"Etre nu, c'est une question de liberté" : bienvenue dans le premier espace naturiste en plein air de Paris
Plusieurs dizaines d'hommes et de femmes, nus comme des vers, se sont retrouvés, jeudi, pour inaugurer cet espace expérimental au bois de Vincennes.
Après une journée de pluie, les nuages se sont dissipés pour laisser place à de belles éclaircies. Une aubaine pour la quarantaine d'hommes et de femmes nus, venus au bois de Vincennes, jeudi 31 août, pour inaugurer le premier espace naturiste parisien.
Cette expérimentation, appuyée par Pénélope Komitès, l'adjointe aux espaces verts à la maire de Paris, a lieu jusqu'au 15 octobre. A l'entrée de cette clairière, qui délimite la zone grande comme un terrain de foot, des panneaux indiquent qu'on entre dans un espace naturiste également accessible aux personnes habillées. Tous les jours, de 8 heures à 19h30, les amateurs de nudité peuvent profiter de cette pelouse, à deux pas d'une réserve ornithologique.
"Un acte de rébellion"
"Ils nous ont mis là parce qu'on est des drôles d'oiseaux, plaisante Jean-Jacques, 53 ans, l'un d'entre eux. Le bronzage intégral de ce gérant de société laisse deviner de récentes vacances sur une plage nudiste. "Mes parents pratiquaient déjà le naturisme avec nous quand j'étais enfant. L'été, on allait sur l'île du Levant ou à Ramatuelle", deux lieux réputés pour les adeptes.
On aurait quand même aimé un endroit plus central comme les Buttes-Chaumont ou les Tuileries. Mais bon, c'est déjà bien.
Jean-Jacques, naturisteà franceinfo
Il a cultivé ce goût pour la baignade "libre" en créant Nautena, un club liant nautisme et naturisme. "J'ai aussi découvert le naturisme à la plage mais pas avec mes parents, embraie Gérard, un quinqua aux yeux bleu azur. J'avais 20 ans et pour moi, à l'époque, c'était un peu un acte de rébellion." Contre la pudibonderie d'abord. "Je trouvais ça ridicule de devoir se tortiller dans tous les sens sous une serviette pour pouvoir se changer à la plage." Puis contre le puritanisme : "Quand je me suis mis à poil pour la première fois, c'était un peu comme si je me débarrassais de 2000 ans de tradition religieuse avec mes vêtements."
"On apprend à accepter notre corps tel qu'il est"
Avec le temps, les deux amis sont devenus militants. "Nous sommes dans une société de plus en plus conservatrice. Nous, on prône le progressisme. Le fait d'être nu gomme toutes les barrières sociales", explique Jean-Jacques. A tour de rôle, ils vantent les bienfaits qu'auraient sur l'esprit le fait de libérer son corps de tout textile. "On apprend à accepter notre corps tel qu'il est. A se libérer des stéréotypes de beauté qui nous sont imposés", continue Gérard, informaticien de profession. Les deux hommes décrivent un milieu très bienveillant, ouvert à la différence. "On retrouve de nombreuses personnes handicapées lors des rencontres naturistes. Ce n'est pas un hasard", répond Jean-Jacques en faisant notamment référence à un ami discutant un peu plus loin, dont la jambe nue se prolonge sur une prothèse colorée.
Décidé à faire connaître la philosophie naturiste au grand public, Jacques, 62 ans, organise régulièrement des randonnées naturistes avec son association. Les marcheurs en tenue d'Eve ne se cantonnent pas aux campings naturistes. Ils se baladent partout en France, sans autorisation préalable. "La loi n'interdit pas la nudité, mais l'exhibition sexuelle. Ca n'a rien à voir", s'exclame-t-il. Le pharmacien, qui a dû renfiler son short pour aller travailler, a le sens de la formule.
Un exhibitionniste, c'est un type en imper qui l'ouvre lorsqu'il croise quelqu'un. Un naturiste, c'est un type qui remet son imper quand il a froid.
Jacques, naturisteà franceinfo
"Je me sens moins vulnérable quand je suis nue"
Lors de ses randonnées, qu'il effectue la plupart du temps en compagnie d'une vingtaine de personnes, il essaye d'expliquer sa démarche aux marcheurs qu'ils croisent. "On commence par se mettre quelque chose autour de la taille. Puis on va discuter avec les gens pour leur demander si le fait qu'on soit nus les dérange." Il assure que tout se passe bien, la plupart du temps. "Le seul problème, c'est parfois quand on croise une famille et que le père joue au coq pour 'protéger' ses gamins, explique-t-il à côté de son épouse. Les enfants n'ont peur de la nudité que parce que leurs parents leur disent que c'est mal. Mais en réalité, d'eux-mêmes, ils trouvent ça surtout rigolo."
Ce jeudi après-midi, il n'y a pas un seul enfant dans cette zone dédiée au naturisme. Les femmes se comptent sur les doigts de la main. "Ce n'est pas représentatif du milieu naturiste où le rapport est équilibré", assure Béatrice, pendant qu'elle plie le paréo jaune et orange sur lequel elle était allongée. Selon elle, les femmes nues ne sont pas plus exposées aux regards, du moins pas chez les initiés. "Et même si les gens hors de ce milieu nous fixent davantage, être nues, c'est une question de liberté pour nous, les femmes. Un peu comme pour les femmes qui choisissent de porter le voile, paradoxalement", explique cette architecte qui ne porte qu'une fine chaîne en argent.
Agée de 54 ans, elle a découvert le naturisme il y a vingt-cinq ans. "A l'époque, j'étais vraiment dans une mauvaise période et un ami m'a proposé de faire ça pour me changer les idées." Grâce à cette expérience, elle fait peau neuve. "Aujourd'hui, je me sens bien avec moi-même. Je dirais même que je me sens moins vulnérable quand je suis nue."
"Il y a toujours des voyeurs. C'est comme ça"
Lenny préfère se mettre à l'écart du groupe. "Il y a des journalistes et je ne veux pas passer à la télé. Je n'ai pas envie qu'on me voie", confie l'homme qui, à 32 ans, fait partie des plus jeunes de la clairière. Comme lui, quelques personnes ont préféré s'allonger dans des coins isolés, derrière des hautes herbes.
Aurélie craint, quant à elle, les mauvaises surprises. Cette voisine, habillée, promène tous les jours son petit chien marron dans le bois de Vincennes et redoute de tomber sur des hommes mal intentionnés. "Je n'ai absolument rien contre les naturistes. Il m'est même arrivé d'aller dans des campings nudistes à plusieurs reprises. Mais je ne sais pas si c'est une bonne idée d'autoriser cette pratique ici, s'interroge la jeune femme. Un soir, pas loin d'ici, je me suis déjà fait agresser par un exhibitionniste. J'ai peur que ça ramène encore plus de sales types et de voyeurs."
"Il y a toujours des voyeurs. C'est comme ça, se désole Béatrice. Tout à l'heure, un homme est resté au loin à nous fixer pendant une demi-heure, sans bouger. Ça met évidemment mal à l'aise. On pense tout de suite à un pervers. Mais au final, on l'a vu faire le tour, dans les arbres, pour s'asseoir un peu plus loin. Et maintenant, lui aussi est tout nu."
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