Quatre choses à savoir sur Frédéric Thiriez, chargé par Emmanuel Macron de supprimer l'ENA
Le chef de l'Etat a annoncé jeudi qu'il confierait à l'ancien patron de la Ligue de football professionnel le soin d'élaborer une "réforme ambitieuse" de la haute fonction publique.
Les passionnés de ballon rond avaient l'habitude de voir ses bacchantes au bord des terrains de Ligue 1. Ils vont désormais le découvrir dans un rôle qu'ils ne soupçonnaient pas forcément. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel (LFP) de 2002 à 2016, a été chargé de plancher sur une "réforme ambitieuse" de la haute fonction publique, a annoncé Emmanuel Macron, jeudi 25 avril, lors de sa conférence de presse à l'Elysée.
Outre la suppression de l'ENA, "Monsieur Thiriez", comme l'a surnommé le chef de l'Etat, devra "soumettre au gouvernement des propositions très claires pour refonder le recrutement de nos hauts fonctionnaires (…), les modes de formation et la gestion des carrières". Franceinfo dresse le portrait de celui que les serviteurs de l'Etat les plus haut placés vont apprendre à craindre.
1Sciences Po, ENA, cabinets ministériels : un parcours classique au sein de l'élite
Si le parcours de Frédéric Thiriez détonnait dans le milieu du football, le nouveau chargé de mission du président devrait se sentir comme un poisson dans l'eau parmi les hauts fonctionnaires tant son parcours est classique au sein de l'élite. Petit-fils d'un riche industriel du Nord (il confiait au Monde en 2008 avoir toujours vouvoyé ses parents), ce père de quatre enfants a fréquenté les établissements les plus prestigieux : le lycée parisien privé Stanislas (qui a vu passer Charles de Gaulle sur ses bancs), Sciences Po, puis l'Ecole nationale d'administration, dont il sort diplômé en 1977.
Après un passage au Conseil d'Etat, il intègre plusieurs cabinets ministériels entre 1981 et 1990. Dans le sillage de Michel Rocard, il côtoie notamment Gaston Defferre au ministère de l'Intérieur pour préparer les lois de décentralisation, avant de devenir avocat en 1990.
"Je suis un socialiste de droite", se définissait Frédéric Thiriez dans les colonnes de La Croix en 2008. Peut-être est-ce à cause de ce "et en même temps" que l'ancien patron de la LFP a cosigné un appel à voter pour Emmanuel Macron en mai 2017.
Autre signe de sa proximité avec le monde politique, son épouse, Marie-Claire Carrère-Gée, a occupé le poste de secrétaire générale adjointe de l'Elysée sous la seconde présidence de Jacques Chirac et est désormais candidate à l'investiture Les Républicains pour la mairie de Paris.
2Il a fait flamber les droits audiovisuels du foot pro français
Arrivé sans réels soutiens à la tête de la LFP en 2002, cet amateur de parachutisme et de natation a réussi à s'imposer avec un fait d'armes : l'explosion du montant des droits de retransmission télévisés de la Ligue 1 et de la Ligue 2, qui sont reversés aux clubs professionnels. De 280 millions d'euros par saison à son arrivée, ils ont atteint 668 millions en 2008, et 1,153 milliard désormais.
Un pactole qui a "muselé ses adversaires", selon La Croix. Et des talents de marchandage qui ne surprenaient pas son mentor Michel Rocard. "C'était, dans mon équipe, un bon négociateur. Parfois aux limites de la comédie, peut-être, comme les gens qui ont un grand talent d'expression. Mais je crois qu'il est un honnête homme, ce qui est important dans le milieu du football", disait de lui l'ancien Premier ministre en 2008 dans les colonnes du Monde.
Placide, Frédéric Thiriez confiait au quotidien du soir être arrivé au football un peu par hasard. "C'est la seule chose, avec la musique, qui peut réunir autant de personnes. J'adore le spectacle."
3Il ne s'est pas fait que des amis dans le foot
S'il se distingue par sa longévité exceptionnelle de quatorze ans, le règne de Frédéric Thiriez à la tête de la LFP n'a pas pour autant été de tout repos, relevait Libération en 2016. Les clubs professionnels les plus modestes lui ont ainsi reproché la répartition des droits audiovisuels, qui favorise les équipes les plus prestigieuses, ou encore son projet avorté de réduire la Ligue 1 à 18 clubs, contre 20 actuellement.
Vous. Avez. Un. Message (bis). Petit coucou de la #TribuneLoire à la #LFP et #Thiriez #FCNEAG pic.twitter.com/dXliZfINE4
— Frédéric Happe (@HappeFrederic) 8 août 2015
Du côté des supporters, la cote d'amour de l'énarque n'a pas non plus crevé le plafond. Certains lui reprochent une politique répressive à l'égard des supporters ultras, ponctuée de phrases provocatrices comme "la répression ne gêne jamais les honnêtes gens". Plus généralement, son nom a été associé à l'avènement d'un "football business" que des supporters opposaient au "foot populaire".
Cette critique a atteint son paroxysme en 2012, lorsqu'à l'issue de la vente des droits de retransmission audiovisuels, la Ligue a accordé à BeIN Sport le droit de diffuser des rencontres de Ligue 2 le vendredi à 18h45. Un horaire jugé inacceptable par les supporters qui souhaitaient se rendre au stade. A la suite d'une grogne inédite dans le championnat, les matchs du vendredi ont été décalés à 20 heures.
L'une des dernières polémiques de son mandat remonte à octobre 2014. A l'issue d'un match entre le RC Lens et le PSG, au cours duquel l'arbitre avait exclu trois joueurs, les caméras de Canal+ avaient filmé Frédéric Thiriez s'excuser auprès du président du PSG (dans un anglais douteux) pour la qualité des décisions de l'homme en noir. Un signe interprété comme une déférence de la LFP envers le puissant club parisien, avant que le président du RC Lens n'indique avoir également reçu des excuses de la part de l'énarque.
4Il est passionné d'opérette
Le Frédéric Thiriez féru de chant et de théâtre est moins connu du grand public. Membre depuis presque vingt ans de la compagnie amateur les Tréteaux lyriques, l'ancien patron de la LFP s'est produit dans de nombreuses adaptations du répertoire d'Offenbach, prolifique auteur d'opéras-bouffes et d'opérettes. "Je ne rate pratiquement pas de répétition", assurait-il en 2013 à l'AFP, alors qu'il s'apprêtait à incarner le personnage du Commandant dans l'opérette La Créole.
Il déclarait alors avoir hérité de sa mère, chanteuse de variété, l'amour de la scène. "La pratique amateur, c'est le bonheur total, on n'a pas les contraintes professionnelles", soulignait-il. "Mais attention, on n'est pas une fête de patronage : on est encadrés par des pros et on est très exigeants." Un peu comme les hauts fonctionnaires à qui Frédéric Thiriez va devoir annoncer de mauvaises nouvelles dans les prochains mois.
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