: Reportage "Le droit n'est pas respecté" : pourquoi les Centres de rétention administrative français sont pointés du doigt par une association de défense des étrangers
Elle fait valoir son droit de visite parlementaire. Esther Benbassa, sénatrice écologiste non-inscrite, est venue sonder les personnes retenues au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne. Soutenus par plusieurs députés et sénateurs, les juristes de la Cimade, association de défense des étrangers, ont choisi de se retirer de ce CRA. "Il paraît que la nourriture n'est pas suffisante ?", demande l'élue. "Ce n'est pas suffisant et on ne peut pas en ramener avec nous dans la cellule, explique un étranger, retenu dans le CRA. On ne peut même pas faire rentrer du café ou du sucre. Quand je suis arrivée, je faisais 84 kilos, là, je suis à 60 et quelques."
"Comme je l'ai expliqué, la restauration n'est pas gérée par la police nationale", se défend le commissaire Davy Abreu, adjoint au directeur de ce CRA, le plus gros centre de rétention administrative de France qui peut accueillir jusqu'à 120 personnes. "La restauration est du fait de la société prestataire et donc, en fait, ce sont les mêmes plateaux qui arrivent dans les écoles", poursuit le commissaire. "Ils sont petits dans les écoles, là, ce sont des grands gaillards", réagit Esther Benbassa qui doute que des repas pour écoliers suffisent.
Cette question de la restauration crée "des tensions et des bagarres tous les jours", raconte l'étranger qui alerte sur l'hygiène : "Vous pouvez aller voir, je vous montre les toilettes, mais je ne rentre pas. Vous avez peur, c'est un film d'horreur !" "En fait, c'est bouché tous les jours", explique le commissaire. Les sanitaires, ce jour-là, sont toutefois impeccables, même si les responsables affirment que cela n'a pas été nettoyé exprès : "Comment je pouvais savoir que vous alliez venir aujourd'hui ?"
"Notre mission n'a plus de sens"
Mais dans ce centre - au-dessus duquel passent sans cesse les avions de Roissy - la Cimade dénonce aussi la présence de personnes normalement protégées par la loi, comme une Malienne, en France depuis huit ans, et mère de deux enfants nés sur le sol français : "Je dois partir sans mes enfants, une fille de 8 ans et une fille de 7 ans. Ce n'est pas normal ! La Dass me les a récupérés parce que je suis en situation régulière et en même temps, la juge m'a ordonné de quitter le territoire."
"Je ne peux pas partir sans mes enfants, c'est ma chair !"
Une Malienne retenue au CRA du Mesnil-Amelotà franceinfo
Des situations inacceptables pour la Cimade, qui souhaite la fermeture de l'ensemble de ces sites de rétention. "Les préfectures n'examinent plus du tout la situation des personnes avant de leur délivrer une Obligation de quitter la France (OQTF) parce qu'ils ont l'aval d'un gouvernement qui est obsédé par faire du chiffre et qui veut délivrer des OQTF, dénonce Louise Lecaudey, responsable régionale de la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot. On estime que vraiment, notre mission n'a plus de sens parce que le droit n'est pas respecté ici."
Les préfectures examinent bien les dossiers avant de délivrer une OQTF, se défend le ministère de l’Intérieur, pour qui l’éloignement des étrangers causant des troubles à l’ordre public est officiellement une "priorité". De nouvelles mesures pour lever les protections contre l’éloignement des étrangers figureront d’ailleurs dans le projet de loi sur l’immigration, qui sera étudié fin mars par les sénateurs.
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