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Affaire Vincent Lambert : les trois conséquences de la décision de la CEDH

La Cour européenne des droits de l'homme a autorisé la France, vendredi, à interrompre les traitements qui maintiennent artificiellement en vie Vincent Lambert.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les juges de la Cour européenne des droits de l'homme, le 14 octobre 2014, à Strasbourg (Bas-Rhin). (FREDERICK FLORIN / AFP)

Dix-sept juges de nationalités différentes et d'avis divergents sur la fin de vie ont finalement statué, vendredi 5 juin, sur l'affaire Vincent Lambert. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) n'a pas condamné la France dans cette affaire, par douze voix contre 5. Concrètement, l'arrêt rendu signifie que rien ne s'oppose à l'arrêt des traitements qui maintiennent en vie cet homme de 38 ans, plongé dans un état de conscience minimale depuis un accident de la route en 2008. Voici trois conséquences de cette décision. 

1Elle autorise l'arrêt des soins pour Vincent Lambert, mais ne l'ordonne pas

C'est la Grande Chambre, à savoir la formation la plus solennelle de la CEDH, qui a rendu l'arrêt. Cette formation est saisie lorsque "la question posée est inédite ou qu'il y a un risque de divergence de la jurisprudence entre les différentes chambres", rappelle Le Monde. Ses décisions sont définitives. Comme le rappelle Nicolas Hervieu, juriste en droit public au Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux, la CEDH ne fait qu'autoriser l'arrêt des soins, mais ne l'ordonne pas. 

L'arrêt des soins ne devrait pas intervenir tout de suite. Les parents de Vincent Lambert peuvent en effet saisir à nouveau un tribunal administratif pour retarder le processus. Face à l'éventualité d'un feu vert européen à l'arrêt des soins, l'avocat des parents avait indiqué que la décision médicale française avait "été prise par un médecin et ne [pouvait] être mise en œuvre que par ce médecin", qui n'est plus en fonctions. Les parents pourraient donc solliciter une nouvelle décision médicale, qu'ils pourraient à nouveau contester en justice si elle leur était défavorable.

2Elle conforte la loi Leonetti

Les juges de la CEDH devaient dire si le fait de stopper l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert portait atteinte aux droits définis par la Convention européenne des droits de l'homme. Pour parvenir à cette décision, ils ont mis en balance l’article 2 de la Convention, qui garantit le droit à la vie, et l'article 8, qui donne droit au respect de la vie privée. 

"Evidemment, en répondant à cette question, la cour s'est s'intéressée, en creux, à la législation française sur la fin de vie, et notamment la loi Leonetti", explique Nicolas Hervieu. Il s'agissait donc de savoir si la loi prévoyait suffisamment de garanties sur les droits et libertés, ceux du principal intéressé comme ceux de ses proches. Ils ont ainsi vérifié que les autorités françaises avaient bien tenu compte de la position exprimée par Vincent Lambert, de l'avis des familles ou encore qu'un nombre suffisant d'avis médicaux avait été recueilli. 

En l'occurrence, la CEDH a estimé que les dispositions de la loi Leonetti "constituent un cadre législatif suffisamment clair" par rapport aux exigences européennes et que "la présente affaire avait fait l'objet d'un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s'exprimer". Elle a estimé qu'en l'absence de directives laissées par Vincent Lambert, le Conseil d'Etat a tenu compte du témoignage de son épouse, Rachel, corroboré par l'un de ses frères, selon lequel Vincent Lambert était opposé à tout acharnement thérapeutique.

3Elle va servir de référence dans les débats sur la fin de vie

La CEDH n'a jamais été ferme sur la question de la fin de vie : il ne s'agit pas d'obliger ou d'interdire aux Etats de mettre en place un tel dispositif. Même avec cette décision, c'est encore le cas. "La Cour a toujours été prudente sur la question de la fin de vie. D'abord parce qu'il n’y a pas de consensus européen en la matière, mais une diversité de législations nationales. Et puis, c'est une question éthique, éminemment sensible. Du coup, la Cour a toujours reconnu une marge d'appréciation considérable aux Etats", remarque Nicolas Hervieu. 

Ainsi, il n'est pas question ici de légaliser l'euthanasie en France. Ce n'est pas le sens de l'arrêt de la Cour. Interrogé par Metronews.fr, l'avocat Patrice Spinosi, spécialiste de la CEDH, insiste sur ce point : "La CEDH ne s'est jamais prononcée directement", en termes de valeurs, sur l'euthanasie ou la fin de vie.

Toutefois, pour Nicolas Hervieu, il est clair que l'arrêt rendu vendredi fait "nécessairement jurisprudence" car il "réactualise et synthétise les grands principes" en matière de fin de vie. Et ces derniers "vont encadrer toutes les questions juridiques de fin de vie pour les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe", souligne le juriste. La décision européenne servira désormais de point de référence pour les Etats qui souhaiteront modifier ou adopter une législation sur la fin de vie. 

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