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"Montigny, ce n’est pas moi !" clame Francis Heaulme à son procès pour le meurtre de deux enfants en 1986

Francis Heaulme est jugé depuis mardi devant les assises de la Moselle, plus de trente ans après le meurtre de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, 8 ans. Resté calme pendant une grande partie du premier jour d'audience, le tueur en série s'est agacé en fin d'après-midi.

Article rédigé par Violaine Jaussent - envoyée spéciale à Metz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Francis Heaulme dans le box des accusés, devant les assises de Moselle, le 25 avril 2017.  (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Cela fait plus de deux heures que le président de la cour d'assises a commencé sa lecture. Il est presque 17 heures. Francis Heaulme, dont le procès pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz s'est ouvert mardi 25 avril devant la cour d'assises de la Moselle, commence à s'impatienter. Il demande l'heure aux deux policiers assis à ses côtés.

Dix minutes plus tard, il se penche vers son avocate. "Qu'est-ce qu'il y a monsieur Heaulme ? Vous souhaitez faire une pause ?" lui demande le président de la cour d'assises. Pour la première fois de la journée, l'accusé s'emporte. Il ne supporte pas que le président, Gabriel Steffanus, lise la déposition de deux de ses anciens codétenus, qui ont affirmé aux enquêteurs qu'il leur avait fait des confidences sur ce double meurtre, commis en 1986.

Vous racontez ma vie là... J'ai commis des meurtres mais Montigny ce n'est pas moi ! Les détenus ont parlé parce qu'ils veulent des remises de peine, mais Montigny ce n’est pas moi.

Francis Heaulme

devant la cour d'assises de la Moselle

Pourtant, depuis 10h20, heure de l'ouverture de l'audience, l'accusé est quasiment imperturbable. Il écoute avec attention. Quand il ne croise pas les bras, il pose sa main sous son menton.

Le dos voûté et le visage pâle

En début de journée, Francis Heaulme est arrivé en ascenseur dans le box des accusés. Il est sous bonne escorte. Il s'assoit. Il est vêtu d'un pull bleu marine, dont le col, apparent, est blanc et moutonné. Il arbore toujours une paire de lunettes, mais plus fines que sur les portraits qui ont marqué l'opinion publique dans les années 1990. Ses cheveux ont blanchi, son dos est voûté. Ceux qui ont suivi son parcours judiciaire – le tueur en série a déjà été condamné pour neuf meurtres – le trouvent vieilli. Le "routard du crime" a eu 58 ans le 25 février. Son visage est pâle.

Tous l'attendent. Les familles de victimes, parties civiles, qui redoutent de le voir. Les curieux, dans le public, avides de découvrir son visage "en vrai". Ses avocats, qui forment une haie devant le box. Et, bien sûr, les journalistes, venus en masse pour l'ouverture du procès. Francis Heaulme patiente sous le crépitement des flashs et l'œil des caméras. Il ne proteste pas. Pourtant, il l'a fait savoir à son avocate : il refuse que son image soit diffusée dans les médias. Mais ces derniers, curieux de capter le moment de son apparition, l'oublient. Finalement, son avocate principale, Liliane Glock, rappelle la volonté de son client.

"La logique, c’est de l'acquitter immédiatement"

C'est avec difficulté, d'une voix monocorde, traînante, que Francis Heaulme décline son identité. A la question sur sa profession, il répond : "Sans." Il énumère le nom de ses avocats. Liliane Glock est la première d'entre eux à prendre la parole, après le tirage au sort des jurés. "Ce procès ne pourra en aucun cas être équitable, commence-t-elle. On se réunit à l'issue de trente ans de procédure, est-ce bien raisonnable ?"

Puis elle expose ses arguments. Elle critique avec force la destruction des scellés, en 1995. Cette décision, légale, a été prise six ans après la condamnation de Patrick Dils, premier accusé finalement acquitté après trois procès et une requête en révision. Au terme de son exposé, elle demande l'acquittement de son client. "La logique, c’est d'acquitter Francis Heaulme immédiatement, parce que pas de preuves, pas de procès", martèle-t-elle.

Imperturbable dans le box des accusés

Aux avocats des parties civiles de répondre. Ils sont quatre à se succéder. Pendant ce temps, dans le box des accusés, Francis Heaulme a les bras croisés. Il fixe les avocats, sans expression particulière. "Lorsque l'accusé vient réclamer son acquittement immédiat, je reste pantois. Je reste non pas sans voix, heureusement pour un avocat, mais je suis troublé par une affirmation aussi téméraire et déraisonnable", conclut d'un ton ferme Thierry Moser, avocat de Serge Beckrich, le père d'Alexandre, l'un des deux enfants tués le 28 septembre 1986 à Montigny-lès-Metz.

"Demander l'acquittement de l'accusé avant même les débats est irrespectueux", insiste l'avocat général, Jean-Marie Beney. L'accusé, lui, ne cille pas. L'audience est suspendue pendant une dizaine de minutes. A la reprise, le président de la cour d'assises annonce que la demande d'acquittement déposée par Liliane Glock est "irrecevable". Le procès peut donc continuer.

Trente ans résumés en trois heures

"Cela s'est passé le 28 septembre 1986, il y a 30 ans. C'était un dimanche ensoleillé, comme on l’apprécie en début d’automne. La rue Venizélos est calme. Elle appartient aux enfants." Dans l'après-midi, le président de la cour lit d'un ton solennel son rapport. Il rappelle comment les corps d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining, 8 ans, ont été retrouvés sur le ballast d'un talus de la SNCF. Comment l'état des cadavres témoigne de la violence du crime. Et comment, à partir de ce moment-là, l'enquête a été menée.

Comment Patrick Dils, un adolescent de 16 ans, est devenu le premier accusé dans cette affaire. Comment il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1989, puis acquitté en 2002. Comment Francis Heaulme a fait irruption dans cette affaire, après un PV de l'ancien gendarme Jean-François Abgrall. Comment il a été mis en examen une première fois en 2006, avant de bénéficier d'un non-lieu et d'être finalement renvoyé devant les assises en 2013.

Trente ans résumés en près de trois heures. Autant d'années contenues dans les volumineux dossiers disposés devant les quatre avocats de Francis Heaulme, qui forment une haie devant le box des accusés. Le tueur en série y est assis de trois quarts. Il est tourné vers le président et écoute.

Les jurés aussi sont attentifs. Quelques-uns prennent des notes. Francis Heaulme ne leur prête pas attention. Pourtant, pendant le tirage au sort, il les avait observés. Il avait regardé ces quatre hommes et ces deux femmes, accompagnés des cinq jurés supplémentaires, tous des hommes, qui décideront de le disculper ou de le condamner.

Un CV glaçant

Au milieu son exposé, le président de la cour énumère les meurtres commis par Francis Heaulme. Un CV glaçant. Le magistrat détaille comment l'accusé a tué neuf personnes, son mode opératoire, sa "signature criminelle". Il souligne aussi l'insensibilité dont le tueur en série fait preuve.

Seul le nombre d’articles parus dans la presse lui importe.

Le président de la cour d'assises

à propos de Francis Heaulme

En prononçant ces mots, Gabriel Steffanus lève les yeux de son dossier et se tourne vers Francis Heaulme.

La cour d'assises a jusqu'au 18 mai pour déterminer si oui ou non Francis Heaulme est coupable de ce double meurtre. Le président lui demande s'il souhaite garder le silence ou s'il va "tenter de faire des déclarations comme tout à l'heure", en référence au moment où le tueur en série a lancé : "Montigny, ce n'est pas moi !" "Oui", répond l'accusé. Lors des précédents procès, Francis Heaulme était resté énigmatique dans ses propos. Ce "oui", énoncé clairement, pourrait entretenir l'espoir des familles qui attendent depuis plus de trente ans, et cinq procès, de connaître la vérité.

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