Reportage Projet de loi immigration : "C'est une catastrophe", s'indigne la communauté de l'enseignement supérieur

La loi immigration adoptée mardi prévoit notamment l'instauration, dans les universités et grandes écoles, de quotas d'accueil d'étudiants venant d'autres pays. C'est l'un des points dénoncés par le monde de l'enseignement supérieur.
Article rédigé par franceinfo
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Des étudiants dans un amphithéâtre de l'université de Bourgogne, dans la Nièvre, le 13 septembre 2019. (PIERRE DESTRADE / MAXPPP)

"C'est un abattement, une grande tristesse et puis une incompréhension totale des intentions", assure Alexis Michel, l'un des représentants des écoles d'ingénieurs. Présidents d'universités, de grandes écoles de commerce et d'ingénieurs partagent la même position, et c'est assez rare pour le souligner, sur la loi immigration adoptée mardi 19 décembre. Plusieurs points concernant les étudiants étrangers ont entraîné un tollé dans la communauté de l'enseignement supérieur, à tous les niveaux. Il y a notamment la création d'une "caution retour", qui serait rendue à condition que la personne retourne dans son pays, après ses études. Il y a aussi l'instauration de quotas pluriannuels d'accueil qui pourraient réduire le nombre de jeunes venant d'autres pays dans les universités et écoles françaises.

"Pour nous, c'est le sentiment d'une trahison et d'une méconnaissance de ce que nous sommes, de ce que nous faisons", explique Alexis Michel. Dans les écoles d'ingénieurs françaises, un étudiant sur cinq vient d'un autre pays. La proportion monte à un sur trois dans certaines villes, avec des jeunes venant d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Inde. 

Cette nouvelle loi immigration va réduire leur nombre, ce qui met en péril le redressement industriel pourtant voulu par le gouvernement, selon ce représentant des écoles d'ingénieurs : "Réindustrialiser, réinstaller des activités en France, cela veut dire avoir des talents, des cadres, des personnes qui sont formées pour pouvoir les porter". 

"On nous demande de former 15 000 ingénieurs supplémentaires par rapport à ce que nous faisons aujourd'hui par an. Et bien ils ne viendront pas."

Alexis Michel, l'un des représentants des écoles d'ingénieurs

à franceinfo

Cet avis est partagé dans les facultés. "40% de nos doctorants en France sont des étudiants internationaux, indique Guillaume Gellé, qui dirige France Universités, l'instance qui rassemble leurs dirigeants. Et à l'heure de la compétition internationale en matière de recherche, on lutte pour rester au meilleur niveau de la compétition internationale. Risquer de se priver de ces étudiants, c'est aussi un risque de déclassement. On trouve donc qu'il y a une forme de contradiction entre un pays qui veut être attractif et qui veut rayonner, et une loi qui va forcément avoir des effets négatifs sur ces différents volets". 

Les universités réfléchissent à des actions communes avec les associations étudiantes. Maé Bouteille, de la Fage, le premier syndicat étudiant, dénonce la fameuse caution qui sera demandée aux jeunes internationaux, qui risque selon elle de les précariser encore plus. Mais elle craint aussi les contrôles plus réguliers, même pour les jeunes qui ont un visa pluriannuel.

"Ce qu'on voit au quotidien, parce qu'on a un guichet de défense des droits à la Fage, c'est qu'on a énormément d'étudiants qui nous appellent parce que le labyrinthe administratif français est un enfer pour les étudiants étrangers. Et là, on va encore donner un coup de plus à ces étudiants étrangers sur le plan administratif. C'est une catastrophe", souligne Maé Bouteille. Des syndicats étudiants sont également très inquiets des enjeux politiques autour de cette loi et dénoncent des compromis réalisés avec l'extrême droite. 

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