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Cyberharcèlement : dix conseils pour aider les parents et les enfants à gérer les risques liés aux téléphones et aux réseaux sociaux

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 12min
Un changement drastique d'attitude est un des signes qui peut témoigner qu'un enfant est victime de harcèlement en ligne. (VANESSA MEYER / MAXPPP)
Un enfant sur cinq a déjà été victime de harcèlement en ligne, selon le ministère de l'Education nationale. Plusieurs solutions peuvent aider à s'en prémunir et à savoir comment agir si votre adolescent en est victime.

C'est une "priorité absolue" du gouvernement pour la rentrée, selon les mots d'Elisabeth Borne. La Première ministre doit détailler, mercredi 27 septembre, un plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire. Le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, a notamment évoqué, parmi les mesures envisagées, la confiscation systématique du téléphone portable de l'enfant auteur de cyberharcèlement grave, ou la possibilité d'interdire aux mineurs mis en cause l'accès aux réseaux sociaux.

Au moins un enfant sur dix a déjà été victime de harcèlement scolaire, et un sur cinq a subi une telle situation en ligne, estime le ministère de l'Education nationale. Voici quelques conseils à mettre en pratique en famille pour protéger votre adolescent dans sa découverte des réseaux sociaux, et l'aider efficacement face à une situation difficile.

Quelles précautions prendre en créant un compte sur un réseau social avec votre ado ?

Découvrir ensemble les réseaux sociaux qu'il veut utiliser. Les spécialistes sont unanimes : rien ne sert de bannir les réseaux sociaux du téléphone de votre adolescent, il les adoptera tôt ou tard. Mieux vaut toutefois attendre qu'il atteigne 13 ans, l'âge minimum autorisé sur la plupart des plateformes, avant de le laisser s'y aventurer. Le premier conseil est de découvrir ensemble les réseaux sociaux sur lesquels il souhaite s'inscrire : les enfants "peuvent montrer aux parents" comment ces applications fonctionnent, recommande Samuel Comblez, psychologue clinicien et directeur des opérations de l'association e-Enfance. "C'est souvent dédramatisant pour le parent qui, rassuré, découvre que ce n'est pas totalement négatif", observe-t-il. 

Créer et paramétrer ses comptes avec lui. Quel que soit le réseau social, le compte créé par votre enfant doit impérativement être paramétré en "privé", afin d'éviter que le contenu qu'il poste soit visible par tous les utilisateurs. Mentionnez bien, lors de l'inscription, que l'utilisateur est mineur. Désactivez aussi la fonctionnalité permettant d'être tagué sur des publications sans autorisation préalable : cela peut éviter bien des situations de cyberharcèlement. Dès que c'est possible, activez l'authentification à deux facteurs et renseignez votre propre numéro de téléphone, afin d'être alerté si quelqu'un tente d'usurper le profil de votre enfant.

Discuter et poser ensemble des limites. "Il faut faire en sorte que le numérique ne soit plus un non-sujet dans la famille, ce qui est souvent le cas", déplore Samuel Comblez. Le psychologue martèle qu'il faut mettre sur la table le sujet du cyberharcèlement "de manière proactive, même quand l'enfant n'en est pas victime", parce que ce phénomène est devenu "très banalisé". 

"Si on fait du cyberharcèlement un sujet comme un autre, l'enfant en parlera plus spontanément s'il en est victime ensuite."

Samuel Comblez, psychologue clinicien

à franceinfo

C'est l'occasion de rappeler à votre enfant ce qui est problématique, voire illégal, et de baliser ensemble quelles limites ne doivent pas être franchies. Vous pouvez, par exemple, lui recommander de ne pas partager ses mots de passe avec ses amis, et lui expliquer que liker un message malveillant peut le rendre complice de cyberharcèlement. Cela permettra aussi à l'enfant de savoir qu'il ne sera pas jugé en cas de difficulté, et que vous pourrez le comprendre et l'aider.

Quels garde-fous mettre en place sur le smartphone de votre enfant ? 

Paramétrez les options parentales proposées par les réseaux sociaux. Les plateformes les plus prisées par les adolescents offrent toutes des dispositifs de sécurité aux parents, à condition qu'ils y soient eux-mêmes inscrits. Commençons par Snapchat, un des réseaux favoris des plus jeunes, parfois regroupés dans des groupes de discussions de classes entières. L'outil "centre parental" vous permet, par exemple, de savoir avec qui discute votre enfant, sans pour autant vous autoriser à consulter le contenu de ses échanges, afin de préserver son intimité. Grâce à ce dispositif, vous pouvez également signaler aux équipes de modération un compte qui vous semble problématique. L'addictif TikTok détaille également, dans son "guide à l'usage des parents", comment activer le mode "connexion famille" qui permet de limiter le temps d'écran de l'enfant, de contrôler qui peut lui écrire et commenter ses vidéos, et de restreindre le contenu auquel il a accès. La plateforme de vidéos vous permet aussi de consulter l'historique des recherches faites par votre enfant, qui peuvent témoigner de son mal-être. Le groupe Meta, qui possède Instagram, Facebook et WhatsApp, propose aussi plusieurs moyens de "supervision parentale".

Installer un logiciel de contrôle parental et l'utiliser avec parcimonie. Les spécialistes qui ont répondu à franceinfo recommandent d'installer un logiciel de contrôle parental sur les téléphones des mineurs. C'est "un bon outil pour les protéger de contenus inadaptés", juge Catherine Blaya, professeure de sciences de l'éducation à l'Université Côte d'Azur, qui recommande de le mettre en place "tout en leur expliquant ce à quoi on a accès". Les filtres paramétrés doivent évoluer en fonction de l'âge de votre enfant, qui doit conserver un espace de liberté en ligne. Pour cette raison, il n'est pas recommandé d'ajouter son fils ou sa fille comme ami sur les réseaux sociaux : une fois qu'il connaît les limites établies ensemble, votre ado a droit à sa vie privée. C'est pour cette raison que les experts interrogés s'opposent, de concert, à l'installation d'un logiciel espion qui vous donnerait accès à une copie, en temps réel et sur votre propre smartphone, de ce que consulte votre enfant sur le sien.

Quels sont les signes qui peuvent vous alerter, et que faire en cas de doute ?

Dès que vous observez un changement brutal d'attitude, il faut agir. Il n'y a pas de signe spécifique qui permette d'identifier que votre enfant est victime de harcèlement en ligne. Mais "un changement d'attitude soudain" doit vous alerter, prévient Catherine Blaya. Il peut s'agir d'un enfant qui passerait d'une humeur calme à un tempérament plus agressif, qui n'aurait subitement plus envie d'aller à l'école ou qui semble épuisé, explique l'autrice de Le (cyber)harcèlement chez les jeunes : guide pratique pour parents démunis. Un revirement brutal dans l'usage des réseaux sociaux doit également alerter, que votre enfant délaisse les écrans ou qu'il se mette, à l'inverse, à les consulter compulsivement. Dans cette situation, la question du cyberharcèlement doit être de nouveau évoquée avec lui. Il faut alors être à l'écoute de son enfant et, en cas de problème, lui demander d'abord ce qu'il souhaite faire. 

Tournez-vous vers des professionnels. Si la discussion avec votre adolescent est difficile, invitez-le à échanger avec des spécialistes de confiance. Recommandez-lui de télécharger l'application 3018, développée par l'association e-Enfance, dont le psychologue Samuel Comblez est directeur des opérations. Elle permet à l'adolescent d'évaluer lui-même s'il est victime de cyberharcèlement et de chatter avec des professionnels formés, anonymement et gratuitement. Cette association de protection des mineurs sur internet répond également à un numéro vert, le 3018, tous les jours, de 9 heures à 23 heures. Les jeunes victimes comme leurs parents y sont conseillés et orientés, si nécessaire, vers des infirmiers scolaires, des psychologues ou des maisons des adolescents. Ce service peut même alerter les pompiers en cas d'extrême danger. Enfin, votre médecin généraliste est une autre source d'aide potentielle, notamment pour envisager un éventuel suivi.

Comment agir si votre enfant est victime de cyberharcèlement ?

Prévenez l'établissement si ses camarades sont impliqués. Le conseiller principal d'éducation et la direction doivent impérativement être avertis : même si le harcèlement a lieu en ligne, il les concerne quand il implique leurs élèves. Le personnel de l'Education nationale peut se charger de signaler l'incident aux autorités académiques ou même, si nécessaire, à la police et à la justice. Catherine Blaya préconise de contacter le collège ou le lycée par écrit, si possible via une lettre recommandée, afin de garder une trace de l'alerte. Si une réaction vous semble tarder ou ne pas être à la hauteur de la souffrance endurée par votre enfant, vous pouvez également saisir vous-même le référent harcèlement de votre académie. Parfois, un enfant ne souhaite pas que l'encadrement scolaire soit averti de ce qu'il subit, de peur d'être considéré comme une "balance", relève Samuel Comblez. "Il faut lui dire que s'il le dit à la direction, il ne se met pas davantage en danger, recommande le psychologue. Lui rappeler qu'il subit quelque chose d'illégal et qu'on va le protéger."

Sauvegardez des preuves avant de signaler les contenus malveillants et de bloquer les auteurs. Les professeurs n'ont pas le droit de consulter les messages dans les téléphones de leurs élèves. Mais vous pouvez le faire, et accéder notamment aux groupes de discussion qui réunissent parfois une classe entière. En cas de problème, faites des captures d'écran pour conserver des preuves des contenus problématiques qui circulent, avant de les signaler aux plateformes. Le numéro d'aide 3018 peut vous aider à les faire supprimer en quelques heures auprès de 17 réseaux sociaux ou sites internet, dont Snapchat, TikTok, Instagram, mais aussi des sites pornographiques. Ses signalements sont traités en priorité. Il est en revanche impossible de faire supprimer des contenus sur des messageries chiffrées comme WhatsApp, Telegram ou Signal. Dans tous les cas, bloquez également les comptes des harceleurs.

Portez plainte. Si les faits sont caractérisés, il vous est recommandé de porter plainte et de "ne pas se contenter d'une main courante", avertit Catherine Blaya. La loi punit le cyberharcèlement. Si la victime est âgée de plus de 15 ans et que l'auteur est majeur, ce dernier risque jusqu’à deux d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. La peine maximale est portée à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende si la victime a moins de 15 ans. Si le harceleur est un mineur de plus de 13 ans, il encourt malgré tout des peines conséquentes : une amende allant jusqu'à 7 500 euros et jusqu'à 18 mois de détention, si la victime a moins de 15 ans, ou un an, si elle a 15 ans ou plus.


Vous êtes victime de cyberharcèlement ? Vous avez été témoin d’une situation de harcèlement scolaire ? Si vous avez besoin d'une aide directe, ou que vous êtes inquiet pour l'un de vos proches, des numéros de téléphone gratuits et confidentiels ont été mis en place pour répondre à vos questions : le 3020 (consacré au harcèlement) et le 3018 (dédié au cyberharcèlement).

Vous pouvez aussi vous adresser à la direction ou un membre de l'équipe éducative de l'établissement dans lequel un cas de harcèlement est détecté. Vous trouverez enfin de nombreuses informations sur les manières de réagir sur le site du ministère de l'Education nationale.

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