Féminicides : "L'homicide ou la tentative est la suite d'un comportement violent récurrent", selon une étude
Une étude révèle que 70% des auteurs de violences conjugales avaient déjà commis des violences répétées sur la victime.
Il existe un lien entre féminicides et violences conjugales antérieures, selon une étude menée par le parquet général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à laquelle franceinfo a eu accès vendredi 25 octobre. Cette étude, menée par la magistrate Isabelle Fort à la demande de l'ancien procureur général d'Aix, Robert Gelli, passe au crible 29 dossiers de meurtre ou tentative de meurtre commis par des conjoints ou ex-conjoints, entre le 1er janvier 2018 et le 9 septembre 2019.
90% des familles et des proches étaient au courant des violences
"L'homicide ou la tentative est la suite d'un comportement violent récurrent", écrit la substitut générale Isabelle Fort dans la synthèse de son travail. 70% des auteurs avaient déjà commis des violences répétées sur la victime, et 9 sur 10 ont des antécédents judiciaires. Dans plus d'un tiers des cas, souligne l'étude, les femmes n'ont pas porté plainte.
Dans ce rapport, on découvre également que 90% des familles et des proches de la victime étaient au courant de ces violences à répétition. "Cela signifie qu'on a un seuil d'habituation et de tolérance aux violences conjugales qui est extrêmement élevé", a commenté vendredi sur franceinfo Anne Bouillon, avocate au barreau de Nantes, spécialisée dans la défense des femmes victimes de violences. Le Grenelle des violences conjugales doit d'ailleurs rendre ses préconisations au sujet de la délicate question de dénoncer des faits lorsqu'on est témoin de violences intrafamiliales, le 25 novembre.
Toutes les classes d'âge sont touchées
Sur le profil des auteurs, l'étude révèle que le féminicide touche toutes les classes d'âge : l'auteur le plus jeune a 21 ans, le plus âgé 78. Cinq des 17 auteurs de meurtre se sont suicidés aussitôt après leur acte et un jeune homme qui avait tenté de tuer sa compagne s'est donné la mort en prison plus d'un an après. Dans près de la moitié des cas, les meurtres sont commis pendant ou après une séparation, et au domicile familial dans 62% des dossiers analysés. Ces 29 homicides ou tentatives ont par ailleurs été commis majoritairement avec un couteau ou une arme à feu.
Enfin la question des enfants est aussi abordée : l'étude révèle qu'un peu plus de 20% d'entre eux ont été témoins du meurtre ou de la tentative, et que dans la même proportion, ils sont eux même victimes de violences.
"Il faut passer de la répression à la prévention"
"Je salue cette étude, et j'ai trouvé courageux de la part de ce parquet général que de se mettre à ce travail-là", a réagit l'avocate Anne Bouillon. "C'est assez inédit que l'institution judiciaire fasse un travail d'autocritique ou de compréhension de ses dysfonctionnements pour voir où le bât blesse et où ces femmes n'ont pas été protégées. Maintenant, il est absolument nécessaire d'en tirer tous les enseignements, et l'étude est riche en enseignements. On le savait, de manière empirique. Maintenant, il faut prendre les mesures qui s'imposent", a réclamé Anne Bouillon. "L'institution judiciaire est faite pour poursuivre et pour sanctionner [...] Il faut changer notre culture judiciaire. Il faut passer de la répression à la prévention."
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