Redoublement à l'école : ça "ne fonctionne pas, sauf s'il est accompagné de moyens", souligne la secrétaire nationale du SNPDEN

Hier, le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal a annoncé que désormais, les enseignants et non les parents auront le dernier mot sur le redoublement des élèves.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal lors d'une conférence de presse depuis le collège Charles Péguy à Paris le 5 décembre 2023. (ARTHUR N. ORCHARD / HANS LUCAS)

"Un redoublement ne fonctionne pas, sauf s'il est accompagné de moyens l'année suivante, d'un tuteur, de temps supplémentaire, [...] or, nous n'avons pas les moyens", déplore mercredi 6 décembre sur franceinfo Audrey Chanonat secrétaire nationale du SNPDEN, le Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale et principale du collège Élisée Mounier à Cognac, en Charente. Elle réagit aux annonces du ministre de l'Education, Gabriel Attal, mardi, pour rehausser le niveau des élèves, en baisse en France, selon la dernière étude Pisa. Il propose, entre autres, le retour du redoublement, ou encore l'obtention obligatoire du brevet pour passer au lycée.

franceinfo. Le ministre veut insister sur le français et les mathématiques, avec notamment la mise en place dès l'année prochaine de groupes de niveaux en sixième et en cinquième dans ces deux matières. Est-ce que c'est une bonne idée ? 

Audrey Chanonat. L'idée de mettre l'accent sur les fondamentaux, pourquoi pas ? Nous y étions favorables. On sait très bien que les enquêtes internationales montrent que l'enseignement en France sur ce sujet a été déficient ces vingt dernières années. En revanche, nous nous interrogeons sur les moyens nécessaires. Très clairement, ça va être compliqué à mettre en place, au niveau des emplois, du temps, mais à la rigueur, les chefs d'établissement pourront gérer. C'est plutôt au niveau des moyens humains que nous nous interrogeons. Pour pouvoir faire ces groupes de niveau en collège, il va falloir rajouter des enseignants. Or, on connaît très bien la crise actuelle de recrutement. Nous nous demandons comment le ministère va pouvoir assumer les ressources humaines et avoir le nombre d'enseignants nécessaires.

Gabriel Attal a promis des postes supplémentaires, mais comment recruter des enseignants quand on n'arrive pas, par exemple en mathématiques, à recruter suffisamment d'enseignants lors des concours ?

C'est exactement la question. C'est une des problématiques que nous aurons : savoir si nous trouverons les enseignants nécessaires. Alors le ministre parle effectivement d'une revalorisation qui va continuer. Or, les chiffres d'inscriptions au CAPES, cette année, sont toujours extrêmement inquiétants dans un certain nombre de disciplines, donc la question se pose vraiment. 

Certains enseignants disent aussi qu'il faut quand même garder des groupes un peu hétérogènes, que c'est important d'avoir une "tête de classe". Est-ce que c'est vrai ? 

Oui, on est complètement d'accord avec ce que disent ces enseignants-là. Nous avons été interrogés avant ces annonces en tant que syndicats et nous avions très fortement défendu les classes hétérogènes. Dans des classes où il n'y a pas d'élèves "moteurs", ça ne fonctionne pas. Après, ce que semble proposer le ministre, même s'il faut attendre les textes et précisions de ce qui ne sont encore que des annonces, c'est davantage des groupes de compétences et des groupes de besoins dans certaines disciplines. On ne revient pas sur les classes hétérogènes et heureusement pour nous, c'est extrêmement important. Après, c'est sûr qu'il faut voir maintenant comment ces mesures vont être déclinées, on n'a pas encore l'ensemble des précisions. Nous ne sommes qu'au stade des annonces.

Alors autre annonce de Gabriel Attal, désormais, ce sont les enseignants qui auront le dernier mot et plus les parents en cas de redoublement. Est-ce que ça, ça peut changer la donne ?

Nous n'étions pas favorables au retour du redoublement, très clairement. Toutes les études internationales, toutes les études scientifiques montrent qu'un redoublement ne fonctionne pas, sauf s'il est accompagné de moyens l'année suivante, d'un tuteur, de temps supplémentaire pour aider cet élève, de renforcement. Or, actuellement, dans l'Education nationale, nous n'avons pas les moyens de mettre en place ces accompagnements, dans les trois-quarts des cas, ça n'existe pas. Donc nous n'étions absolument pas favorables à cette mesure et nous l'avions exprimé clairement au ministre.

Gabriel Attal a parlé mardi du brevet des collèges. Il veut que le brevet soit désormais un sésame obligatoire pour entrer au lycée. Vous en dites quoi ?

Ce n'était pas du tout le sens de nos mesures syndicales non plus. Nous estimions qu'en fait, les épreuves terminales du DNB, du diplôme national du brevet, ne servaient plus vraiment à grand-chose aujourd'hui. En faire un sésame pour le passage au lycée, c'est une vision un peu passéiste. Je ne suis pas sûre que mettre la pression sur des élèves déjà un peu fragilisés va les aider davantage à réussir. Là aussi, nous attendons la manière dont le ministre va vouloir décliner. On est aussi inquiets sur la question de cette classe prépa lycée.

En résumé, si on n'a pas le brevet, on ne va pas au lycée et on ira dans cette fameuse classe prépa lycée dont on ne sait que peu de choses aujourd'hui ?

C'est exactement ça. Nous nous interrogeons sur le sens de cette mesure aussi.

Gabriel Attal a dit aussi hier qu'il mettrait fin à ce qu'il appelle les correctifs académiques sur les notes du brevet. On savait que ça se faisait pour le baccalauréat. En gros, l'Académie remonte les notes qui ne sont pas suffisantes. En résumé, les correcteurs vont garder la main sur les notes mises aux collégiens. Est-ce que ça aussi, c'est important ? 

Je pense qu'il pourrait y avoir des répercussions extrêmement importantes. J'espère que le ministère a déjà eu des études sur des impacts potentiels en nombre d'élèves que ça pourrait représenter. Parce que ce que vous décrivez, c'est ce que nous, nous appelions des commissions d'harmonisation, pour pouvoir harmoniser les notes. Moi, je me pose davantage la question de savoir si ça va être la solution. Est-ce qu'effectivement, en harmonisant, ça va permettre à davantage d'élèves de réussir ? On n'allait pas forcément dans ce sens-là dans les auditions qu'on avait eues.

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