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Ce que l'on sait des accusations de viol visant Damien Abad, le nouveau ministre des Solidarités

Le député de l'Ain "conteste avec la plus grande force" les accusations de violences sexuelles dont il fait l'objet depuis la publication d'un article de Mediapart samedi. 

Article rédigé par franceinfo
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Damien Abad, le nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, le 21 mai 2022 à Paris.  (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Un nouveau ministre face à des accusations de violences sexuelles. Damien Abad, le député de l'Ain, ancien président du groupe Les Républicains à l'Assemblée et désormais ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, est accusé de viol par deux femmes pour des faits présumés datant de 2010 et 2011, a révélé Mediapart (article payant) samedi 21 mai. Contacté par franceinfo, l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique confirme avoir envoyé un "signalement par mail" à La République en marche et aux Républicains au sujet de ces faits présumés. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de ces accusations visant l'élu âgé de 42 ans. 

Une plainte a été classée sans suite en 2017

Selon les informations de Mediapart, une ex-militante centriste, âgée de 35 ans, a déjà porté plainte pour "viol" à l'encontre de Damien Abad, une première fois en 2012. Mais celle-ci a été classée sans suite "du fait de la carence de la plaignante", explique le parquet de Paris à franceinfo. Une deuxième plainte de cette même femme et pour les mêmes faits présumés, déposée cinq ans plus tard, a été classée sans suite le 5 décembre 2017, "après une enquête préliminaire, faute d'infraction suffisamment caractérisée", poursuit le parquet.

Cette femme, alors âgée de 22 ans et vice-présidente des Jeunes démocrates à Paris, rencontre Damien Abad en 2009. A l'époque, l'élu est député européen et préside les Jeunes Centristes-Nouveau Centre. Selon Mediapart, ils font connaissance au cours d'une réunion politique. Damien Abad aurait ensuite, selon son récit, "commencé à [la] draguer par SMS". La jeune femme décrit plusieurs échanges par messages avec l'élu, qu'elle dépeint comme "très insistant". "Allez, j’attends ta photo. Ton visage et ta poitrine réunis", aurait-il écrit par texto, selon son témoignage. 

Cette femme raconte ensuite que Damien Abad lui aurait proposé de se voir un soir de janvier 2011 à Paris. "Je ressentais un risque", a-t-elle témoigné auprès de la police, d'après les informations de Mediapart. Ce soir-là, la plaignante assure avoir vécu une relation sexuelle empreinte "d'irrespect, d'injonction et d'insistance", qu'elle tente d'arrêter avec des "sous-entendus", de l'évitement. Puis la jeune femme affirme avoir subi une pénétration anale imposée, malgré un refus prononcé de manière "affirmée" et "à plusieurs reprises", selon son témoignage. Dans Mediapart, elle accuse également le nouveau ministre d'avoir "réclamé une fellation"Damien Abad confirme auprès de Mediapart avoir été entendu dans le cadre de cette enquête.

Une autre femme affirme avoir été "droguée"

La deuxième femme accusant le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées s'est quant à elle adressée à l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, créé en février par plusieurs initiatrices du collectif #MeTooPolitique. Dans un courrier envoyé le 13 mai à l'organisme, elle "souhaite témoigner des faits de viol concernant Damien Abad, député LR de l'Ain, pressenti pour rejoindre le gouvernement, et investi par Renaissance dans l'Ain". 

La jeune femme raconte à Mediapart qu'elle a rencontré Damien Abad en août 2010, lors d'un mariage d'amis en commun. Débutent alors plusieurs échanges au cours des mois qui suivent. La jeune femme dépeint un élu "intéressant professionnellement" mais "lourd". Elle assure lui avoir expliqué qu’elle ne "voulait pas sortir avec lui".

Lors d'une soirée à l'automne 2010, selon son récit, cette femme retrouve Damien Abad dans un restaurant et un bar parisien. 

"Il propose du champagne, j’ai bu une coupe. Et là, black-out, jusqu’au lendemain matin. Ça ne m’était jamais arrivé, surtout pas après un seul verre."

Une femme accusant Damien Abad de viol

à Mediapart

Elle affirme ensuite s'être réveillée le lendemain matin "dans une chambre d’hôtel proche du bar" avec Damien Abad, "en sous-vêtements", "en état de choc et de dégoût profond" et craint avoir été "droguée""Je me sentais cotonneuse, mon corps était groggy, courbaturé et douloureux, je savais qu’il s’était passé quelque chose de pas normal", se souvient-elle, citée par Mediapart. La jeune femme explique, dans son signalement, qu'elle "demeure profondément affectée par cette expérience".

LREM et Les Républicains ont été alertés

Après la réception de ce courrier, l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique a envoyé son témoignage aux directions de LREM et LR, à la demande de cette femme. "Nous avons transmis le signalement par mail à Stanislas Guerini, Christophe Castaner, Bérangère Couillard et Aurélien Pradié", précise l'organisme à franceinfo. Un signalement envoyé le lundi 16 mai, suivi d'une relance "le 19 pour LREM et le 20 pour LR".

Selon les informations de Mediapart, le signalement adressé aux deux partis est resté sans réponse. Le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale, Christophe Castaner, affirme auprès du site d'investigation n'avoir "rien reçu" et avoir informé le parquet à la suite des sollicitations de Médiapart. Stanislas Guerini, le délégué général de La République en marche, assure quant à lui avoir pris connaissance du courriel de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique samedi dans la matinée, après avoir été interrogé par Mediapart. Du côté des Républicains, le secrétaire général du parti, Aurélien Pradié, répond qu'il n'a pas "consulté la boîte mail sur laquelle cette alerte lui a été adressée". Il assure avoir néanmoins confronté Damien Abad en 2020, à la suite de témoignages "de comportements inappropriés qu’il aurait eus avec des collaboratrices". 

Contacté par franceinfo, le parquet de Paris confirme l'information de Mediapart selon laquelle l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique a également été transmis à la procureure de la République de Paris. "Il est en cours d'analyse", précise le parquet.

Damien Abad réfute ces accusations

Interrogé par le site d'investigation, le nouveau ministre conteste formellement les faits et tient "à affirmer avec force que les relations sexuelles que j’ai pu avoir ont toujours reposé sur le principe du consentement mutuel". Des propos réitérés dimanche dans un communiqué transmis à franceinfo : Damien Abad "conteste avec la plus grande force" les accusations de violences sexuelles le visant. 

"Je conteste avoir exercé quelque forme de contrainte que ce soit sur aucune femme. Je conteste enfin tout abus de pouvoir lié aux fonctions que j'ai occupées."

Damien Abad

dans un communiqué

"Les relations sexuelles que j'ai pu avoir tout au long de ma vie ont toujours été mutuellement consenties", insiste le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées.

Au sujet de la plainte le visant, le député de l'Ain affirme auprès de Mediapart qu'il lui est "impossible physiquement de commettre les actes décrits" en raison de son handicap. Au cours de l'enquête, l'élu a décrit une relation "consentie", affirmant qu'il n'y avait eu "ni violence, ni agressivité, ni une quelconque contrainte morale". Il a concédé d'éventuelles "demandes de [sa] part" au cours du rapport, mais "à aucun moment de contrainte physique ou morale". Quant au témoignage adressé à l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, le ministre assure n'avoir "évidemment jamais drogué qui que ce soit" ni "jamais accompagné de femme sans son consentement". Dans son communiqué, il rejette des propos "inconcevables et abjects".

Elisabeth Borne "n'était pas au courant" 

"Bien évidemment, je n'étais pas au courant." Lors d'un déplacement à Thury-Harcourt, dans le Calvados, la Première ministre Elisabeth Borne a réagi à ces accusations de viol visant le ministre des Solidarités. La cheffe du gouvernement assure avoir "découvert l'article de Mediapart hier". "Je n'ai pas plus d'éléments que le fait que l'affaire a été classée sans suite", a-t-elle poursuivi face à des journalistes.

"Je peux vous assurer que s'il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on tirera toutes les conséquences de cette décision."

Elisabeth Borne, Première ministre

en déplacement dans le Calvados

"Je vais être très claire : sur tous ces sujets de harcèlement, d'agressions sexuelles, il ne peux y avoir aucune impunité", a prévenu la Première ministre. Elisabeth Borne a répété sa volonté de "continuer à agir pour que les femmes, qui peuvent être victimes d'agressions, de harcèlement, puissent libérer leur parole, qu'elles soient bien accueillies pour déposer plainte".

Dans la majorité comme dans l'opposition, des réactions commencent à émerger. Interrogé sur franceinfo, le député LREM de Paris, Gilles Le Gendre, a répondu qu'il fallait "être extrêmement scrupuleux, dans le respect absolu de la parole des victimes éventuelles, et aussi avec le même niveau de scrupule, le respect des procédures et des autorités". "À ce stade je ne suis ni informé ni compétent pour en dire plus", a-t-il affirmé.

De son côté, Julien Bayou, le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, a estimé sur le plateau de "Dimanche en politique", sur France 3, que Damien Abad "n'aurait jamais dû être nommé" car "de ce que je comprends, c'est un secret de polichinelle, son attitude à l'égard des femmes. (...) J'appelle le procureur à se saisir, qu'il puisse y avoir une enquête." Le leader des insoumis, Jean-Luc Mélenchon, s'est à son tour exprimé à ce sujet dimanche, lors du "Grand Jury" RTL-Le Figaro-LCI. "Il y a un signalement qui a été fait à un niveau extrêmement élevé de responsabilités. Ils n'en ont tiré aucune conclusion avant (...) M. Damien Abad pourrait aussi en tirer des conclusions personnelles", a-t-il commenté.

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