MeToo : Caroline Fourest s'inquiète de l'utilisation du féminisme "pour bafouer le droit du travail"

L'essayiste estime mercredi sur France Inter qu'il y a "de plus en plus de gens mis à mort socialement, pour des affaires de plus en plus légères et de moins en moins établies".
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Caroline Fourest, invitée de France Inter, le 11 septembre 2024. (FRANCE INTER / RADIO FRANCE)

"On utilise le féminisme pour bafouer le droit du travail et bafouer la présomption d'innocence", dit mercredi 11 septembre sur France Inter l'essayiste Caroline Fourest, qui publie "Le Vertige MeToo" (Grasset), affirmant avoir recueilli "tellement de paroles de gens licenciés du jour au lendemain".

Elle dit soutenir le mouvement MeToo, dans lequel elle voit "un changement de monde extrêmement enthousiasmant", qu'elle veut "protéger". Mais elle estime qu'il souffre du fait "que l'on a de plus en plus d'affaires de gens qui ont été effacés et mis à mort socialement, pour des affaires de plus en plus légères et de moins en moins établies", et craint qu'il soit ainsi moins "pris au sérieux". "On ne doit pas ridiculiser MeToo", insiste-t-elle.

Elle cite notamment deux cas de personnalités victimes de "morts sociales" après des accusations qui n'ont pas abouti à des condamnations judiciaires. Caroline Rey Salmon, qui a été "rayée de la Civiise", la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, en février, "parce qu'une plainte a été médiatisée contre elle pour viol [en réalité pour agression sexuelle, ndlr]". "Son nom a été associé à celui de violeurs, parce qu'elle a examiné à la demande des tribunaux, une jeune de 25 ans, qui a mal vécu son examen", déplore-t-elle. "Elle a essayé de l'aider (…) c'est très violent", explique Caroline Fourest.

Cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite fin août, mais Caroline Rey Salmon vit "recluse, effacée, retirée de tout", dit Caroline Fourest, qui lui a parlé au téléphone. Elle a récupéré ses cours à l'École nationale de magistrature, dont elle avait également été écartée, "mais sa vie ne sera plus jamais la même", pointe-t-elle.

Ibrahim Maalouf "a la droit de reprendre sa vie sociale"

Caroline Fourest revient également sur l'éviction du trompettiste Ibrahim Maalouf du jury du festival de Deauville cette année. Il a été accusé il y a plusieurs années d'agression sexuelle sur mineure, une affaire dans laquelle il a été relaxé en appel 2020. "Il a lui-même réagi et reconnu qu'il s'était mis dans une situation nauséabonde avec sa stagiaire de 14 ans, il a lui-même alerté son équipe", précise Caroline Fourest, qui a lu la décision de la cour d'appel, déplorant le fait que le débat médiatique "ne porte jamais sur le risque de récidive". "Ibrahim Maalouf n'est pas dangereux (…) il a quand même le droit de reprendre sa vie sociale normalement", plaide-t-elle.

"On ne peut pas à la moindre accusation, au nom d'un 'je te crois' dogmatique et absolutiste, mettre à mort socialement les gens, mettre à mort le droit du travail", résume-t-elle. L'essayiste plaide pour un "dialogue avec la jeune génération". "Continuez à être aussi vigilants et aussi intransigeants avec les prédateurs et ceux qui sexualisent l'espace de travail. Remettez-les en place. Mais adoptons une riposte graduée".

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