Affaire Sophie Le Tan : ce que l'on sait de la disparition de la jeune étudiante en Alsace
La femme de 20 ans, étudiante à l'Université de Strasbourg (Bas-Rhin), est portée disparue depuis le 7 septembre.
Ils se sont donné rendez-vous à 9 heures, jeudi 20 septembre, dans l'espoir de retrouver d'éventuelles traces de Sophie Le Tan. Toute la matinée, des habitants du Bas-Rhin ont fouillé les abords du plan d'eau de la Ballastière, au nord de Strasbourg (Bas-Rhin). Cette jeune femme de 20 ans, étudiante en économie et gestion à l'Université de Strasbourg, est introuvable depuis treize jours. Elle n'a plus été vue depuis la visite d'un appartement ce matin-là, en banlieue strasbourgeoise.
Dans quelles circonstances Sophie Le Tan a-t-elle disparu ? Qui est le principal suspect et comment l'enquête avance-t-elle ? Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de l'affaire.
Une disparition tout de suite considérée comme "très inquiétante"
L'étudiante a disparu le matin du 7 septembre à Schiltigheim (Bas-Rhin), une commune située en banlieue de Strasbourg. Selon Le Parisien, Sophie Le Tan s'est rendue dans cette ville seule ce matin-là, afin de visiter un appartement. Elle n'a plus donné signe de vie depuis.
Dès le signalement de la disparition, la justice et les enquêteurs ont "acquis la conviction" que celle-ci était "très inquiétante", a souligné la procureure de la République de Strasbourg, Yolande Renzi, au cours d'une conférence de presse mardi.
Afin de localiser Sophie Le Tan, les enquêteurs ont lancé des recherches dans "un rayon très large", a indiqué Christophe Allain, directeur régional de la police judiciaire du Grand Est. A l'aide d'appels à témoins, d'enquêtes de voisinage, de recherches avec "un certain nombre de chiens" mais aussi d'analyses de communications téléphoniques, les enquêteurs ont été amenés à s'intéresser à Jean-Marc Reiser, un habitant de Schiltigheim âgé de 58 ans. Ce dernier a été arrêté samedi soir au volant de sa voiture, dans la périphérie de Strasbourg.
Un suspect mis en examen, des traces de sang retrouvées dans son appartement
Plusieurs éléments décisifs de l'enquête ont conduit, mardi, à la mise en examen du suspect pour assassinat, enlèvement et séquestration à Strasbourg, dix jours après la disparition de Sophie Le Tan.
Selon Christophe Allain, Jean-Marc Reiser avait déjà tenté d'attirer deux jeunes filles "dans un piège fatal" à Schiltigheim, dans ce même appartement que Sophie Le Tan devait visiter. Le suspect aurait tenté de piéger ces jeunes filles à l'aide d'annonces immobilières publiées sur internet. Elles étaient venues accompagnées et Jean-Marc Reiser n'était finalement jamais apparu, selon France 3.
Pour ne pas se faire remarquer, il restait très flou sur la localisation de l'appartement. Le seul but était de les attirer sur son territoire de chasse, [utilisant] des moyens de téléphonie permettant de garantir l'anonymat.
Christophe Allain, directeur régional de la police judiciaire du Grand Estlors d'une conférence de presse
Une perquisition dans l'appartement du suspect a ensuite révélé "l'existence de traces de sang, malgré manifestement un nettoyage en profondeur et très récent des lieux", a dévoilé Yolande Rezi mardi, lors de cette même conférence de presse. Du sang, dont l'ADN a été "attribué à Sophie Le Tan", a-t-elle révélé. "Au vu de ce nouvel élément d'enquête", la justice a décidé de poursuivre le suspect pour "assassinat", en plus des premiers chefs d'"enlèvement" et de "séquestration".
Les enquêteurs ont par ailleurs découvert un deuxième ADN féminin inconnu dans l'appartement, a indiqué une source proche de l'enquête à franceinfo. Ils ont notamment trouvé un cheveu, précise une source policière à France 3. Les enquêteurs de la police judiciaire de Strasbourg ne savent pas pour le moment à qui appartient ce nouvel ADN. Vendredi, l'ambassade du Nigéria a affirmé à France 2 qu'une jeune étudiante nigériane que des voisins avaient affirmés avoir vue séjourner chez Jean-Marc Reiser en mai 2018, était bien vivante. On n'ignore si c'est à elle qu'appartient le deuxième ADN.
Le suspect condamné pour deux viols en 2003
Jean-Marc Reiser est un suspect aux lourds antécédents judiciaires. Ce fils de forestier alsacien, selon Le Parisien, a étudié à l’Institut régional d’administration (IRA) de Bastia (Haute-Corse). Il est aujourd'hui inscrit à l'Université de Strasbourg et sans profession. Il vit seul mais a une amie, selon les enquêteurs. Lors de sa garde à vue, il "a fait le choix de ne répondre à aucune question" sur la disparition de la jeune femme, a expliqué la procureure de la République de Strasbourg.
Le suspect a été condamné en appel en mai 2003 à quinze ans de réclusion criminelle pour deux viols – dont un aggravé sous la menace d'une arme – en 1995 et 1996. Jean-Marc Reiser avait été interpellé en 1997, lors d'un contrôle de routine des douaniers. Ces derniers avaient découvert dans sa voiture un arsenal d'armes de poing, un fusil à pompe, mais également des cagoules et stupéfiants, ainsi que des photos pornographiques. Interrogé par Le Parisien, l'avocat Eric Braun, qui le défendait à l'époque, évoque des photos de femmes "nues, endormies ou mortes" dans le coffre de son véhicule.
A l'été 2000, Jean-Marc Reiser avait tenté de s'enfuir du palais de justice de Besançon (Doubs), lors d'une audience de la cour d'appel examinant sa demande de mise en liberté. Il avait été condamné pour cela à huit mois de prison ferme. L'année suivante, l'homme a été acquitté dans une autre affaire, la disparition d'une jeune femme de 23 ans, représentante de commerce, en 1987 à Strasbourg. Jean-Marc Reiser a été le dernier client à lui rendre visite et son corps n'a jamais été retrouvé, rapportent Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
Au-delà de son passé judiciaire, c'est également le "profil" de Jean-Marc Reiser qui a attiré l'attention des enquêteurs, selon la procureure Yolande Rezi. Plusieurs voisins du suspect évoquent, auprès du Parisien, un "homme solitaire", "autoritaire et taciturne", voire "étrange".
Il vous fixait du regard jusqu'à vous mettre mal à l’aise.
Une voisine de Jean-Marc Reiserau "Parisien"
D'après Les Dernières Nouvelles d'Alsace, certains de ses ex-collègues d'Inter Mutuelles Habitat (IMH) le qualifiaient de "vieux pervers", en 2010 et 2011. L'une d'elles raconte au journal régional que Jean-Marc Reiser n'était "pas très assidu au travail" et "avait un regard bizarre". Il avait, dit-elle, une façon "étrange de toujours vouloir coller les jeunes filles".
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