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Suicide de Lucas : "En décorrélant le suicide du harcèlement", la justice "envoie un message terrible", selon une avocate pénaliste

Quatre collégiens ont été reconnus coupables ce lundi de harcèlement scolaire mais pas du suicide de Lucas. Cet adolescent de 13 ans, de Golbey (Vosges), s'est donné la mort en début d'année.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Groupe scolaire Jean Fiolle à Marseille (illustration). (VREL VALERIE / MAXPPP)

L’avocate pénaliste Laure Boutron-Marmion est partagée, après que quatre adolescents ont été reconnus coupables, lundi 5 juin par le tribunal pour enfants d’Epinal, de harcèlement mais pas du suicide de Lucas. "C’est la première fois que des mineurs sont condamnés pour harcèlement scolaire", note-t-elle. Toutefois, elle estime qu'"en décorrélant le suicide du harcèlement", la justice "envoie un message terrible". "Cela ne tient pas juridiquement, mais ça ne tient pas non plus psychologiquement parlant"

>> Suicide de Lucas : la famille de la victime "soulagée" après la condamnation de quatre collégiens pour harcèlement, indique l'avocate Catherine Faivre

franceinfo : Quelle a été votre réaction à la décision du tribunal pour enfants d’Epinal ?

Laure Boutron-Marmion : A l'évidence, la décision de ce lundi fera date, dans la mesure où c'est la première fois que des mineurs sont condamnés pour harcèlement scolaire, mais pour le reste, quelle déception ! En décorrélant le suicide du harcèlement, on donne quoi comme message ?

"Ça signifie que nos jeunes se suicident sans raison ? Ce n'est pas sérieux"

Laure Boutron-Marmion, avocate pénaliste

à franceinfo

Non seulement ça ne tient pas juridiquement, mais ça ne tient pas non plus psychologiquement parlant. Dès l'instant où un juge dit que le harcèlement scolaire est avéré, dans quelle mesure on considère que le suicide de Lucas n'est pas, d'une façon ou d'une autre, une des conséquences de cette déflagration psychologique ?

Ça dédouane les harceleurs de leur responsabilité selon vous ?

Je trouve que ça envoie un message terrible à tous les acteurs de la chaîne. En choisissant de ne pas aller au bout et de ne pas faire l'entier chemin, l'institution judiciaire dit d'une certaine manière que, finalement, le harcèlement scolaire n'est pas si grave puisque dans le cas où on a un enfant harcelé qui est allé jusqu'à l'innommable, ce n'est pas de la faute de ce harcèlement. C'est terrible.

Les travaux menés actuellement au sein des établissements sont-ils efficaces, alors même que le harcèlement continue à l'extérieur ?

On avance sur ce sujet mais, comme c'est une affaire de mentalité, on avance évidemment lentement puisqu'il faut que tout le monde prenne conscience de la gravité du sujet. Il y a également un manque de moyens souvent pointé par les associations qui freine de toute façon cette avancée. Enfin, dans ce programme pHARe du ministère de l'Education nationale, on ne met pas assez les parents des harceleurs comme des harcelés dans la boucle. Quand les enfants harcelés remontent les informations, il faut que les professeurs et les chefs d'établissement discutent avec les parents des harceleurs et des harcelés.

>> Harcèlement scolaire : "Il faut contraindre les écoles et collèges à mettre en place des sanctions plus systématiques", plaide une avocate pénaliste

Cette lutte contre le harcèlement n'est-elle pas vaine alors que les effets de meute sont malheureusement inhérents aux comportements des adolescents ?

La lutte contre le harcèlement est évidemment difficile, parce que le monde de l'adolescence est un monde par essence assez cruel et assez violent. Et on est dans l'effet de groupe. Simplement, aujourd'hui, on ne peut pas ne pas réagir dans la mesure où, par rapport à il y a 10 ou 20 ans, il y a les réseaux sociaux qui font caisse de résonance. Avant, c'était déjà un problème. Aujourd'hui, ça devient irrespirable et il est question de suicide ! Tout le monde a son rôle à jouer, y compris donc les parents des jeunes.

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