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Rythmes scolaires : qui sont les irréductibles opposants à la réforme ?

Quelques centaines de parents, d'enfants, et une dizaine d'élus ont manifesté samedi à Paris contre la réforme des rythmes scolaires, à l'appel du collectif des Gilets jaunes. Francetv info s'est rendu sur place et explique qui sont ces manifestants.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des membres des Gilets jaunes, collectif opposé à la réforme des rythmes scolaires, lors d'une manifestation le 6 septembre 2014 à Paris. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"On a été reçus pour rien. Mais on ne lâche rien." Des maires, des parents avec leurs enfants, quelques enseignants... Environ 300 personnes, venues de toute la France, ont manifesté samedi 6 septembre à Paris contre la réforme des rythmes scolaires, devenue obligatoire depuis la rentrée. Elles ont défilé jusqu'au ministère de l'Education nationale. Malgré une fin de non-recevoir du directeur de cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, qui a accueilli une délégation, les Gilets jaunes ne désarment pas.

Depuis l'annonce du retour à la semaine de cinq matinées, en mai 2012, le collectif se mobilise, vêtu de gilets jaune fluo, ces fameux gilets de sécurité prévus pour les automobilistes. Mais qui fait partie de ce collectif ?

Des dizaines d'élus frondeurs

Samedi, les manifestants ont quitté peu après 15 heures les abords du Conseil d'Etat, dans le centre de Paris, pour se diriger rue de Grenelle. A sa tête, les édiles opposés à la réforme. Eux n'ont pas de gilet jaune : ils portent leur écharpe tricolore en bandoulière.

Christian Schoettl, maire (Nouveau centre) de Janvry, dans l'Essonne, porteur de la fronde, ouvre le cortège. Il est venu avec deux dromadaires, dont il dit être le propriétaire.

"Si on force le rythme d'un dromadaire, il se couche... Comme un enfant qui reste couché le jeudi", "épuisé" par la réforme des rythmes, ajoute Christian Schoettl pour justifier la présence des deux animaux. "Changer les rythmes est une bonne idée mais il fallait avoir le courage de tout réécrire sur une page blanche", complète-t-il.

Derrière, les autres maires suivent de près. La plupart sont à la tête des communes entrées en résistance contre la réforme. Au total, 23 maires ont bloqué l'accès à leurs écoles mercredi dernier, mais tous n'ont pas fait le déplacement. Dans le cortège, Nicolas Dupont-Aignan, député-maire de Yerres, autre commune de l'Essonne, fait une courte apparition. Sont également présents Evelyne Flacher, maire de Saint-Médard-en-Forez (Loire), qui a observé une grève de la faim contre la réforme en juillet, Thierry Lazaro, député-maire de Phalempin et Joël Wilmottre, maire d'Hautmont, deux communes du Nord... 

Un peu plus loin, deux maires de villages du canton de Pouancé, dans le Maine-et-Loire, appliquent, eux, la réforme, mais "contraints et forcés". Ils ont fait le déplacement pour soutenir leur voisin Laurent Cadou. Ce dernier (sans étiquette), effectue son deuxième mandat à Carbay. Il est aussi professeur des écoles pour la classe unique de son village de 250 habitants, et donc doublement concerné par la réforme. "Je demande avant tout un dialogue et de la concertation, mais aussi plus de souplesse, et la possibilité d'adapter les horaires à une classe unique, spécificité de ma commune", explique-t-il.

Une majorité de parents d'élèves

Derrière la banderole "Abrogation de la réforme des rythmes scolaires", principale revendication, le gros du cortège est composé de parents. Tous, ou presque, portent des Gilets jaunes et dénoncent des ateliers périscolaires de mauvaise qualité, des enfants handicapés oubliés, ou encore une "école à deux vitesses".

Certains restent très actifs sur Facebook - la page des Gilets jaunes compte 61 000 inscrits - mais n'ont pu faire le déplacement. Parmi ceux qui sont venus, beaucoup ont emmené leurs enfants, vêtus comme eux.

Xavier, papa d'une petite fille, et Magalie, maman d'un enfant de 4 ans et demi et d'un autre de 6 ans et demi, ont fait le déplacement depuis le Var. "A la Seyne-sur-Mer, d'où je viens, il n'y a pas d'atelier pendant les temps d'activités périscolaires [NDLR : les TAP, introduits par la réforme], car la ville est très endettée. Il y a simplement une garderie, payante. Ce n'est pas intéressant pour mes enfants", explique Xavier. Il n'est pas contre de nouveaux rythmes scolaires, mais il n'apprécie pas le cadre imposé par la réforme. "J'aimerais une vraie concertation. Il n'est jamais trop tard pour faire son mea culpa", lance-t-il à l'adresse de la ministre de l'Education nationale.

Comme les maires frondeurs, la plupart des parents dénoncent aussi le temps insuffisant pour la mettre en place et réclament une année supplémentaire, voire plus. Beaucoup viennent des mêmes communes. Certains sont même venus ensemble. Une soixantaine de personnes sont arrivées de la ville de Christian Schoettl en car, spécialement affrété pour la manifestation. "Autour de Janvry, les horaires des écoles sont différents. C'est dommage, j'aimerais que ce soit partout pareil", regrette un habitant, père de deux enfants.

Quelques enseignants discrets

Dans le bus venu de Janvry, il y avait des élus, des parents... et des enseignants. Mais ces derniers souhaitent rester anonymes, pour respecter la discrétion professionnelle à laquelle ils sont tenus. Dispersés dans la manifestation, ils sont aussi là en tant que parents d'écoliers du primaire, tout comme les assistantes maternelles (ATSEM). Tous estiment qu'une matinée d'école le mercredi matin fatigue les enfants. Ils auraient préféré le samedi matin. La réforme le permet avec une dérogation. Mais selon eux, les directeurs académiques, chargés d'approuver les horaires choisis, le refusent. Ils veulent que cela change.

Porte-parole des Gilets jaunes, Céline Fabre, elle, ne se cache pas. Professeure des écoles dans le Var, elle fait partie des quatre personnes de la délégation reçue au ministère de l'Education nationale samedi. Comme quatre maires opposés à la réforme, qui ont écrit à Najat Vallaud-Belkacem, elle demande un rendez-vous à la ministre. "J'aimerais avoir affaire à ma patronne, lance-t-elle en fin de manifestation. On ne me l'accorde pas ! C'est quoi ce mépris ?!"

"J'ai dit toute ma colère au ministère, je n'ai pas hésité à être frontale, mais l'audience n'a pas abouti. Je ne peux pas appeler au boycott du mercredi matin en tant qu'enseignante, mais j'espère que la mobilisation va continuer." Elle croit encore à l'opposition menée par les Gilets jaunes avec le contexte politique actuel. "Je ne pense pas que la grogne va s'arrêter dans notre pays."

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