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Cadeau ou recel ? L'ancien électricien de Picasso et les 271 œuvres du maître

Un électricien à la retraite et son épouse, qui conservaient 271 œuvres inédites de Picasso dans leur maison, comparaissent pour recel mardi 10 février. Ils affirment que ces tableaux étaient des cadeaux, ce que conteste la famille du peintre.

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Danielle et Pierre Le Guennec dans leur salon de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), le 23 janvier 2015.  (MAXPPP)

Le trésor dormait au fond de son garage depuis quarante ans. L’ancien électricien Pierre Le Guennec stockait 271 œuvres de Pablo Picasso chez lui. Des cadeaux du célèbre artiste et de sa femme Jacqueline, soutient le retraité. Sauf que pour les héritiers du peintre, cette version ne tient pas : Picasso n’aurait jamais donné autant d’œuvres. Le 23 septembre 2010, la famille porte plainte pour recel.

Le procès du septuagénaire, qui a toujours clamé son innocence, et de son épouse Danielle s'ouvre mardi 10 février au tribunal de Grasse. Durant trois jours, l’homme devra expliquer comment une telle quantité d’œuvres a pu se retrouver chez lui, à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes).

"Tenez, c’est pour vous"

Pierre Le Guennec a toujours maintenu sa version des faits. L’ancien électricien assure que les œuvres lui ont été offertes par Picasso et son épouse lorsqu’il réalisait des travaux au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins (Alpes-Maritimes), la dernière demeure du peintre. "Un jour, avant la mort du maître, c'était en 1971 je crois, Madame [Jacqueline] m'a appelé. Elle m'a dit : 'Tenez, c'est pour vous.' Tout était en vrac, dans un carton. Je n'ai pas osé regarder devant elle ce que c'était. Dans ma voiture, j'ai vu qu'il s'agissait d'esquisses, d'ébauches, de choses d'atelier. J'ai tout mis dans un sac", raconte Pierre Le Guennec au Parisien, quelques jours avant l’ouverture de son procès. Le trésor détenu par le couple de retraités comprend une aquarelle de la période bleue, des gouaches sur papier, des études de main peintes sur toile, une trentaine de lithographies et plus de 200 dessins.

Les œuvres resteront inconnues des spécialistes et du grand public pendant près de quarante ans. Elles refont étonnamment surface en janvier 2010, raconte Libération. La Picasso Administration, société de gestion des droits de l'artiste, reçoit 26 photographies d'œuvres, supposées inédites, envoyées par un certain Pierre Le Guennec. Les envois se poursuivent par bribes, mais l’origine des photos reste floue.  Perplexe, Claude Picasso, administrateur de la Picasso Administration et fils du peintre, rejette les demandes d’authentification de ce mystérieux émissaire.

En septembre, l’ancien électricien et son épouse se rendent à Paris avec une valise contenant pas moins de 175 œuvres du célèbre artiste. "J'allais être opéré d'un cancer de la prostate, qui pouvait mal se terminer. Je voulais m'expliquer sur la possession de ces œuvres, et que mes enfants n'aient pas de problèmes avec", explique le retraité au Parisien. La stupéfaction est totale pour Claude Picasso qui, après trois heures d'expertise, ne peut que constater l’authenticité des pièces. 

60 millions d’euros d’œuvres d’art

"C'était un carton avec des petits dessins, des chutes de papier, ça aurait pu aller à la poubelle", relativise Pierre Le Guennec devant la caméra de France 24 en 2010. Des esquisses dont la valeur est pourtant estimée à 60 millions d’euros. Dans le carton, neuf papiers collés d’une très grande rareté sont même découverts. Ces œuvres, d’une valeur de 40 millions d’euros, ont été réalisées par Pablo Picasso entre 1912 et 1914, en collant des matériaux du quotidien comme des coupures de presse ou des étiquettes de magasins. Une période clé dans son travail artistique.

"Je suis formel : jamais Picasso ne se serait séparé de papiers collés de cette période ancienne. Quand j’ai écrit en 1960 le catalogue du cubisme, et que je lui ai montré des papiers collés qu’il avait perdus de vue depuis quarante ans, Picasso était au bord des larmes", assure son ami et écrivain Pierre Daix, interrogé par France 24 en 2010. La famille du peintre est tout aussi catégorique. Pour les héritiers de l’artiste, il est improbable que Picasso ait donné une telle quantité d’œuvres à une personne de son entourage.

Le procès qui s’ouvre mardi va ressembler à une réunion de famille. Six héritiers ont porté plainte pour recel, entraînant la mise en examen, en mai 2011, des époux Le Guennec. Claude Picasso sera accompagné de sa sœur Paloma, de la première fille du peintre, Maya, de deux petits-enfants de l'artiste, Marina et Bernard, ainsi que de Catherine Hutin-Blay, fille de sa dernière épouse Jacqueline. "Ce qui compte avant tout, c’est de récupérer un ensemble d’une importance historique pour l’histoire de l’art", affirme Jean-Jacques Neuer, l’avocat des héritiers de Picasso, dans Libération.

Pierre et Danielle Le Guennec encourent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Ils espèrent encore récupérer les 271 œuvres originales de Picasso à l’issue du procès. "Si on les récupère, elles seront destinées à nos enfants. Ce serait bien, aussi, que nous puissions les montrer dans la région au plus grand nombre. Mais au train où ça va, nous ne serons peut-être plus là pour le voir", confie Danielle Le Guennec au Parisien.

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