Où en est l'affaire Vincent Lambert ?
La famille de Vincent Lambert se déchire, depuis des années, sur l'arrêt ou non des soins de ce patient en état de conscience minimale, en multipliant les recours en justice. Le Conseil d'Etat a décidé, mercredi, que son médecin devait se prononcer sur la procédure pouvant mener à l'arrêt des soins.
Est-ce l'ultime décision de justice concernant Vincent Lambert ? Le Conseil d'État a estimé, mercredi 19 juillet, que son médecin devait se prononcer sur la procédure d'arrêt des soins concernant cet ancien infirmier en psychiatrie, tétraplégique et victime de lésions cérébrales irréversibles. Il est hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims (Marne), après un accident de la route en septembre 2008. Depuis cette date, sa famille se déchire sur son sort en multipliant les recours en justice. Franceinfo fait le point sur cette affaire aux multiples rebondissements judiciaires.
Ce que disent les médecins
Vincent Lambert a reçu de nombreux traitements. Mais son passage à l'hôpital de Berck (Pas-de-Calais), spécialisé dans la rééducation des patients blessés au crâne, n'a rien donné. Pas plus que son séjour au très pointu Centre de recherche sur le coma (Coma Science Group) de Liège (Belgique). A l'époque, un médecin belge fait état de la gravité de ses atteintes neurologiques : Vincent Lambert peut bouger, ouvrir les yeux, percevoir la douleur, "mais nul ne peut affirmer s'il comprend ce qu'on lui dit ou s'il pense". Les 87 séances d'orthophonie suivies par le patient pour tenter d'établir un code de communication se soldent également par un échec.
En avril 2013, à l'issue d'une procédure collégiale, l'équipe médicale décide alors d'arrêter l'alimentation artificielle qui maintient Vincent Lambert en vie. Face à la polémique, Éric Kariger, son médecin, démissionne du CHU de Reims en juillet 2014. "On a tout tenté chez ce patient. On s'est acharné, on a développé tous les moyens possibles et imaginables de ce qui pouvait se faire en l'état actuel", confie-t-il en janvier 2015.
Une nouvelle médecin est alors chargée de suivre Vincent Lambert. Elle engage une procédure d'examen d'un arrêt des traitements avant de la suspendre, en juillet 2015. "La médecin en charge de Vincent Lambert a décidé de suspendre la procédure collégiale", indique le CHU dans un communiqué. Il est estimé que "les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure, tant pour Vincent Lambert que pour l'équipe soignante, ne sont pas réunies".
Ce que demandent les parents de Vincent Lambert
Les parents de Vincent Lambert, des catholiques traditionalistes, sont fermement opposés à l'arrêt des soins. La mère du patient assure que son fils "n'est pas en fin de vie". "Il a évolué ! Il arrive à déglutir et à avaler. Je lui ai fait manger de la compote, boire de l'eau à la cuillère, mais [le médecin] refuse de regarder la vidéo", confie-t-elle à franceinfo, en juillet 2015. Par ailleurs, les parents de Vincent Lambert réclament le transfert de leur fils dans un autre hôpital. "Il a besoin de soins, de kinésithérapie, d'un fauteuil pour continuer à avancer. On a suffisamment perdu de temps", détaille Viviane Lambert.
Leur requête n'ayant pas abouti, les parents de Vincent Lambert portent plainte au pénal, à la fin décembre 2016, contre le CHU de Reims pour "délaissement de personne hors d'état de se protéger". Ils avaient déjà déposé une main courante en 2013 puis porté plainte en 2015 contre le centre hospitalier et plusieurs médecins pour "tentative d'assassinat et maltraitance". "Nous n'avons pas d'autre solution pour faire entendre la situation scandaleuse dans laquelle Vincent se trouve", plaide, en janvier, l'avocat des parents Lambert. Ce dernier conteste également le fait que la tutelle de Vincent Lambert ait été confiée par la justice à son épouse Rachel et non à ses parents.
Ce que demandent sa femme et son neveu
Le problème dans cette affaire, c'est que Vincent Lambert n'a pas laissé de directives anticipées écrites, ni désigné de "personne de confiance" dont l'avis aurait eu plus de poids. A l'époque, "nous ne connaissions pas la loi Leonetti", avoue son épouse Rachel. Mais, selon elle, il aurait refusé tout acharnement thérapeutique. Lors d'une conversation, son mari lui avait assuré que, "si jamais, un jour, il était pour une raison ou pour une autre en état de grande dépendance, il préférerait mourir que de rester cloué à un lit". Le neveu de Vincent Lambert, François, et son frère, Joseph, soutiennent tous deux cette position.
En janvier 2017, le neveu de Vincent Lambert a même écrit à François Hollande pour qu'il demande au CHU de Reims de reprendre la procédure d'arrêt des soins, "pour que la légalité ne soit pas que théorique". "Rien ne bougera au CHU sans qu'une décision politique courageuse ne soit prise", développe François Lambert.
Ce que dit la justice
De nombreuses juridictions ont été amenées à se prononcer sur le cas de Vincent Lambert. Après diverses décisions des tribunaux administratifs, le Conseil d'Etat se prononce pour l'arrêt des soins, en juin 2014. Une décision validée par la Cour européenne des droits de l'homme en juin 2015.
Mais, après le refus de l'équipe médicale du CHU de Reims de se prononcer sur une quelconque procédure d'arrêt des soins, les deux camps de la famille déposent à nouveau des recours devant la justice. Finalement, la cour administrative d'appel de Nancy ordonne, en juin 2016, la reprise de la procédure de consultation pouvant mener à l'arrêt des soins de Vincent Lambert. Cette décision vient d'être confirmée par le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu mercredi 19 juillet.
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