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Enquête Une victime d'agression sexuelle dénonce les failles de la cellule d'écoute d'EELV

Selon cette jeune femme, militante depuis 2017 chez les Verts, "un des membres de la cellule a contacté mon agresseur pour lui dire que j'avais fait un signalement".

Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le logo du parti politique Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Signalé en juillet auprès de la cellule d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes au sein d’Europe-Ecologie-Les Verts, Julien Bayou a démissionné lundi dernier de son poste de secrétaire national du parti. Une structure "disqualifiée" selon l'avocate de l'élu parisien. "A quatre reprises, Julien Bayou a demandé par écrit à être auditionné devant cette cellule, ce qui lui a été purement et simplement refusé", a signalé Maître Marie Dosé. franceinfo a enquêté sur cette cellule. Si ses membres ont reçu pour consigne de ne pas communiquer avec la presse, franceinfo a pu recueillir le témoignage d'une victime qui dénonce également des failles. D'après elle, un des membres de la cellule a contacté son agresseur présumé alors que le signalement est censé rester secret.

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L'histoire remonte aux débuts effectiffs de la cellule d'écoute des Verts, courant 2020. La jeune femme, Louise (le prénom a été modifié), militante depuis 2017 chez les Verts, se dit victime d’une agression sexuelle traumatisante à l’été 2020 de la part d’un cadre du parti en Île-de-France. Deux mois plus tard, elle choisit de saisir les dix membres de la cellule d’écoute des violences sexuelles et sexistes, par mail (comme l’exige la procédure). Un signalement en théorie strictement confidentiel. Mais moins de deux jours après son témoignage, son agresseur l'a contactée à de multiples reprises. Des appels, des messages qui effraient la victime. "Un des membres de la cellule a contacté mon agresseur pour lui dire que j'avais fait un signalement. Tous ces appels, ces messages, j'ai eu peur qu'il vienne me harceler chez moi. Je ne pensais pas qu'en saisissant la cellule, mon agresseur serait protégé par un certain nombre de personnes", regrette-t-elle.

Des victimes renoncent à saisir la cellule

franceinfo a pu joindre cet ancien membre de la cellule qui aurait fait fuiter le signalement. C'est un cadre influent du parti en Ile-de-France et qui siège au conseil fédéral. S'il ne nie pas "avoir informé très tôt l'agresseur de ce signalement", il réfute avoir communiqué le nom de la victime. Selon lui, il s'agissait "d'une décision collective et non d'une initiative individuelle pour prévenir un autre cadre et ami". Pourtant, selon plusieurs sources au sein des Verts, c'est cette initiative qui a "justifié son départ de la cellule d'écoute".

De son côté, l'agresseur présumé de Louise a été suspendu et il a démissionné en décembre 2020, avant même d'être auditionné. Louise garde aujourd’hui un souvenir amer de son signalement la cellule d’écoute. Selon elle, d'autres victimes ont renoncé à saisir à leur tour la cellule. "Certaines personnes qui ont eu vent de mon histoire m'ont dit : pour l'instant, je n'ose pas témoigner. Ça n'inspire pas confiance ce genre de choses. Ce n'est pas pas possible que cela inspire confiance."

"Le traitement de mon affaire a été plus difficile que l'agression en elle-même, d'un certain côté."

"Louise"

à franceinfo

Franceinfo a joint Jérémie Crépel. Il est secrétaire national adjoint du parti et fait partie de ceux qui font évoluer la cellule sur les violences sexuelles et sexistes (cellule VSS). "Si c'est vrai –je n'ai pas d'informations ou d'éléments là-dessus – c'est effectivement grave. Et dans ce cas, c'est bien qu'il ne soit pas resté dans cette cellule, puisque cela déroge aux obligations de ses membres. C'est pour cela aussi qu'on a mis en place, à partir de février 2022, de nouveaux protocoles pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'informations qui sortent de la cellule."

La cellule VSS est composée de dix membres dont une majorité de femmes, 50% d’élus fédéraux, 50% de militants qui doivent réunir plus des deux tiers des voix sur leur nom pour être élus. Leurs noms sont publics. Ils sont formés  par le groupe privé Egae de Caroline de Haas, bien connue en matière de lutte contre les violences sexistes.

Au terme de leur enquête contradictoire et d’entretiens qui se réalisent souvent en visio, ils transmettent leur rapport et – si besoin – leur proposition de sanctions à deux membres du bureau exécutif des Verts. C’est nouveau., cela date de cette année. Avant, c’est tout le conseil fédéral – plus de 200 personnes – qui recevait par mail et en même temps ces rapports explosifs.

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