Minute de silence en hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty : "Une manière d'associer deux évènements dramatiques", selon un historien

Une minute de silence est observée lundi dans les collèges et lycées en hommage aux deux enseignants assassinés par des terroristes islamistes. c'est important, mais il faut aussi "des moments d'échanges", insiste Sébastien Ledoux.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des affiches en hommage à Dominique Bernard, l'enseignant tué en 2023 à Arras par un ex-élève radicalisé (G) et à Samuel Paty (D), poignardé puis décapité par un jeune réfugié radicalisé en 2020. (NOEMIE GUILLOTIN / RADIO FRANCE)

La minute de silence observée lundi 14 octobre dans les collèges et lycées en hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, deux enseignants assassinés par des terroristes islamistes est "un rappel de ce qui s'est passé, des évènements dramatiques qui ont eu lieu", commente sur franceinfo, Sébastien Ledoux, historien, maître de conférences à l’université de Picardie Jules Verne, membre du prix Samuel Paty créé par l’APHG (association des professeurs d'histoire et géographie) et co-auteur du livre-enquête Une école sous le choc ? : le monde enseignant après l’assassinat de Samuel Paty (Le Bord de l’Eau). 

Cette minute de silence, "c'est aussi une manière d'associer deux évènements dramatiques, l'assassinat de Samuel Paty et celui de Dominique Bernard ensemble", ajoute-t-il. "Jusqu'à présent la minute de silence était associée à Samuel Paty et malheureusement l'an dernier il y a eu Dominique Bernard". C'est donc "l'association de deux évènements dramatiques car ils ont les mêmes caractéristiques".

La minute de silence c'est important, mais il faut aussi "des moments d'échanges, discuter avec les élèves. C'est primordial au-delà des moments de recueillement", défend l'historien. Cette minute de silence est parfois contestée, certes par des élèves, reconnaît Sébastien Ledoux, mais sans minimiser leurs actes, il estime que c'est aussi une forme de "provocation de la part de certains élèves sans qu'il y ait de radicalisation, même s'il y a des phénomènes de radicalisation" derrière ce geste pour certains. Néanmoins "ce qu'on a noté, c'est que finalement il y a des élèves qui ont bien compris qu'il valait mieux se taire lors des minutes de silence parce qu'autrement ils pouvaient avoir des sanctions disciplinaires assez fortes. Par contre, dans le cadre des échanges avec les enseignants" ils peuvent avoir "la possibilité de discuter de la pertinence" de la minute de silence "sans faire l'apologie du terrorisme, il y a aussi cette forme-là", nuance Sébastien Ledoux.

Laisser la parole aux élèves "dans certaines limites"

Dans ces moments-là, l'enseignant est aussi face à "un dilemme". "Est-ce que je fais remonter" ce genre de contestation ou pas ? Ce sont des "problématiques nouvelles pour les enseignants car l'institution les pousse à faire remonter les incidents". Sébastien Ledoux affirme donc qu'il faut aussi mettre "le curseur sur le débat avec les élèves" parce qu'il faut parfois leur laisser "une certaine liberté de parole, dans certaines limites, pas d'appel à la haine, pas d'incitation à la violence", met-il en garde.

Aujourd'hui les conditions d'exercice du métier d'enseignant ont changé, avoue l'historien depuis les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard. "Il y a un avant et un après" ces évènements, "dans la manière de percevoir ces menaces-là, on sait qu'il y a désormais des passages à l'acte possibles malheureusement et il y a aussi une augmentation de la demande de protection fonctionnelle des fonctionnaires de l'Éducation nationale depuis trois ans, parce que effectivement il y a eu un précédent", analyse l'historien. Les enseignants savent maintenant qu'on "peut être assassiné pour avoir fait son métier".

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