"Ces faits ne sont pas punis par la loi" : la bourde du parquet de Tarascon après une plainte pour agression sexuelle
Alors qu'elle avait porté plainte pour agression sexuelle, Célia a reçu une lettre lui expliquant que le dossier avait été classé, faute d'infraction. Contacté par franceinfo, le parquet de Tarascon blâme une "erreur de saisie" informatique.
"L'examen de cette procédure ne justifie pas de poursuite pénale au motif que les faits dont vous vous êtes plaint ne sont pas punis par la loi." Lorsqu'elle a reçu, en juillet, cette lettre du parquet de Tarascon (Bouches-du-Rhône) lui annonçant le classement sans suite de sa plainte pour agression sexuelle, Célia est tombée des nues. "Ça m'a vraiment dégoûtée", explique-t-elle à franceinfo, jeudi 2 novembre.
#balancetonporc Un homme marchait derrière moi, m’a mit la main entre les jambes 2 fois et m’a sorti « ça vous plait ? » j’ai porté plainte: pic.twitter.com/JWpHK6DTps
— Celia (@celia_yac) 31 octobre 2017
Son agression a eu lieu un matin d'avril, à Arles (Bouches-du-Rhône), alors que la jeune femme de 19 ans se rendait à la fac. "On marchait dans une rue étroite avec une amie, quand je sens que quelqu'un est derrière moi et me touche les fesses. J'ai d'abord pensé que c'était quelqu'un de pressé, qui n'a pas fait exprès, donc je me suis décalée. Et là, il m'a frotté l'entrejambe, m'a regardé et m'a demandé si ça me plaisait", raconte Célia.
Une pluie de réactions outrées sur Twitter
"Quand j'ai vu tous ces témoignages de femmes avec le hashtag #balancetonporc, je me suis dit qu'il fallait que je raconte aussi mon histoire." Sur Twitter, Célia a publié, mardi 31 octobre, un extrait de son avis de classement, que franceinfo a pu consulter. Un message qui a suscité une pluie de réactions outrées. Au moment de la rédaction de cet article, son message avait été retweeté plus de 19 000 fois.
La militante féministe Caroline de Haas ou l'avocat David Koubbi, qui défend notamment Jérôme Kerviel, ont apporté leur soutien à la jeune femme.
Bonjour @justice_gouv. Il semblerait qu'il y ait comme un problème de formation de vos agent.e.s. Cordialement. https://t.co/tpm6YvLh6F
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 1 novembre 2017
Vous le savez sans doute, vous pouvez vous constituer partie civile et demander l audition de votre amie en qualité de témoin.
— David Koubbi (@DavidKoubbi) 2 novembre 2017
Une plainte classée parce que l'agresseur n'a pas été retrouvé
Comment le parquet de Tarascon a-t-il pu classé cette plainte en affirmant que les faits visés "ne sont pas punis par la loi" ? Interrogé par franceinfo, le procureur de la République de Tarascon, Patrick Desjardins, explique qu'il s'agit en réalité d'une "erreur informatique". "La plainte a bien été classée, mais parce que l'auteur de l'agression n'a pas été retrouvé et pas du tout parce que nous considérons que de tels faits ne sont pas constitutifs d'une infraction. Bien au contraire", affirme le magistrat.
En cause, une confusion entre deux codes informatiques correspondant à des motifs de classement de plainte. Le code relatif au classement d'une procédure pour auteur inconnu est 71. Celui pour absence d'infraction est... 11. "C'est seulement dû à une erreur de saisie. Dans ce dossier, il y a bien eu une enquête de police approfondie, cette affaire n'a pas du tout été pris par dessus la jambe", tient à préciser Patrick Desjardins, ajoutant qu'il compte recevoir directement Célia pour lui expliquer les motifs réels du classement de sa plainte.
"Une enquête sérieuse a été menée"
"Je suis vraiment choquée", réagit Célia, bouleversée, lorsque franceinfo lui explique la raison pour laquelle elle a reçu ce courrier. "Pendant quatre mois, j'ai cru que ce qui m'était arrivé n'était pas une agression sexuelle aux yeux de la loi. Ça m'a profondément perturbée et là j'apprend que tout ça n'est qu'une erreur. Qu'une enquête a été quand même menée."
Lorsqu'elle était allée porter plainte, la jeune femme avait pris soin d'apporter tous les éléments possibles pour aider les autorités à identifier son agresseur. "Juste après m'avoir agressé, il est rentré dans un café où le serveur lui a dit : 'Salut Bruno'. Mon amie était aussi prête à témoigner. J'ai dit tout ce que je savais au policier", raconte-t-elle.
De son côté, le procureur assure qu'une "enquête sérieuse a été menée". "La police s'est déplacée dans ce bar pour entendre le patron et le serveur, mais personne n'était en mesure d'identifier cette personne. Ils n'étaient peut-être pas forcément de bonne foi, mais ça on en sait rien, explique Patrick Desjardins. La police municipale a aussi été sollicitée mais n'a malheureusment pas été en mesure d'identifier l'individu. C'est uniquement parce que nous n'avons pas pu l'identifier que la plainte a été classée. Nous avons déjà poursuivi ce genre d'agression au parquet de Tarascon et nous le ferons encore si nous en avons l'occasion."
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