: Témoignages "Sans le Pacs, il fallait rester entre cinq et six ans en poste pour pouvoir espérer bouger d'académie" : des enseignants détournent le Pacs pour être mutés
Le Pacs fête vendredi 15 novembre ses 25 ans. Près de 210 000 unions sont célébrées chaque année via ce Pacte civil de solidarité. Texte controversé à sa naissance, mais totalement ancré dans les mœurs en 2024, certains voient aussi en cette union une opportunité : le Pacs est en effet parfois détourné de ses principaux usages, afin de faciliter des mutations dans la fonction publique. En clair : avoir un conjoint factice permet à certains professeurs d'accélérer une affectation dans une région prisée.
Emma a décidé de se pacser pour être mutée dans l'académie de son choix. "Il faut jouer avec le système parce que sinon on est bloqué à vie", confie la professeur d'EPS depuis quatre ans.
"Si on est célibataire sans enfant, on est forcément dans des endroits pas toujours sympathiques"
Originaire de Montpellier elle a été nommée à Paris pour ses trois premières années, mais elle souhaitait revenir chez elle. "Sans le Pacs, il fallait rester entre cinq et six ans à Paris pour pouvoir espérer bouger d'académie", assure-t-elle. "C'était un peu la seule solution rapide", affirme l'enseignante. "Si on est célibataire sans enfant, on est forcément dans des endroits pas toujours sympathiques en France."
Déterminée, elle trouve donc un ami qui accepte de se pacser. "Il connaît le monde de l'Éducation nationale et il était juste très sympa", raconte Emma. Elle accumule alors les points pour avoir plus de chance donc de revenir dans son académie de Montpellier.
"Le Pacs, c'est 150 points. Ensuite chaque année d'éloignement de son conjoint, c'est entre 100 et 150 points si je ne me trompe pas... Donc ça me permettait d'avoir 400 points facilement. Sans Pacs, j'en aurais eu 60."
Emma, professeur d'EPSà franceinfo
Bingo : une fois que son voeu étant accepté, son Pacs ne lui sert plus à rien. "On va le rompre prochainement", précise-t-elle. Elle préfère même en rire : "Je lui paye un gros resto étoilé, quand on divorcera", dit-elle en souriant. Pourtant elle sait qu'en ayant recours à cette technique, elle ne respecte pas l'un des critères du Pacs : celui de s'engager à une vie commune.
David aussi a cherché à se pacser. Originaire d'Ardèche, futur professeur d'histoire-géographie, il est encore étudiant à Saint-Etienne et veut rester dans l'académie de Lyon. "Au bout de cinq ans j'y ai fait ma vie. Je m'y sens bien, je n'avais pas envie d'avoir à me réhabituer à reconstruire ma vie encore ailleurs", explique-t-il.
Des petites annonces pour se pacser
David demande donc à des amies de se pacser mais, pas de chance, "elles étaient déjà en couple". Pour éviter ce type de refus, certains se rendent sur des forums enseignants pour trouver une personne avec qui se pacser et des rémunérations sont même parfois proposés. "J'ai aussi regardé sur Leboncoin et il y avait des annonces", relate Zoé.
Elle trouve finalement son bonheur en postant un message sur Instagram. En pleine période de vœux, elle attend encore de savoir si ça va marcher. Mais en tout cas, elle n’éprouve aucun remords. "Dans une période où il y a tellement de monde qui le fait. Pour beaucoup de monde ça a marché, alors on passe outre le fait que ça soit immoral", soutient-elle.
L'ampleur du phénomène est malgré tout difficile à chiffrer pour le ministère de l'Éducation nationale, qui assure tenir compte de la situation matrimoniale, mais ne pas vérifie pas ce qu'il se passe dans la vie privée des agents.
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