La journée de lutte contre le harcèlement scolaire, coup de com' ou vrai changement ?
Le ministère de l'Education lance la première journée contre le harcèlement à l'école, jeudi 5 novembre. Une nouvelle campagne de sensibilisation, mais qui manque pour l'instant d'actions sur le terrain.
Chaque année, 700 000 enfants sont victimes de violences verbales ou physiques lorsqu'ils sont à l'école. Soit un élève sur dix. Fait d'agressions répétées au quotidien, le harcèlement scolaire est particulièrement difficile à repérer pour les enseignants et les proches de l'enfant, lequel se renferme souvent sur lui-même. C'est pour cette raison que le ministère de l'Education a décidé de faire du jeudi 5 novembre la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Cette nouvelle campagne de sensibilisation peut-elle aller au-delà de la simple communication du gouvernement ?
Une journée nationale, c'est bien...
Au cœur du nouveau dispositif de lutte, une campagne de sensibilisation articulée autour d'un site internet dédié. Sur cette plateforme, parents, enfants et professeurs peuvent apprendre à se défendre contre le harcèlement à l'école. Dès jeudi, les victimes et leurs parents pourront aussi joindre le 3020, un numéro de téléphone pour obtenir des conseils sur le comportement à adopter dans une situation dont il est souvent très difficile de parler.
Pour marquer cette première journée contre le harcèlement, un clip de prévention sera également diffusé sur France Télévisions pour sensibiliser les jeunes élèves de primaire, premières victimes de ce genre de violences. Christian Chevalier, responsable national du syndicat des professeurs SE-Unsa, salue l'initiative : "Cela fait déjà 4 ou 5 ans que l'on parle vraiment de ce sujet, mais cette journée a vraiment attiré l'œil sur les dangers du harcèlement, explique-t-il. C'est une prise de conscience collective, et ça peut amener un réel changement dans les mentalités des proches. Peut-être que des parents ou des camarades de classe verront la campagne et réaliseront qu'ils peuvent agir à leur niveau."
... des professeurs prévenus et mobilisés, c'est mieux
Toujours selon le représentant syndical, les professeurs sont heureux d'avoir une occasion de parler du harcèlement dans leur classe et d'engager un véritable dialogue avec leurs élèves. Problème : ils n'ont pas vraiment été prévenus de la création de cette journée. "Je l'ai appris par les médias", sourit Christian Chevalier, sans pour s'en offusquer.
Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, le syndicat majoritaire des professeurs des écoles, déplore lui que les enseignants n'aient pas été consulté par le gouvernement en amont de cette journée. "Pour une cause aussi importante, nous aurions voulu être intégrés au processus d'élaboration. Cela aurait pu éviter des polémiques, notamment autour de la nouvelle vidéo de la campagne, qui ringardise les enseignants et les montre aveugles à ce qui se passe dans leurs classes", réagit-il. D'après le syndicaliste, les professeurs n'ont reçu aucune circulaire concernant les actions à mener jeudi.
Sur le terrain, des actions éparses
Tout se passe donc à l'initiative de chaque établissement, sur la base de volontariat. Sébastien Sihr assure que très peu d'écoles primaires se sont mobilisées. Contactées par francetv info, plusieurs académies ont confirmé ne pas avoir donné de consignes à leurs établissements. Seules certaines, comme celle de Versailles, organisent des événements dans plusieurs lycées et collèges.
"Pour une première journée, on ne pouvait pas demander aux écoles d'organiser des évènements spécifiques, considère le service de communication de l'Education nationale. C'est le début, il faut laisser les choses se mettre en place." Le syndicat des professeurs SE-Unsa ne jette pas la pierre au ministère. Pour Christian Chevalier, le problème doit sortir de la simple cour de récréation : "Le harcèlement ne s'arrête pas à la grille de l'école, mais continue le soir à la maison par internet, l'enfant se retrouve isolé. Il est donc logique que cette campagne ait une dimension plus globale."
Les enseignants attendent d'être formés
Experts et professeurs espèrent qu'une formation viendra s'ajouter bientôt à la journée de sensibilisation. Pour Christian Chevalier, c'est un point critique : "Nous aimerions que les professeurs soient non seulement capables de repérer une situation de harcèlement, mais aussi en situation d'agir et d'y remédier." Un avis que partage Jean-Pierre Bellon, président de l'Association pour la prévention de phénomènes de harcèlement, qui considère que le plus important pour les enseignants est "d'apprendre à gérer les harcèlements et à désamorcer une situation dangereuse". Selon ce professeur de philosophie, ils n'ont pas encore "les outils nécessaires" pour avoir la réaction adaptée.
L'Education nationale a jusque-là misé sur un réseau de 250 référents du harcèlement qui doivent accompagner les équipes éducatives dans la gestion les situations à risques. Une mesure "très insuffisante" pour le SNUipp-FSU, qui dénonce les formations en ligne proposées. "On ne formera pas les enseignants seuls devant un ordinateur. Il faut faire coopérer tout le personnel enseignant, mais aussi les parents et les enfants sur le sujet", considère Sébastien Sihr. Le syndicat SE-Unsa souhaiterait que plusieurs jours de formation soient dédiés à ce sujet.
Depuis 2013, 70 000 personnels éducatifs ont été sensibilisés à la lutte contre le harcèlement. Dans le cadre de cette nouvelle campagne, le gouvernement espère amener ce chiffre à 300 000 d’ici la fin de l’année 2016. La France a encore du chemin à faire sur le traitement du harcèlement en milieu scolaire pour rattraper ses voisins européens. Dans les pays scandinaves, les campagnes contre le harcèlement à l'école ont commencé dès les années 1970.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.