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Fin de vie : "C'est aux malades de choisir, personne n'a le monopole des valeurs morales", affirme un médecin qui a participé au dîner avec Emmanuel Macron

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Article rédigé par franceinfo
Radio France
Denis Labayle, chef de service pendant 25 ans au Centre Hospitalier Sud Francilien, a noté "une grande écoute" de la part du président de la République.

Emmanuel Macron a organisé ce jeudi 9 mars un dîner de réflexion sur la fin de vie, en invitant des représentants des cultes, des médecins, des élus et des intellectuels. Le docteur Denis Labayle, chef de service pendant 25 ans au Centre Hospitalier Sud Francilien, qui faisait partie des invités, a noté "une grande écoute" de la part du président de la République. Défenseur d'un "humanisme sur la fin de vie", le médecin assure que "c'est au malade de choisir". Il faut selon lui "aller jusqu'à l'euthanasie ou l'aide active à mourir". Le praticien appelle aussi à une meilleure formation des médecins, parce que "soigner c'est accompagner jusqu'à la fin".

franceinfo : Qu'avez-vous dit à Emmanuel Macron lors de ce dîner de réflexion et que vous a-t-il répondu ?

Denis Labayle : Le président était très à l'écoute, et ses conseillers se sont montrés très ouverts. Chacun a pu avancer prendre la parole, parfois longuement. Il y avait un très gros groupe majoritaire de gens de culte, également des soins palliatifs qui voulaient que ça ne change pas, estimant que tout allait très bien. Une petite minorité qui disait qu'il fallait une exception. Et puis je me suis senti un peu seul parfois pour dire que c'est aux malades de choisir. C'est bien d'écouter mais j'espère que Emmanuel Macron n'écoutera pas trop longtemps, il faut aller jusqu'à une loi claire et nette pour ne pas remettre le problème sur la table tous les 20 ans.

Faut-il aller, selon vous, jusqu'à l'euthanasie ou l'aide active à mourir ?

Il aller jusque-là, oui. Les Belges ont 20 ans d'avance sur nous. Personne n'a le monopole des valeurs morales. Je défends un humanisme sur la fin de vie. Je l'ai appris avec mon expérience de médecin mais aussi avec celle de mon frère, qui a agonisé pendant un mois. Quand je demandais qu'on augmente les sédatifs, on me disait : "Non ça c'est l'euthanasie". Aujourd'hui, avec le texte d'application de la loi Leonetti, les indications sont extrêmements restrictives. Dans l'état actuel de la loi, on meurt de déshydratation et l'agonie dure parfois de façon inacceptable.

L'ancien contrôleur des cas d'euthanasie aux Pays-Bas, Théo Boer, a pris la parole dans le journal Le Monde, il s'inquiète maintenant que l'euthanasie s'applique aux personnes handicapées, aux personnes souffrant de problèmes psychiatriques ainsi qu'aux jeunes enfants. Entendez-vous ces mises en garde ?

Il ne faut pas non plus dramatiser sur les situations. Le nombre de problèmes d'enfant est extrêmement minoritaire. Il y a quelques cas et des cas très particuliers, très compliqués. Les gens ne sont pas fous. Il faut arrêter de faire croire que c'est une liberté absolue dans ce domaine. Non, on réfléchit, c'est compliqué. Et dans le domaine psychiatrique, c'est encore plus compliqué. Les gens ne vont pas demander le suicide assisté systématiquement dès qu'ils sont déprimés. Il y aura des garde-fous. Il faudrait par exemple une clause de conscience pour les médecins, comme le suggère l'Ordre des médecins. Néanmoins, j'estime qu'il y a une absence de formation des médecins à la fin de vie et que c'est un vrai problème parce que les médecins ont tendance à se dégager de ces questions-là. Et moi, je maintiens, contrairement à nombre de mes confrères, que soigner les malades, ça va jusqu'au bout, jusqu'à l'agonie.

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