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Emile Daraï accusé de viols : un collectif réclame la "suspension pleine et entière" du gynécologue, ex-chef de service à l'hôpital Tenon

Sonia Bisch, fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques, salue ce vendredi sur franceinfo le retrait définitif de la fonction de chef de service d'Emile Daraï, un gynécologue accusé de viols. Mais elle regrette "qu'il puisse continuer à recevoir des patientes."

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Hôpital Tenon à Paris, le 23 septemebre 2021.  (THOMAS COEX / AFP)

Visé par une enquête judiciaire pour "viol", le gynécologue Emile Daraï, a été définitivement mis en retrait de ses responsabilités de chef de service et de responsable pédagogique de l'hôpital Tenon à Paris jeudi 9 décembre. C'est insuffisant pour Sonia Bisch, fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques, qui a demandé le lendemain sur franceinfo sa "suspension pleine et entière" pour qu'il ne puisse pas "continuer à recevoir des patientes, continuer ses opérations, ses consultations comme d'habitude".

franceinfo : Êtes-vous soulagée par cette mesure ?


Sonia Bisch : Nous saluons la reconnaissance par la commission de l'AP-HP du caractère systémique des violences obstétricales selon laquelle la situation actuelle est le fruit de dysfonctionnements individuels, mais aussi collectifs. C'est vrai que ce n'est pas du tout des cas isolés. On reçoit en moyenne 200 témoignages par mois de violences obstétricales et gynécologiques. L'affaire Daraï c'est la partie émergée de l'iceberg. Malheureusement, nous regrettons quand même que le professeur soit simplement mis en retrait de ses fonctions, et qu'il puisse continuer à recevoir des patientes, continuer ses opérations, ses consultations comme d'habitude. Il faut quand même rappeler que le professeur Daraï est mis en cause par au moins 14 plaintes actuellement au pénal pour viol, viol sur mineur, viol en réunion. À Stop VOG, nous avons quand même près de 180 témoignages des violences le concernant et 40 concernent d'autres praticiens de l'hôpital.

 
La ommission de l'AP-HP retient le caractère standardisé, technique et sans affect de la consultation, mais pas la connotation sexuelle. Vous le déplorez ?

Depuis 2014, il y a eu 10 signalements de patientes à l'hôpital, autant à l'Ordre des médecins qui n'ont pas été pris en compte. Si les étudiants sont venus trouver Stop Vog pour dénoncer ce qui se passait, c'est parce que les institutions censées protéger les patientes ont été défaillantes au niveau de l'hôpital. Au niveau de l'Ordre des médecins, il faut quand même rappeler que la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2019, pointait "un manque de rigueur et d'impartialité dans le traitement des plaintes des patients, notamment pour des faits à caractère sexuel". La Cour des comptes a retenu que seulement 22% des signalements reçus sont traités comme des plaintes. Près de 80% des signalements sont sans suite. Donc, cela participe à l'impunité des violences obstétricales gynécologiques. Les violences obstétricales gynécologiques appartiennent à toutes les violences sexistes et sexuelles. Et il y a les mêmes mécanismes de mépris de la parole, de déni, de culpabilisation des victimes. Ce n'est plus possible. Il faut les entendre. Cela fait près de dix ans que c'est dénoncé. Et là, il y a besoin de mesures fortes, que ce soit du gouvernement ou de l'AP-HP.

Le professeur Daraï a écrit une lettre à Martin Hirsch, le directeur général de l'AP-HP disant "être contraint de reconnaître que ces femmes ont pu percevoir l'examen que j'ai pratiqué comme dénué d'empathie et de bienveillance. J'ai pris connaissance avec tristesse de leur ressenti". C'est un début de mea-culpa pour vous ?

C'est quand même choquant de se dire qu'il a fallu des dizaines et des dizaines de témoignages, une très forte médiatisation pour que les instances médicales pour que les personnes commencent à réagir. Et encore, c'est très modéré. Ce monsieur est toujours en poste. Il pratique toujours. La loi le prévoit. On respecte la présomption d'innocence, mais on peut suspendre de manière temporaire un praticien hospitalier pour garantir la sécurité des patientes. Il faudrait une suspension pleine et entière, comme l'a demandé d'ailleurs le Conseil de Paris, le temps de l'enquête de police.

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