Info franceinfo Scandale des crèches privées : des documents démontrent "l'entente" entre Aurore Bergé et la Fédération française des entreprises de crèches

Invité de franceinfo, le journaliste Victor Castanet, qui accuse l'ex-ministre d'avoir tenté d'empêcher la tenue d'une commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements des crèches privées, a présenté des documents qui, selon lui, démontrent qu'Aurore Bergé a voulu "étouffer l'incendie".
Article rédigé par franceinfo
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Victor Castanet, journaliste indépendant, auteur du livre-enquête "Les Ogres" (éditions Flammarion) qui révèle des dérives des crèches privées, le 3 octobre 2024 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"J'ai un grand nombre à la fois d'enregistrements et de documents. J'ai décidé d'en rendre [certains] publics" : invité de franceinfo, jeudi 3 octobre, Victor Castanet, auteur du livre-enquête Les Ogres, confirme, documents à l'appui, "l'entente" entre Aurore Bergé, députée Ensemble pour la République et ancienne ministre des Solidarités et des Familles, et Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches, pour "étouffer l'incendie et s'épargner mutuellement" sur le scandale des crèches privées.

Victor Castanet reproche à la ministre d'avoir tenté d'empêcher la tenue d'une commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements des crèches privées. Aurore Bergé voulait "éviter un scandale", assure-t-il. Dans son enquête parue chez Flammarion le 18 septembre, le journaliste d'investigation décrit la "voracité" de certains groupes de crèches privées, mais fait également état d'une entente qui aurait été conclue entre l'ex-ministre des Solidarités et des Familles (juillet 2023-janvier 2024) et la déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC) Elsa Hervy.

Le journaliste d'investigation a fourni certains de ces documents à franceinfo, des échanges de conversations WhatsApp ou de mails entre le cabinet de l'ex-ministre des Solidarités et des familles et Elsa Hervy, déléguée générale de la FFEC.

"Une copine" qui sera "très aidante"

Interrogée lundi 1er octobre sur franceinfo sur d'éventuelles relations d'amitié avec Elsa Hervy, Aurore Bergé a assuré qu'elle entretenait des relations "professionnelles" et non "amicales" avec la représentante du lobby des crèches privées, Elsa Hervy. "Quand vous êtes ministre, votre travail, c'est de discuter avec celles et ceux qui ont un avis, une position. Ça ne veut pas dire que vous épousez leur position", a-t-elle souligné. Elsa Hervy, la représentante des crèches privées, avait de son côté indiqué le 21 septembre qu'elle avait pu "échanger directement" avec Aurore Bergé, "comme la ministre l'a fait avec d'autres acteurs", mais elle avait démenti avoir passé le moindre "pacte".

Or, dans les documents obtenus par Victor Castanet que franceinfo révèle, comme cet échange de mails le 1er août 2023 entre Aurore Bergé et sa directrice de cabinet au ministère, l'ex-ministre parle d'Elsa Hervy comme d'"une copine" : "Elle sera très aidante pour moi". La directrice de cabinet estime que celle-ci "s'assagit", alors qu'elle était très critique à l'endroit de l'ancien ministre, Jean-Christophe Combe. Au début de cet échange de mails, Elsa Hervy informait le cabinet de la ministre qu'elle avait accordé un entretien aux Echos et qu'elle y disait soutenir Aurore Bergé, qui lui semblait être "très énergique et volontaire" et "une chance pour le secteur".

Echange de mails entre Aurore Bergé et son cabinet, où la ministre qualifie Elsa Hervy de "copine" qui sera "très aidante", en réponse à sa directrice de cabinet, Constance Bensussan, qui estime que celle-ci "s'assagit". (VICTOR CASTANET / FRANCEINFO)

Un mois plus tard, début septembre 2023, sur cette autre capture d'écran fournie par Victor Castanet à franceinfo, Elsa Hervy demande via WhatsApp des renseignements au cabinet de la ministre et dit "obéir" au ministère quant à un plan de communication mis en place entre les deux parties, juste avant la publication de plusieurs livres dénonçant les dérives du secteur. 

Victor Castanet, auteur du livre Les Ogres confirme, documents à l'appui, "l'entente" entre Aurore Bergé, députée Ensemble pour la République, et Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches, pour "étouffer l'incendie et s'épargner mutuellement" sur les crèches privées. (CAPTURE D'ECRAN WHATSAPP / VICTOR CASTANET / FRANCEINFO)

Enfin, dans un troisième échange sur WhatsApp, cette fois en octobre 2023, des collaborateurs d'Aurore Bergé découvrent, en affichant des émojis d'inquiétude, un communiqué de la Fédération des crèches privées qui soutient Aurore Bergé, qui vient alors de faire des annonces. La ministre parle alors des membres du lobby du secteur comme ses "meilleurs alliés".

Selon Victor Castanet, certains de ces collaborateurs, qui communiquent ici en discussion privée, ne cachent pas leurs inquiétudes. Certains d'entre eux vont, par la suite, démissionner de leurs postes, glissant à Victor Castanet avoir eu l'impression de répondre aux intérêts de la fédération, et non plus à l'intérêt public.

Selon les documents fournis par Victor Castanet, les acteurs du secteur des crèches privés auraient eu des contacts réguliers avec Aurore Bergé et son cabinet ministériel. (CAPTURE D'ECRAN WHATSAPP / VICTOR CASTANET / FRANCEINFO)

Plainte pour diffamation

La désormais députée Ensemble pour la République des Yvelines a annoncé lundi sur franceinfo avoir déposé "plainte pour diffamation", après les révélations de Victor Castanet. "J'ai changé la loi pour que les grands groupes soient contrôlés, souligne l'ancienne ministre. Le reste, c'est de la rumeur et de la diffamation. Je n'ai pas menti !".

A la suite de la publication de l'enquête de Victor Castanet, les députés du groupe Ecologiste et Social ont demandé le lancement à l'Assemblée nationale d'une procédure pour "parjure" contre Aurore Bergé. Sur franceinfo, Aurore Bergé s'en est défendu, assurant qu'elle n'avait eu aucun contact avec le lobby des crèches privées. "En aucun cas, je n'ai menti dans une commission d'enquête, en aucun cas, je ne me suis parjurée", assure l'ancienne ministre, qui dément "catégoriquement ces allégations basées sur les dires d'adversaires politiques".

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