Distilbène : deux laboratoires condamnés en appel à indemniser une victime
Ce devait être une décision importante pour les 160.000 bébés exposés in utero au distilbène. Une décision obtenue après 9 ans de bataille judiciaire. Jusqu'à présent, pour prouver leur exposition à la molécule, les victimes devaient souvent fournir l'ordonnance prescrite à leur mère. Une mission quasi impossible, personne ou presque ne garde ce genre de documents pendant 30 ou 40 ans.
Il manque en l'occurrence cette ordonnance à Marie-Elise Pesenti, victime d'un cancer de l'utérus à 21 ans. Sa mère avait juste inscrit "Distilbène" sur son carnet de santé. Pourtant l'arrêt de la cour d'appel confirme la décision rendue en septembre 2009 par la Cour de cassation et condamne les deux laboratoires UCB Pharma et Novartis à verser conjointement 213.000 euros d'indemnisation à elle et sa famille.
Ce n'est pas la première fois que des laboratoires indemnisent "une fille Distilbène", mais c'est bien la fin d'un parcours judiciaire épuisant pour cette femme, car les laboratoires ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne contesteront pas cette décision. Dans son cas, des experts ont établi un lien entre son cancer développé très jeune et la molécule absorbée par sa mère.
Une autre victime déboutée
En revanche, la cour d'appel se penchait sur le cas d'une autre femme, Sophie Meyer, qui souffre de stérilité mais n'a pas bénéficié d'expertise médicale. Les magistrats ont estimé là qu'on ne pouvait prouver que sa pathologie était liée au Distilbène. Même si, selon son avocate, elle présente une anomalie spécifique classifiée "utérus Distilbène". Elle peut encore se pourvoir en cassation.
Deux cas, deux mesures. Il reste que la première décision est "une avancée ", selon Me Martine Verdier, l'avocate des deux plaignantes. Avancée qui ouvre la voie vers d'autres plaintes. Elles sont aujourd'hui 80.000 femmes recensées pour avoir développé cancers ou malformations après une exposition au Distilbène. Sans oublier les hommes, "les fils Distilbène", qui pourraient être aussi victimes de stérilité.
Un traitement judiciaire "au cas par cas"
Cela demeure cependant un combat "au cas par cas ". L'avocate Me Verdier plaide d'ailleurs pour que s'ouvre une class action, c'est-à-dire une action collective à l'américaine, pour fédérer les plaintes de toutes ces victimes et ainsi abréger ce parcours judiciaire interminable. "Ce serait moins lourd pour tout le monde ", explique Anne Levadou, ancienne infirmière et président de l'association DES France.
Le Distilbène est le nom commercial de l'hormone de synthèse DES commercialisée en France par les deux laboratoires UCB Pharma et Novartis. Elle était censée prévenir les fausse couches, mais, après avoir été soupçonnée de toxicité dès 1953, puis incriminée en 1971, elle a été interdite en 1977.
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