: Vidéo "En face de nous, nous avons un mur", dénonce l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique
"On respecte parfaitement la présomption d'innocence. On ne demande pas une condamnation pénale, ce que l'on demande c'est de la prévention", explique la cofondatrice de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique.
"Depuis des années, on demande aux femmes de libérer leur parole, ce qu'elles font, mais en face de nous, nous avons un mur", a déploré Fiona Texeire, cofondatrice de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, invitée mercredi 25 mai sur franceinfo. C’est auprès de cet observatoire, initié en février par le mouvement #MeeToo Politique, que l’une des femmes qui accusent Damien Abad de viol s’est manifestée avant qu'il ne soit nommé ministre des Solidarités. "Il faut maintenant procéder à une libération de l'écoute (…) et que ce soit suivi d'effets", a ajouté Fiona Texeire. Sans remettre en cause la présomption d'innocence, elle réclame "une suspension ou une mise à pied le temps de faire la lumière sur cette affaire".
franceinfo : Vous dénoncez le fait que les témoignages de ces femmes n'ont pas été entendus et pris en compte ni avant, ni après la nomination de Damien Abad au gouvernement ?
Depuis des années, on demande aux femmes de libérer leur parole, ce qu'elles font, mais en face de nous, nous avons un mur.
"Il n'y a pas d'écoute, il faut maintenant procéder à une libération de l'écoute."
Fiona Texeire, cofondatrice de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politiqueà franceinfo
Il faut que ces femmes courageuses, qui témoignent, puissent être entendues et que ce soit suivi d'effets. Est-ce que le gouvernement a encore envie de nommer un homme aussi peu exemplaire sur ce sujet et d'afficher une contradiction totale avec l'objectif annoncé de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes la priorité de son quinquennat ?
Élisabeth Borne met en avant le respect de la présomption d'innocence, entendez-vous cet argument ?
On respecte parfaitement la présomption d'innocence. On ne demande pas une condamnation pénale, ce que l'on demande c'est de la prévention. Si on regarde les cas précédents, que ce soit DSK, [Denis] Baupin, [Nicolas] Hulot, [Gérald] Darmanin, ils ont tous un casier judiciaire vierge. Aucun d'eux n'a été condamné pour violences sexuelles mais personne ne peut croire encore aujourd'hui que leur comportement vis-à-vis des femmes est parfaitement normal. Le seul ministre qui a effectivement été condamné pour violences sexuelles, c'est Georges Tron. En 2011, lorsque la plainte est déposée, il a démissionné du gouvernement et il faudra dix ans pour qu'il soit envoyé en prison. Est-ce qu'on a vraiment dix ans devant nous, à attendre, pour savoir si ce ministre-là, qui devra être exemplaire, doit être maintenu en poste ?
Damien Abad nie les accusations. Il explique qu'avec son handicap, l'acte sexuel ne peut avoir lieu qu'avec le consentement et la bienveillance de sa partenaire. Comment a réagi Chloé, la jeune femme dont vous avez recueilli le témoignage, après cette déclaration ?
Pour Chloé, cette déclaration est d'une violence inouïe. On assiste à un phénomène classique dans le cadre des violences sexuelles, l'inversion de la culpabilité. La personne mise en cause explique que c'est elle la vraie victime et tente d'apitoyer sur son sort. Pour les victimes de violences sexuelles, pour les vraies victimes, c'est terrible, c'est une nouvelle violence commise envers elles.
Vous pensez qu'au moindre soupçon, dans la classe politique, il faut écarter la personne concernée ?
Il faut au moins entendre ce que ces femmes ont à dire. Aujourd'hui, il n'existe pas, en politique, de vraie structure dédiée à l'écoute des victimes de violences sexuelles. Si on étendait les prérogatives de la Haute autorité de la transparence de la vie publique pour qu'elle puisse se saisir de ces cas de violences sexuelles, cela permettrait d'ouvrir des enquêtes internes et de prendre des mesures similaires à celles qui pourraient être prises dans une entreprise privée, une suspension ou une mise à pied le temps de faire la lumière sur cette affaire. Il y a doute, donc, ce qu'on demande c'est que le temps que ce doute soit levé, par la justice par exemple, il y ait une suspension.
Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition écologique, a été entendu en audition libre cette semaine sur des soupçons de viols et d'agressions sexuelles. C'est un signal positif ?
Cela montre seulement à quel point le temps judiciaire est long. En 2017, quand il est nommé, nous sommes déjà nombreuses à savoir qu'il y a un problème avec lui. Quand j'étais militante, il y a une dizaine d'années, on m'avait dit de faire attention à lui. Il est nommé en connaissance de cause. En 2018, quand les accusations éclatent dans la presse, il reçoit le plein soutien de l'exécutif. Il est maintenu à son poste et il faudra quatre ans d'enquête pour qu'on admette enfin qu'il y a un problème avec Nicolas Hulot. Est-ce qu'on a encore envie de vivre le même épisode avec Damien Abad ? Je ne le souhaite pas.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.