Procès Outreau : à la barre, Jonathan Delay s'accroche à ses "images" de Daniel Legrand
Le fils de Myriam Badaoui et de Thierry Delay, reconnu victime de viols par ses parents et deux personnes dans ce dossier, a mis en cause pour la première fois Daniel Legrand, lors de la deuxième journée du procès de l'accusé.
Il attend ça "depuis dix ans". Mais l'épreuve a été rude. Jonathan Delay a été entendu par la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine, mercredi 20 mai. Il s'est constitué partie civile au procès de Daniel Legrand, accusé de l'avoir violé, lui et ses trois frères, Chérif, Dimitri et Dylan. L'accusé avait été acquitté des mêmes faits en 2005. Mais seulement pour la période après sa majorité.
L'enfant-martyr, reconnu victime de quatre adultes (dont ses parents, Myriam Badaoui et Thierry Delay) dans l'affaire d'Outreau, est devenu un jeune homme de 21 ans. Chevelure brune bouclée, bouille ronde aux yeux rieurs et veste de complet grise, il s'avance à la barre. Sa voix est douce, hésitante. Mais il entre rapidement dans le vif du sujet : Daniel Legrand fait partie des gens qui ont abusé de lui. "Je sais qu'il était là, je peux l'assurer, je ne suis pas là devant vous pour mentir", explique-t-il doctement au président, Philippe Dary.
Des "images, pas des souvenirs"
La cour retient son souffle. Peut-il en dire plus ? "J'ai certaines images où je le vois chez mes parents. C'est tout, malheureusement, ce que je peux vous dire." "Ces images, vous les avez en tête depuis combien de temps ?" reprend le magistrat. "Depuis toujours." Daniel Legrand le regarde, interloqué, fait non de la tête, cherche du regard des soutiens dans la salle.
C'est la première fois que Jonathan Delay met nommément en cause Daniel Legrand dans ce dossier. Et qu'il le reconnaît comme faisant partie de ses agresseurs. Pendant l'enquête et lors des deux premiers procès, il ne l'avait jamais reconnu, ni sur photo ni à l'audience. Comment explique-t-il ce revirement ? Difficilement. "Il était là", se contente-t-il de répondre.
"Je ne mens pas"
La défense le met en difficulté sur ces "images" qui ne sont pas des "souvenirs". Mais l'attaque la plus directe vient de l'avocat général, qui a trois hypothèses : "Soit c'est vrai, et vous avez des réminiscences tardives. Soit c'est faux, Daniel Legrand ne vous a jamais agressé, mais vous avez des souvenirs reconstruits. Ou alors c'est faux, vous le savez et vous mentez pour obtenir la condamnation du seul qui peut voir son acquittement remis en cause. Une aubaine juridique en quelque sorte." "Je ne mens pas", soutient Jonathan Delay. "Je ne serais pas venu ici si je n'avais rien à lui reprocher", ajoute-t-il.
Le garçon, sourd de l'oreille gauche après avoir été frappé par son père, est légèrement penché pour entendre les questions. Quand le président l'interroge sur les autres acquittés du dossier (13 au total), il se braque et demande une suspension d'audience. Eprouvé, il demandera plusieurs pauses. Jonathan Delay est là pour Daniel Legrand et lui seul. Il veut le faire savoir. Les autres ? Ils ont été "acquittés" ou il ne se souvient plus. Il avait pourtant mis en cause certains d'entre eux à l'époque.
L'un des six avocats de Daniel Legrand, Hugues Vigier, résume : "Vous n'avez pas de souvenirs pour des gens que vous avez mis en cause à l'époque, mais vous en avez pour le seul que vous n'avez jamais mis en cause à l'époque."
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