Que contient le pacte sur la migration et l'asile adopté par le Parlement européen ?
Dernière ligne droite pour des négociations qui ont débuté il y a plus de trois ans. La réforme de la politique migratoire européenne, qui durcit le contrôle des arrivées de migrants dans l'Union européenne (UE) et prévoit un système de solidarité entre Etats membres pour l'accueil des demandeurs d'asile, a été adoptée par les eurodéputés, mercredi 10 avril. Le Parlement européen et les Vingt-Sept étaient déjà parvenus à un accord de principe en décembre.
Les élus européens ont validé définitivement dix textes formant ce "pacte sur la migration et l'asile", basé sur une proposition de la Commission en septembre 2020, alors que les demandes d'asile dans l'UE ont atteint 1,14 million en 2023, soit leur plus haut niveau depuis 2016. Après le vote des eurodéputés, le texte devra être formellement validé par le Conseil de l'UE, avant d'entrer en vigueur courant 2026. Franceinfo fait le point sur les axes majeurs de cette vaste réforme.
Des contrôles aux frontières renforcés
Le pacte prévoit une procédure accélérée pour examiner des demandes d'asile, à proximité des frontières extérieures, via un système de "filtrage" obligatoire et préalable à l'entrée d'un migrant dans l'UE. Ce processus vise à déterminer dans un délai de cinq jours si le requérant doit faire l'objet d'une procédure de retour – par exemple s'il s'est déjà vu refuser l'asile – ou s'il peut effectivement faire une demande.
Cette vérification comprendra une identification, des contrôles de santé et de sécurité, ou encore le relevé des empreintes digitales qui doit alimenter la base de données Eurodac, précise le Conseil de l'UE. Le champ de cette base de données a été élargi et s'applique désormais aux enfants dès l'âge de 6 ans. Outre ceux demandant l'asile, ce filtrage concernera également les personnes secourues en mer ou interpellées après avoir franchi illégalement les frontières extérieures de l'UE.
Pour prendre leur décision au moment du filtrage, les Etats membres pourront prendre en compte la notion de "pays tiers sûr" pour y renvoyer un demandeur d'asile. Ils pourront juger un dossier irrecevable parce que le demandeur est passé par un pays tiers considéré comme "sûr", où il aurait pu déposer une demande de protection. Il faut cependant qu'il y ait un "lien" suffisant entre la personne concernée et ce pays tiers – sans que ce lien soit clairement défini dans le texte.
Les Etats membres devront mettre en place un mécanisme indépendant de contrôle du respect des droits fondamentaux durant le filtrage. Il devra permettre de vérifier le respect du principe de non-refoulement (qui interdit à un pays accueillant des demandeurs d'asile de les renvoyer dans un pays où ils risquent probablement d'être persécutés) et des règles nationales en matière de rétention, lorsque celles-ci sont appliquées au cours du filtrage.
Une procédure spécifique à la frontière
Les migrants dont la procédure d'asile est jugée recevable après le filtrage, mais qui ont statistiquement le moins de chances d'obtenir une protection internationale, seront orientés vers une "procédure à la frontière". Cette mesure concerne les ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié est, en moyenne dans l'UE, inférieur à 20% (comme le Maroc, la Tunisie et le Bangladesh). Les mineurs non accompagnés faisant courir "un risque à la sécurité" et les familles avec enfants seront aussi concernés.
La durée de cette procédure est de douze semaines pour l'examen de la demande, à laquelle peuvent s'ajouter douze semaines pour la procédure de renvoi, soit six mois maximum au total. La procédure impliquera vraisemblablement une détention mais, selon l'eurodéputée française Fabienne Keller, rapporteure pour ce texte, des mesures alternatives de restriction de libertés sont aussi possibles. Pour mettre en place la procédure, il est prévu de créer 30 000 places dans des centres dédiés, afin d'accueillir à terme jusqu'à 120 000 migrants par an. L'ONG Oxfam a dénoncé un "accord portant sur plus de détentions, notamment d'enfants et de familles, dans des centres de type carcéral".
Une plus grande solidarité entre Etats membres pour accueillir des réfugiés
Jusqu'à présent, la politique migratoire européenne était fondée sur le texte Dublin III. Il prévoit que les réfugiés déposent leur demande d'asile dans le premier pays de l'UE qu'ils atteignent. Mais ce règlement a pour conséquence de faire peser les demandes d'asile sur les pays du sud de l'Europe où arrivent majoritairement les migrants du Proche-Orient, d'Asie ou d'Afrique. Pour y remédier, le pacte sur la migration et l'asile maintient ce système, mais y ajoute un mécanisme de solidarité obligatoire.
Les autres Etats membres devront contribuer à la charge des pays d'entrée en s'occupant des demandeurs d'asile par le biais de relocalisations, ou en apportant un soutien financier. Le Conseil de l'UE prévoit au moins 30 000 relocalisations par an de demandeurs d'asile, un chiffre néanmoins très faible comparé aux quelque 490 000 demandes d'asile acceptées dans l'UE en 2023, rappellent Les Echos. La compensation financière prévue pour les pays membres refusant les relocalisations est de 20 000 euros pour chaque demandeur d'asile.
Un mécanisme spécifique en cas de crise migratoire
L'une des dispositions de la réforme européenne prévoit une réponse en cas d'afflux massif et exceptionnel de migrants dans un Etat de l'UE, comme au moment de la crise des réfugiés, notamment syriens, en 2015. Le mécanisme de solidarité des Vingt-Sept en faveur de l'Etat concerné sera alors plus rapidement déclenché et un régime dérogatoire, plus dur pour les demandeurs d'asile que dans les procédures habituelles, sera mis en place.
Ce mécanisme prévoit notamment la prolongation de la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE, jusqu'à neuf mois au lieu de six. Les procédures d'examen des demandes d'asile pourront également être plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés, afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Ce mécanisme de crise s'applique aussi aux situations d'"instrumentalisation", dans le cas où un "pays tiers ou un acteur non étatique" utilise la migration pour déstabiliser un pays de l'UE. Il ne s'agit "en aucun cas de cibler" les organisations assurant des sauvetages de migrants en mer, a néanmoins assuré l'eurodéputé espagnol Juan Fernando Lopez Aguilar, rapporteur du texte.
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