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Harcèlement : cinq questions sur les AirTags, ces "mouchards" d'Apple dont l'usage détourné est dénoncé sur les réseaux sociaux

De la taille d'une pièce de monnaie, ces appareils peuvent être cachés dans les affaires d'une personne afin de la suivre à son insu.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 6 min
Un AirTag d'Apple, présenté lors de la sortie de ce produit, le 20 avril 2021, à La Habra, en Californie (Etats-Unis). (JAE C. HONG / AP / SIPA)

Ne pas se fier à leur petite taille. Les AirTags, des gadgets pas plus grands qu'une pièce de monnaie, développés par Apple pour géolocaliser vos affaires, peuvent comporter de gros risques. Depuis leur commercialisation en 2021, des témoignages de femmes victimes de harcèlement ont mis en lumière le rôle de ces objets, détournés de leur usage initial à des fins délictueuses et criminelles. De nouveaux témoignages ont été dernièrement partagés sur les réseaux sociaux. Franceinfo revient sur ce phénomène et sur les moyens de s'en préserver. 

Comment fonctionnent ces traceurs très critiqués ?

Qui n'a jamais pesté comme un trousseau de clés introuvable ou craint que son sac ne soit dérobé dans la soute d'un autocar. Conçus à l'origine pour les étourdis et les anxieux, les AirTags permettent de suivre en temps réel les objets sur lesquels ils sont collés, grâce à la technologie Bluetooth qui relie le petit traceur à l'application "Localiser" du smartphone.

Toutefois, dès sa sortie en 2021, des internautes ont raconté sur les réseaux sociaux être victimes d'usages détournés du gadget. En novembre 2021, une internaute avait fait beaucoup réagir après avoir publié une vidéo sur TikTok dans laquelle elle assurait avoir été suivie d'un bout à l'autre des Etats-Unis, sans parvenir à mettre la main sur le mouchard ou à le désactiver. Début 2022, la top-modèle américaine Brooke Nader avait raconté sur Instagram avoir retrouvé un AirTag dans la poche de son manteau après une sortie dans un bar de New York.

En France, une internaute a raconté à son tour, lundi sur Twitter, avoir été suivie à Paris via ce mode opératoire. "Faites méga attention avec les AirTags, on m'en a mis un dessus dans le 16e [arrondissement] il y a quelques jours, et là, c'est ma pote qui vient d'en retrouver un sur elle en rentrant de la salle de sport", a-t-elle écrit.

Comment savoir si l'on est suivi ? 

Les personnes visées racontent avoir reçu une notification sur leur propre téléphone (de type iPhone, commercialisé par Apple) leur expliquant qu'un appareil étranger était en train de suivre leurs déplacements depuis un certain temps. "Apple a envisagé cet usage de son gadget et a donc mis en place des procédures de protection, rapportait le site d'information Slate en juillet 2021. Si cela fait plus de huit heures que l'AirTag n'a pas été à proximité de son iPhone référent, il se met à biper pendant quinze secondes, prévenant ainsi de sa présence". 

Sur son site, Apple explique la marche à suivre pour activer cette fonctionnalité, l'un de celles "créées spécifiquement pour empêcher quiconque de vous suivre à votre insu." Problème : elle n'est disponible que sous iOS ou iPadOS 14.5 et ses versions ultérieures, excluant les appareils anciens, selon deux femmes qui ont porté plainte contre Apple en Californie.

Il arrive aussi que cette fonctionnalité soit défaillante, comme en a témoigné Alison Carney, en juin 2022. La chanteuse américaine, qui s'est confiée à l'AFP en février, affirme n'avoir jamais reçu l'alerte du constructeur. En découvrant l'AirTag dans son sac, elle a alors compris comment son ex-partenaire était capable de faire irruption chez elle au milieu de la nuit ou encore de la surprendre au restaurant sans qu'elle ne l'ait informé de ses plans.

Quant aux détenteurs et détentrices de téléphones Android, ils ne peuvent détecter le mouchard qu'à condition de télécharger l'application Détection des traqueurs, capable de localiser un AirTag ou un accessoire du réseau Localiser qui se déplacerait avec vous sans son propriétaire. Mais cela sous-entend de réaliser soi-même la démarche. "Apple s'attend-il à ce que les utilisateurs d'Android passent leurs journées à vérifier constamment qu'ils ne sont pas suivis ?", a déploré Albert Cahn, chercheur à l'université Harvard et directeur général du Surveillance Technology Oversight Project, cité par l'AFP.

Comment réagir si cela vous arrive ? 

Matthieu Audibert, gendarme et doctorant en droit privé et sciences criminelles, a détaillé mardi dans un fil Twitter la marche à suivre. "Si vous en découvrez un placé sur vous, ne le jetez pas, n'enlevez pas la pile. Si vous êtes chez vous, sortez rapidement et allez déposer plainte", suggère-t-il. "Il est possible de remonter jusqu'au propriétaire", ajoute-t-il, tout en précisant que ce type de fait peut constituer une infraction définie par l'article 226-1 du Code pénal.

L'article en question, en vigueur depuis l'été 2020, explique qu'une personne "captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d'une personne sans le consentement de celle-ci" s'expose à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, au motif que ce geste porte atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui. "Lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime (...) les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende."

Sur son site internet, Apple rappelle que la désactivation du réseau Localiser de l'appareil, du Bluetooth ou du service de localisation de l'iPhone "n'empêchera pas le propriétaire de l'AirTag, des AirPods ou de l'accessoire du réseau Localiser de voir l'emplacement de cet accessoire ou de cet AirTag". Seule la désactivation de l'AirTag le permet.

Est-il possible d'identifier la personne qui vous suit ? 

Oui, à condition de disposer du numéro de série de l'AirTag. Or, pour ce faire, il faut impérativement rester connecté à l'appareil qui vous traque. En clair, il faut dès que possible se rendre dans un commissariat de police. "Un AirTag peut se déconnecter à distance et si c'est le cas, impossible de savoir qui en est le propriétaire", souligne la journaliste de France inter Manon Mariani, dans une chronique consacrée à la difficulté de traiter ce genre de cas. Si l'appareil a été déconnecté, le dépôt d'une plainte permettra cependant la recherche auprès d'Apple de l'identité du propriétaire du compte attaché à l'AirTag retrouvé, à l'aide du fameux numéro de série.

"Si le numéro du détenteur de l'AirTag est enregistré dans votre répertoire, vous aurez accès à son identité", mentionne par ailleurs Manon Mariani. Il est en effet fréquent que l'AirTag ait été caché par une personne de son entourage, a relevé en février Robert Reeves, porte-parole de la police dans la petite ville texane d'Irving, au nord de Dallas. Interrogé après une nouvelle affaire, il précisait à l'AFP que son commissariat avait déjà traité différentes affaires concernant l'accessoire et où la victime connaissait son suiveur.

Dans l'Indiana, une femme est accusée d'avoir tué son petit ami après avoir traqué sa position grâce à un AirTag, le suspectant de la tromper, selon des documents de justice consultés par l'AFP et comme l'a relaté notamment la chaîne américaine ABC. Du côté du Royaume-Uni, un homme jaloux a été condamné à neuf semaines de prison pour avoir caché un AirTag dans la voiture de son ex-compagne pour l'espionner et la harceler, a rapporté en août 2022 le Daily Mail.

Comment les fabricants répondent-ils à ces dérives ?

Face à ces problèmes de sécurité des personnes, Apple et Google ont proposé, le 2 mai, un nouveau standard technique permettant d'harmoniser les spécificités des balises Bluetooth d'autres entreprises, afin d'alerter les personnes suivies quel que soit le système d'exploitation de leur smartphone.

Samsung, Tile et d'autres fabricants de gadgets similaires "ont fait part de leur soutien" à ce standard industriel, d'après un communiqué joint d'Apple et Google. Reconnaissant que ces dispositifs en Bluetooth "peuvent aussi potentiellement servir à suivre des personnes à leur insu", Dave Burke, vice-président chargé de l'ingénierie d'Android, cité dans le communiqué, pointe un problème "qu'il revient à toute l'industrie de résoudre"

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