: Vidéo Naufrage du "Bugaled Breizh" : quand l'épave renflouée livre une partie de ses secrets
Banal accident de pêche ou accrochage avec un sous-marin ? En 2016, la justice se refusait à trancher et classait l'affaire du "Bugaled Breizh". Le mystère du naufrage du chalutier breton en 2004 reste non élucidé, laissant les familles des disparus soupçonner un scandale d'Etat... Cet extrait du magazine "Affaires sensibles" retrace les débuts de l'enquête. Comment le bateau a-t-il pu être entraîné par le fond en moins d'une minute, avec ses cinq marins ?
Le 15 janvier 2004, au large du cap Lizard, en Cornouailles, au sud de l'Angleterre, la météo est "carrossable", c'est-à-dire correcte dans le vocabulaire des marins. Le Bugaled Breizh est solide, son équipage compétent et expérimenté. Pourtant, à 12h25, le chalutier breton est subitement emporté vers le fond avec ses cinq marins. Deux corps seulement sont repêchés. Que s'est-il passé ?
Très vite, une rumeur monte à Loctudy, le port d'attache du chalutier dans le Finistère : et si le responsable de ce naufrage était un sous-marin ? L'hypothèse n'a rien de fantaisiste : onze "croches" de sous-marins avec des bateaux de pêche (qui n'ont pas fait de victimes) ont par exemple été recensées entre 1970 et 1991. Le matin de l'accident, un hélicoptère de la marine britannique équipé d'un sonar a été vu survolant la zone ; lors des recherches, un submersible a été photographié en surface... Et le lendemain, la préfecture maritime de Brest révèle la tenue d'un exercice de lutte anti-sous-marine organisé par l'Otan. Nom de code : Aswex 04.
La (fausse) piste du cargo voyou
Un premier rebondissement va pourtant orienter les soupçons ailleurs. Un chasseur de mines de la Marine nationale équipé de caméras repère l'épave du Bugaled Breizh gisant par 90 mètres de profondeur. Sur son flanc droit, un fort impact. Il laisse imaginer un abordage par un navire de grande taille, de type cargo. Un coupable idéal est trouvé, mais deux mois après le naufrage, la piste se révèle fausse...
Six mois plus tard, l'enquête va connaître un tournant. Après une manifestation d'ampleur organisée par les familles des disparus, la justice a fini par donner son accord pour le renflouement de l'épave, une opération délicate et coûteuse. Le 10 juillet 2004, le Bugaled Breizh rentre au port, avec le corps d'un troisième marin...
Cette épave, le magazine "Affaires sensibles" a pu la filmer dans la base navale de Brest. Apparentes sur la cale, non pas une, mais deux traces d'enfoncement symétriques. Une sur chaque flanc, bâbord et tribord. Exit donc l'hypothèse de la collision avec un cargo voyou, qui n'aurait transpercé la coque que d'un seul côté. Ces deux enfoncements ont en réalité été provoqués par l'implosion de la cale, sous l'effet de la pression de l'eau et de la rapidité du naufrage.
L'hypothèse du sous-marin refait surface
Pour les familles, c'est une évidence : l'hypothèse du cargo voyou n'aurait servi qu'à les détourner de la piste du sous-marin. Reste à identifier celui qui aurait entraîné le chalutier breton par le fond... Serait-ce le submersible aperçu pendant les opérations de sauvetage ? Il s'agit d'un sous-marin néerlandais, le Dolfijn. La carte publiée par la préfecture maritime le situe, une demi-heure après le drame, à 20 kilomètres seulement de la zone du naufrage. Etait-il en surface ou en plongée ? Aurait-il pu se trouver sous le Bugaled Breizh quand il a coulé ? Le commandant affirme avoir toujours navigué en surface depuis le matin, mais il est contredit par le témoignage d'un pêcheur anglais présent lors du sauvetage...
Par la suite, le Dolfijn a été mis hors de cause. Sa route a été reconstituée par un expert, ancien sous-marinier, d'après le journal de navigation : il s'avère que le sous-marin est resté constamment à distance du Bugaled Breizh, avant de changer de cap quand il a été prévenu du naufrage, à 12h53. Le mystère demeure...
Extrait de "Bugaled Breizh : un naufrage en eaux troubles", une enquête à voir le 4 avril 2022 dans "Affaires sensibles", un magazine présenté par Fabrice Drouelle et coproduit par France Télévisions, France Inter et l’INA d'après l'émission originale de France Inter.
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