"Les prédateurs sexuels vous disent merci" : une association interpelle les parents qui publient des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux
"Bonjour, tenez, je vous donne une photo de ma fille elle s'appelle Lia !" Dans une vidéo tournée en caméra cachée, une femme interpelle des passants dans la rue et leur tend des photos de sa fille. "Elle va à la gym pas très loin, tous les mercredis à 17h", ajoute la mère de l'enfant.
"Elle à six ans… On habite dans la rue, pas très loin (…) Ça, c'est son premier jour d'école. Ça, c'est à la gym. Ça, ce sont nos dernières vacances aux Canaries", décrit la femme enjouée. Un clip d'un peu plus d'une minute dans lequel tout un tas de détails sont communiqués. Cela peut surprendre et pourtant… "Sans le savoir c'est ce que vous faites en exposant vos enfants sur les réseaux", estime l'association Caméléon. Avant de conclure : "Les prédateurs sexuels vous disent merci." Le clip est partagé sur les réseaux sociaux, depuis mardi 8 octobre, et des affiches (générées à partir d'intelligence artificielle) sont exposées dans le métro parisien, notamment à la station Charles-de-Gaulle Etoile.
Cette pratique a un nom : ça s'appelle le "sharenting", contraction de "share" pour "partager" et de "parenting" pour "parentalité". Les conséquences sont encore trop méconnues, estime l'association. Églantine Cami y est chargée de plaidoyer jeunesse : "Il y a un manque de prise de conscience des conséquences que tout cela peut avoir. Que ce soit l'utilisation de la photo à des fins sexuelles, le détournement du contenu notamment via l'intelligence artificielle avec les deepfakes mais aussi la possibilité de prendre contact avec l'enfant en le traquant en ligne ou dans la vraie vie."
Plus d'un parent français sur deux a déjà partagé des clichés de son enfant sur internet
Églantine Cami précise que même la photo qui peut sembler la plus anodine peut être détournée par un pédocriminel : "Evidemment, il y a des photos qui, plus que d'autres, vont suggérer plus de choses pour un prédateur sexuel : des photos d'un bébé nu, d'un enfant en maillot de bain... Mais on remarque qu'il y a des photos complètement anodines, comme les premiers pas d'un enfant, une victoire dans un club sportif, la rentrée des classes... Il y a un risque à travers toute photo parce qu'une photo c'est non seulement le visage de l'enfant mais aussi ses habitudes, ses passions, ses loisirs, là où il va à l'école."
La chargée de plaidoyer jeunesse partage un exemple concret de ce détournement de photos postées sur les réseaux : "Une simple photo de groupe d'une colonie de vacances. On s'est rendu compte que sur le darknet, sur des forums pédocriminels, il y avait un débat pour élire la petite fille la plus sexy de la colo." Plus d'un parent français sur deux a déjà partagé des clichés de son enfant sur internet. Pour 43% d'entre eux, cela a commencé dès la naissance de l'enfant.
L'association alerte sur la continuité des violences en ligne et des violences hors ligne : "40% des personnes ayant consulté des contenus pédocriminels, vidéos, photos d'agressions ou de viols d'enfants, ont par la suite cherché à contacter un enfant", précise Eglantine Cami. "Ce n'est pas parce qu'on est derrière un écran qu'on est en sécurité", conclut-elle. Depuis sa création à la fin de l'été 2023, l'Office mineurs (Ofmin) indique avoir reçu 150 000 signalements.
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