Les avocats sont-ils vraiment tous des nantis ?
Les "robes noires" restent mobilisées contre la réforme de l’aide juridictionnelle car ils craignent une baisse de leurs revenus. Un mouvement qui peut sembler incongru car dans l'imaginaire collectif, les avocats gagnent très bien leur vie.
Si les avocats se mobilisent, depuis lundi 19 octobre, contre la réforme du financement de l’aide juridictionnelle, c’est aussi pour protéger leurs salaires. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a prévu de diminuer les unités de valeurs qui définissent la rémunération des "robes noires" dans les dossiers qui relèvent de cette aide destinée aux plus démunis. Ils craignent de voir leurs salaires baisser d’autant.
Des revendications qui peuvent apparaître incongrues car dans l'imaginaire collectif, l’avocat conserve l’image d’un nanti qui gagne très bien sa vie. La réalité est plus nuancée. D’une région à l’autre, et selon la taille d’une entreprise, les avocats ne sont pas tous égaux face à leur rémunération.
Un salaire moyen élevé, qui cache des disparités
Les avocats jouissent d'un salaire plus élevé que le salaire français moyen (21 346 euros par an pour 2012). Avec 78 005 euros de salaire moyen (en 2012), le métier reste lucratif.
Néanmoins ce chiffre élevé cache de grandes disparités : si l’on s’intéresse au salaire médian (le salaire tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l'autre moitié gagne plus) en 2012, on s’aperçoit qu’il s’élève à 46 744 euros par an pour toute la France, selon le rapport annuel de la Caisse nationale des barreaux français. Ce sont donc les très hauts revenus qui font grimper la moyenne nationale. Par exemple, "5% des avocats ont gagné au-delà de 190 561 euros pour 2013", explique Pascal Honorat, directrice de l'Observatoire du conseil national des barreaux, à francetv info.
Des spécialités plus lucratives que d'autres
Parmi les avocats indépendants, à chacun son domaine d'expertise et pour ce qui est du salaire, tous ne se valent pas. "Les fiscalistes, qui ont une compétence internationale, sont rares et donc très recherchés. C'est le haut du panier", affirme Pascale Honorat.
Mais dans les domaines qui touchent aux personnes, ce n'est pas la même chose. Pour les avocats qui s'occupent des divorces, des demandes d'asile, des commissions de surendettement, la réalité est souvent différente. Ce sont ces avocats qui manifestent devant les tribunaux contre la baisse de leurs indemnités au titre de l'aide juridictionnelle.
"J’ai des confrères qui travaillent à 80% avec les indemnisations de l’aide juridictionnelle. Certains survivent, d’autres sont en redressement judiciaire, déplore Maître Bussy, avocat au barreau de Douai (Nord) depuis cinq ans. L’aide judiciaire, c’est un effort que l’on fait parce qu’on y perd de l’argent."
De la Corse à l'Ile-de-France, un salaire moyen qui passe du simple au double
De 90 638 euros par an (soit 7 553 euros par mois) en Ile-de-France, à 34 485 euros (2 873 euros par mois) en Corse, les disparités entre les rémunérations des avocats se jouent aussi au niveau géographique. "Ces revenus sont largement conditionnés par le territoire d'exercice. Par exemple, à Paris, le revenu annuel médian est de 53 654 euros par an, alors que pour le reste de la France, il s'élève à 40 707 euros en 2013, d'après les nouveaux chiffres de la Caisse du conseil des barreaux français", explique Pascale Honorat.
Si l'Ile-de-France arrive en tête, c'est notamment qu'elle bénéficie d'une forte concentration d’acteurs économiques et de personnes à très haut revenus : elle concentre aussi naturellement les spécialités les plus lucratives.
La fatidique barre des dix ans d’expérience
Quand il s’agit de salaire, l’expérience compte. En 2012, le salaire moyen pour les avocats qui exercent depuis moins de dix ans atteint 48 731 euros par an. Alors que les avocats les plus expérimentés reçoivent, en moyenne, 101 875 euros par an, selon la Caisse nationale des barreaux français. Il en est de même avec le salaire médian, qui s’élève à 36 272 euros par an pour les moins expérimentés contre 62 174 euros pour leurs aînés.
"Les avocats sont à 95% installés en libéral. Leurs cabinets fonctionnent donc comme une très petite entreprise. Après un certain nombre d'années, ils ont une certaine clientèle pour laquelle ils ne comptent pas leurs heures." Et leur salaire s'en ressent. S'il existe certains écarts entre les différents avocats, ceux-ci demeurent parmi les dix professions les mieux payées, selon l'Observatoire des inégalités.
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