvaise période', explique le pédopsychiatre Daniel Bailly. Dès qu'un enfant émet des signaux de souffrance, il faut s'en inquiéter". Les symptômes peuvent être des crises d'angoisse ou des maux de ventre et de tête avant de partir à l'école.
Mais ces symptômes d'anxiété ne sont pas systématiquement révélateurs d'une situation de harcèlement scolaire, et ils peuvent être passagers. Il convient de les prendre en compte "à partir du moment où ils ont lieu sur une certaine durée et avec une certaine intensité".
À l'école, des notes en baisse
Le bulletin de notes peut être un bon indicateur de harcèlement scolaire, surtout lorsque les résultats scolaires sont en chute libre. À l'école, les enfants harcelés ont tendance à s'isoler, à être triste. Ils peuvent également avoir des difficultés à prendre des initiatives et à s'intégrer. "Ils ont peur de lever le doigt, d'aller au tableau ou de dire des bêtises", indique le pédopsychiatre Daniel Bailly.
Il est donc essentiel de bien communiquer avec le personnel enseignant. "Si à la rentrée scolaire, l'enseignant, vous dit soit 'on ne l'entend pas', soit qu'il faut trois mois pour qu'il entende la parole de l'enfant, il faut s'inquiéter", ajoute Daniel Bailly.
Des blessures au retour de l'école
Un enfant harcelé peut présenter des égratignures, des bleus, et même, parfois, des vêtements arrachés ou des fournitures scolaires abîmées. "Les vêtements arrachés, ça fait penser à une bagarre, donc il faut prêter attention et demander à l'enfant ce qu'il s'est passé", explique Daniel Bailly. En parallèle, un manque d'appétit ou des troubles du sommeil sont également des symptômes de harcèlement scolaire.
Une communication de plus en plus difficile
Une fois rentré de l'école, l'enfant harcelé peut se murer dans le silence. "Un enfant qui est harcelé, il a souvent honte parce qu'il pense que c'est de sa faute", analyse le pédopsychiatre Daniel Bailly. Il faut alors être patient pour que l'enfant se sente en confiance et s'autorise "à se livrer sans arrière-pensées et sans la peur d'être jugé ou qu'on lui reproche quoi que ce soit. Ce n'est donc pas forcément lors du premier échange qu'il va se confier". Un échange précipité risque d'être contre-productif, car l'enfant harcelé peut se renfermer davantage sur lui-même.
Comment réussir à faire parler un enfant harcelé ?
"Il faut que l'enfant sente que les parents sont comme un filet de sécurité : quoi qu'il arrive, il va rebondir parce que ses parents sont là", note Daniel Bailly, qui conseille des formules comme "tu peux me dire les choses, ne t'inquiète pas, on va t'aider, on est là". Il appelle les parents concernés à prendre rendez-vous avec un(e) pédopsychiatre. "Le médecin généraliste n'est pas le mieux placé s'il voit l'enfant une fois tous les ans pour un certificat d'aptitude physique, sauf s'il le connaît très bien."
Une fois, le rendez-vous pris, faut-il se rendre à la consultation avec son enfant ? Oui, répond le pédopsychiatre. "La première consultation, c'est toujours avec l'enfant et les parents. Pour une raison très simple, c'est que si vous prenez soit l'enfant, soit les parents seuls, l'autre partie va pouvoir imaginer des tas de choses. Un enfant peut très bien imaginer que le psychiatre va faire collusion avec les parents contre lui ou que les parents vont raconter n'importe quoi. Tout ça doit être mis à plat d'emblée pour que les choses puissent se passer de manière tout à fait sereine et tranquille."
Si l'enfant harcelé refuse de consulter ou de s'exprimer auprès de ses parents, il est conseillé d'échanger avec ceux qui l'entourent au quotidien à l'école. Les enfants s'ouvrent à la personne en qui ils ont le plus confiance. "Ce ne sera pas forcément les parents, certains se confient plus facilement à des copains, des enseignants ou des éducateurs sportifs. Il faut impérativement, à partir du moment où ces gens-là reçoivent la parole de l'enfant, qu'ils puissent échanger avec la famille."
Le 3018, numéro d'appel unique et gratuit
Un numéro d'appel gratuit piloté par le ministère de l'Éducation nationale est mis en place au 3018. D'abord dédié uniquement au cyberharcèlement, il concerne désormais également le harcèlement scolaire, d'après le nouveau plan gouvernemental dévoilé mercredi. Ce numéro s’adresse aux élèves, aux familles et aux professionnels témoins ou victimes d’une situation de harcèlement entre élèves. Une application mobile doit prochainement voir le jour. Jusqu'ici, le harcèlement scolaire était traité via le numéro dédié, le 3020, qui doit bientôt disparaître.
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