La moitié des femmes médecins disent avoir été victimes de violences sexistes ou sexuelles infligées par un confrère, selon un rapport
"Cette situation ne peut pas durer", alerte François Arnault. L'Ordre des médecins, dont il préside le conseil national (CNOM), dévoile mercredi 20 novembre les résultats d'une enquête sur les violences sexistes ou sexuelles (VSS) subies par les femmes médecins. Pas moins de 49% des interrogées disent en avoir été victimes de la part d'un autre médecin, homme ou femme, au cours de leurs études ou de leur carrière.
L'enquête avait été lancée en septembre dans le sillage du mouvement #MeToo à l'hôpital, après les révélations de nombreuses professionnelles sur des faits de sexisme, d'agressions et de viols dans le milieu médical. Le rapport, établi avec l'institut de sondages Viavoice à partir des réponses de 21 140 médecins inscrits à l'Ordre (dont 19 104 actifs et 2 036 retraités ou sans activité), sollicités par mail. Les résultats soulignent à quel point les propos et les actes relevant des VSS sont répandus dans le monde médical, en particulier lors du parcours étudiant.
Pas moins de 54% des médecins interrogés, hommes et femmes confondus, ont par exemple eu connaissance de violences commises par un médecin inscrit à l'ordre, en particulier durant le parcours étudiant. Au total, 26% des médecins, tous genres confondus, disent avoir été victimes de VSS par un autre médecin ; dans le détail, 23% des professionnels disent avoir subi un "outrage sexiste et sexuel", 8% évoquent du harcèlement sexuel, 3% une agression, et moins de 1% un viol. Sur tous les professionnels interrogés, 23% ont été victimes de VSS par un médecin pendant leurs études, et 10% dans le milieu professionnel.
Les médecins femmes sont particulièrement touchées, puisque 49% disent avoir été victimes de VSS par un confrère ou une consœur, contre 3% des hommes. Pas moins de 44% des interrogées évoquent des faits subis durant leur parcours étudiant, et 20% dans le milieu professionnel. Quelque 44% des médecins femmes évoquent un outrage sexiste, 16% du harcèlement, 6% une agression et 1% un viol.
"Une culture des VSS banalisées"
Selon l'enquête, les VSS infligées aux victimes (quel que soit leur genre) pendant les études sont en majorité le fait de médecins en activité et non de camarades – à l'exception des viol, qui sont principalement attribués à d'autres étudiants.
Presque tous les médecins interrogés (92%), victimes ou non, pensent qu'une victime de VSS rencontre des difficultés à "se faire reconnaître" par une écoute, une prise en charge ou la possibilité d'engager des poursuites. Interrogés sur les causes de ce problème, les sondés évoquent la honte et la peur, des obstacles dans le parcours de dénonciation, mais aussi, à 39%, "une culture des VSS banalisées dans le monde médical", notamment du fait d'une minimisation de leur gravité et des craintes de répercussions sur leur carrière. Seulement 3% des médecins victimes de VSS déclarent avoir la certitude que l'Ordre des médecins en a été informé.
Seuls 15% du total des médecins interrogés disent avoir eu connaissance de cas de "discrimination professionnelle à la suite d'une dénonciation de VSS", comme un obstacle à l'avancement professionnel, des moqueries ou une ostracisation. La majorité des interrogés (62%) jugent qu'une enquête plus large sur les discriminations professionnelles paraît nécessaire.
"Le phénomène a été sous-considéré par l'Ordre, comme dans tous les autres segments de la société", a concédé le président du CNOM lors d'une conférence de presse, mercredi. "Notre objectif est la tolérance zéro. (...) L'Ordre doit être le garant de la probité et de la moralité." Pour cela, l'organisation assure que tous les signalements qui lui seront faits recevront une suite.
L'Ordre des médecins demande également au législateur de l'autoriser à consulter le fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), en vue de refuser les demandes d'inscription des personnes qui y figurent. "Si [le candidat] y est inscrit, il ne pourra pas devenir médecin", a martelé Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente du CNOM.
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