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Témoignages "C'est lourd, je dois aussi me protéger" : la douloureuse situation de ceux qui accompagnent un proche qui a choisi l'euthanasie

Alors que la convention citoyenne sur la fin de vie se réunit pour l'avant-dernière fois ce week-end, des Français qui accompagnent des proches qui ont choisi d'aller mourir en Belgique ou Suisse témoignent sur franceinfo.
Article rédigé par franceinfo - Willy Moreau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Nicolas Milovanovic, dans son bureau du musée du Louvre, à Paris. (WILLY MOREAU / RADIO FRANCE)

La législation française sur la fin de vie va-t-elle évoluer ? La convention citoyenne qui planche sur le sujet depuis décembre se réunit pour l'avant-dernière fois ce week-end. Au cœur des débats : la possibilité ou pas d'ouvrir le droit à l'euthanasie et au suicide assisté en France. Des Français font déjà le choix d'aller mourir en Belgique ou Suisse, et cette décision implique aussi leur entourage.

"On est assez discrets par rapport à cela...", explique ainsi cette Francilienne de 68 ans qui accompagne depuis des mois sa mère dans les démarches pour une euthanasie en Suisse. Elle accepte de témoigner mais de manière anonyme uniquement : "Je tiens à témoigner, souligne-t-elle, parce que pour l'instant, en France, ça reste toujours illégal d'accompagner quelqu'un, soit dans la démarche, soit physiquement." Sa mère de 91 ans est devenue dépendante avec l'âge et elle ne sait plus marcher, plus lire, plus écrire. "Tout ce qui fait son quotidien, indique sa fille, devient pénible et elle ne le supporte pas."

La situation est parfois difficile à gérer

Un soir, toutes les deux regardent un documentaire sur l'euthanasie à la télévision, c'est à ce moment-là que sa mère a pris la décision de mourir à l'étranger. Sa fille contacte alors une association, monte un dossier médicale, enchaîne les rendez-vous avec les spécialistes en Suisse... Une longue procédure à distance. Les larmes aux yeux, ses mains se tordent. La situation est pour elle difficile à gérer. "En même temps, je comprends, et je me dis que je ferais la même chose à sa place et je la soutiens, indique-t-elle. Ceci dit, je commence à penser qu'effectivement c'est lourd et donc je pense que je dois aussi me protéger et qu'il faudra que je puisse en parler quelque part, par exemple avec un psychologue."

Ce qui la fait tenir est la volonté de respecter le choix de sa mère de mourir avant que son état ne se détériore davantage. Le parcours que vit cette dame, certains le comprennent parfaitement : eux aussi sont passés par là. Le 16 février 2022, Nicolas Milovanovic, conservateur au musée du Louvre a accompagné sa mère Vuki en Belgique.

"Après l'injection, vous perdez connaissance dans la seconde : c'est vraiment une mort absolument immédiate et sans souffrance."

Nicolas Milovanovic

à franceinfo

Sa mère souffrait d'un cancer généralisé avec métastases au cerveau et a fait une tentative de suicide avant d'entrer en soins palliatifs. En France, les malades en fin de vie peuvent bénéficier d'une sédation profonde et continue mais ce n'était pas le cas de la mère de Nicolas. Aussi, on lui a donc refusé. Elle demande alors à son fils de l'aider à partir à l'étranger, une période douloureuse pour Nicolas Milovanovic, qui en parle aujourd'hui de manière apaisée.

"Le moment où vous avez une date pour de départ est un moment difficile, concède-t-il. Mais le fait d'avoir eu cette date a vraiment permis de profiter au maximum des derniers jours, pour discuter, récupérer encore des souvenirs. Un être humain est un trésor de mémoire... C'est le temps où l'on récupère ces souvenirs, où on les grave dans la mémoire, ou éventuellement on les enregistre, où l'on fait des photos, qui seront précieuses."

"Les jours suivants sont un peu difficiles : il y a évidemment l'absence, mais très vite, vous vous rendez compte que vous avez fait ce qu'il fallait. C'est vraiment ce que j'en garde : j'ai fait mon devoir."

Nicolas Milovanov

à franceinfo

Nicolas Milovanovic reconnaît les difficultés : son frère, trop bouleversé à l'époque, a refusé d'accompagner leur mère. Car la démarche ne fait pas l'unanimité. Une femme médecin explique ainsi avoir subi les critiques d'une collègue après avoir accompagné un ami en Belgique.

La décision n'est pas toujours simple à accepter

Que ce soit dans l'entourage proche ou plus éloigné, la décision n'est pas toujours simple à accepter, comme le remarque Françoise Bergeron, médecin généraliste depuis 35 ans et membre de l'association Le Choix, qui milite pour l'aide active à mourir. Tous les ans, elle aide quatre à cinq personnes à monter leur dossier pour l'étranger. 

"Dans la majorité des cas, cela se passe très bien, assure-t-elle. On a des entretiens, on parle avec les accompagnants. Mais en ce moment, j'ai un cas très, très difficile parce que le fils n'accepte pas du tout. J'ai une personne qui va partir et qui refuse d'en parler à sa fille unique. C'est une situation impossible... Mais dans l'ensemble, il y a toujours de très bons rapports. Ces gens qui s'adressent à notre association ont déjà réfléchi, ils ont été sensibilisés et savent ce qu'elles font."

Des personnes sensibilisées et qui aident parfois financièrement leurs proches pour aller à l'étranger. Les démarches pour une euthanasie en Belgique ou en Suisse coûtent très cher : jusqu'à 15 000 euros.

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