Fillette décédée à Vallauris : quatre questions sur le contrôle judiciaire et la détention provisoire

Le père de la petite Kamilya, décédée après avoir été percutée par un motard dans les Alpes-Maritimes, s'est ému de voir le suspect en liberté et non en détention provisoire.
Article rédigé par Lou Inès Bes
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un juge ouvre un dossier dans une salle d’audience du palais de justice de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 15 janvier 2024. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Aucun respect pour notre fille ni pour nous-même", a écrit dimanche 1er septembre sur Facebook le père de Kamilya, la fillette de 7 ans percutée jeudi soir par une moto, à Vallauris (Alpes-Maritimes) et décédée trois jours plus tard à l'hôpital. Le père de Kamilya s'est ensuite exprimé sur Facebook dimanche, regrettant que le motard de 19 ans, mis en examen, ait été placé sous contrôle judiciaire et non en détention provisoire. Que dit la loi concernant ces différentes procédures ?

Quelle est la différence entre la détention provisoire et le contrôle judiciaire ?

La détention provisoire a pour fonction de protéger le bon déroulement de l'instruction et consiste à incarcérer une personne présumée innocente qui n'a pas encore été condamnée selon la définition du site Service-public.fr. Sa durée est limitée à quatre mois pour les délits, à deux ans lorsqu'il s'agit de crimes et trois ans pour les peines supérieures à 20 ans. La détention provisoire est ordonnée si au préalable est établi qu'un contrôle judiciaire ou le port d'un bracelet électronique ne permettent pas d'éviter la destruction de preuves, la fuite du suspect ou encore des pressions sur des témoins ou la famille.

Le contrôle judiciaire, lui, est ordonné dans le cas où la personne mise en cause est en attente de son procès à la suite d'une enquête préliminaire ou bien si elle est mise en examen. Le contrôle judiciaire prend fin avec le procès et n'a donc pas de durée maximale. 

À la différence de la détention provisoire, le contrôle judiciaire permet en effet au suspect d'être libre au sens où il n'est pas détenu en maison d'arrêt. Mais il est soumis à des contraintes judiciaires qui diffèrent selon les individus. Dans le cas du suspect ayant percuté la petite Kamilya, le motard de 19 ans a l'obligation de "se présenter une fois toutes les deux semaines au commissariat d’Antibes". Il ne peut pas "entrer en contact" avec la famille de la victime et ne peut pas non plus se rendre dans la commune de Vallauris (Alpes-Maritimes). Son permis de conduire a été confisqué et il lui est également interdit de quitter le département des Alpes-Maritimes.

Qui décide de la détention provisoire ou du contrôle judiciaire ? 

C'est le juge des libertés et de la détention (JLD) qui possède une compétence en matière de détention provisoire, et non le juge d'instruction. Le juge d'instruction, en revanche, interroge le mis en examen après sa garde à vue et peut ensuite saisir le JLD afin de demander la détention provisoire de l'individu mis en examen. Ce dernier, après avoir été interrogé par le juge d'instruction, est amené à une audience devant le JLD, en étant obligatoirement assisté d'un avocat.

Un débat contradictoire a lieu pendant lequel le procureur de la République, le mis en examen et son avocat ont la parole chacun leur tour. Le JLD rend une ordonnance à la suite de ce débat contradictoire. Le JLD peut ordonner le placement en détention provisoire de la personne ou refuser cette détention. C'est dans ce cas, qu'il ordonne soit un placement sous contrôle judiciaire détention ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.

Et si le parquet, le juge d'instruction et le JLD ne sont pas d'accord sur la décision du contrôle judiciaire ?

Il arrive des cas où la décision du JLD ne fait pas l'unanimité. C'est le cas de l'affaire de la petite Kamilya, décédée dimanche de ses blessures après avoir été percutée par un motard : le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) ainsi que le juge d'instruction qui a mis en examen le motard souhaitaient son placement en détention provisoire pendant la poursuite de l'enquête. Toutefois, le JLD a décidé d'un placement sous contrôle judiciaire, le jeune homme de 19 ans n'étant pas sous l'emprise d'alcool et de stupéfiants au moment des faits et n'étant pas connu des services de police. "La décision du JLD semble juridiquement totalement fondée. Même si pour les parties civiles elle est forcément incompréhensible parce que l'émotion balaie tout, de façon tout à fait légitime", commente Marion Ménage, avocate pénaliste au barreau de Pontoise.

Le parquet a d'ailleurs fait appel de cette décision. Appel qui sera examiné "dans les meilleurs délais possibles" selon la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. "Le risque de fuite ou de réitération des faits semble faible, la déperdition des preuves est sans objet, le risque de concertation est nul. Il ne reste que la gravité objective des faits et le trouble à l'ordre public" qui pourrait faire basculer vers une détention provisoire explique l'avocate. Aussi, la pression médiatique d'une affaire peut dans certains cas influer sur la notion de trouble à l'ordre public mais "heureusement qu'elle n'est pas suffisante pour entraîner un placement en détention provisoire", estime l'avocate.

Pourquoi la détention provisoire n'est pas automatique ?

Comme nous l'avons évoqué plus haut, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'un contrôle judiciaire ou le port d'un bracelet électronique ne permettent pas d'éviter la destruction de preuves, la fuite du suspect ou encore des pressions sur des témoins ou la famille. La mise en détention d'un individu non jugé doit donc rester exceptionnelle puisque "nous sommes dans le champ du pré-sentenciel" précise Marion Ménage. "Sur le papier, on ne devrait jamais mettre une personne en prison alors qu'une juridiction ne l'a pas reconnue coupable et condamnée. La détention avant tout jugement doit rester très strictement encadrée", ajoute-t-elle. "Cela n'empêche pas que ce jeune homme pourra être incarcéré lorsqu'il sera condamné. Ce sera alors à titre de sanction".

Un autre argument mis en avant pour défendre le recours exceptionnel à la détention provisoire est la surpopulation carcérale. Environ 26% des détenus incarcérés sont en attente d'un jugement en France selon le site Vie-publique.fr.

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