Reportage "Beaucoup se sont reconnues" : trois générations de femmes confient pourquoi le film "Il reste encore demain" a secoué l'Italie

Article rédigé par Bruno Duvic
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
franceinfo a réuni trois femmes de générations différentes, Luciana Romoli, Isabelle Colin et Charlotte Marincola, pour parler du choc provoqué en Italie par le film événement "C'è ancora domani". (BRUNO DUVIC / RADIOFRANCE)
Le film de Paola Cortellesi, qui retrace l'histoire d'une femme qui tente de se libérer d’un mari violent, est devenu un véritable phénomène, réunissant des millions de personnes en salles en Italie. Il sort mercredi en France.

C'est le film de l'année 2023 en Italie. Après son succès en Italie, Il reste encore demain, le film de Paola Cortellesi, sort en salles en France, mercredi 13 mars. L'histoire se déroule à Rome, juste après la Seconde Guerre mondiale. Delia, le personnage principal, tente de se libérer d’un mari violent.

Malgré la dureté du sujet et alors que le film est en noir et blanc, il a rassemblé plus de cinq millions de spectateurs, devançant ainsi Barbie en tête du box-office. L’actrice principale et réalisatrice Paola Cortellesi, d'abord connue comme humoriste en Italie, parvient à y injecter beaucoup de légèreté. Beaucoup d'Italiennes se sont reconnues, quelle que soit leur génération, dans l'histoire, d'autant que C'è ancora domani était encore salles quand l'actualité italienne était marquée par un féminicide très médiatisé, celui de Giulia Cecchetin, 22 ans.

"Il raconte la réalité"

Face au choc provoqué par ce film dans la société italienne, franceinfo a réuni trois femmes, de générations différentes et qui se définissent comme féministes : Luciana Romoli, de tous les combats, qui était dans la résistance dans son adolescence, Isabelle Colin, enseignante, qui vit en Italie depuis plus de 30 ans, et sa fille Charlotte Marincola, franco-italienne née à Rome, qui travaille au service des archives de la Rai.

Luciana avait 15 ans, au sortir de la guerre. "Le film m'a plu parce qu'il raconte la réalité", raconte cette femme de 93 ans, qui se souvient de ces familles de frères et de maris violents, comme celui de Delia, l’héroïne du long métrage.

Le personnage a ému des millions de spectateurs, dont Isabelle, 50 ans. "Tout le monde sortait avec son mouchoir et se tamponnait les yeux", se rappelle-t-elle. C’était aussi le cas de sa fille, Charlotte, 26 ans, qui a surtout vu l’onde de choc autour d'elle : "Des grands-mères, des voisines qui me disent, 'je me suis reconnue dans ce film'", assure la jeune femme de 26 ans.

Un film qui fait écho à la réalité en Italie

Alors que le visage de la femme au foyer, Delia, s'affichait sur grand écran, celui de l’étudiante Giulia Cecchetin, tuée par son ex-petit ami faisait donc la une des journaux. "Il y a quelque chose de similaire entre les deux histoires... Ce sont des histoires communes et on voit quelque chose qui n'était pas aussi net avant", explique Charlotte.

Ces derniers mois marquent peut-être la fin d’un silence, contre lequel Luciana, dans toutes les manifestations, s’est longtemps battue. "Nous avons fait des dizaines de réunions à discuter avec le commissaire de police dans les quartiers populaires pour dire que quand une femme dénonce un homme, il doit être arrêté tout de suite", se souvient la nonagénaire. Mais sortir du silence n’est pas chose facile en Italie, affirme Isabelle : "On va toucher à l'intime, à quelque chose qui relève de la sphère privée. J'ai l'impression qu'on a beaucoup plus de mal à faire sortir ça du placard ici, et puis on a eu des années de 'berlusconisme' qui ont fait du mal au corps des femmes".

Le film raconte aussi le jour où les femmes ont voté pour la première fois en Italie, le 2 juin 1946, autre forme d'émancipation. "La veille, ma mère a pleuré de joie toute la nuit à l'idée d'aller voter", se remémore Luciana. Environ 80 ans après, la question du féminisme a infusé dans la société : "Il y a aussi beaucoup plus d'hommes qui se remettent en question, je trouve que c'est quelque chose de beaucoup plus collectif, en un sens et démocratique", assure Charlotte. Ceux qui iront voir le film constateront que le rouge à lèvres est éminemment politique.

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